Saint-marcellin : Le petit crémeux du Dauphiné

La célébrité d'un fromage tient parfois à peu de choses. En l'an 1447, deux bûcherons portent secours au dauphin Louis, futur Louis XI, attaqué par un ours à l'occasion d'une partie de chasse dans le massif du Vercors. Pour se remettre de leurs émotions, les deux hommes partagent du pain et du fromage avec l'imprudent Dauphin qui tombe sous le charme. Le saint-marcellin fait ainsi son entrée à la table du roi de France. À l'époque, le fromage crémeux est fait à base de lait de chèvre mais, à partir de 1730, l'élevage caprin étant fortement réglementé pour reboiser rapidement les campagnes, la pénurie guette. La recette évolue donc et le saint-marcellin devient un fromage de vache, ce qu'il n'a plus jamais cessé d'être.« J'aime beaucoup quand ce fromage est affiné, qu'il a maturé... Il coule alors sur la planche et son goût est incomparable. À l'aveugle, on ne peut pas se tromper?! », s'enthousiasme Christophe Aribert, chef doublement étoilé des Terrasses d'Uriage. Une onctuosité due à son mode de fabrication?: « Laissé à une température de 20 à 22 °C durant deux heures, le lait est mis à cailler pour passer à l'état solide, puis conservé une vingtaine d'heures dans une pièce chaude, avant d'être moulé dans des faisselles, explique Jean-Noël Rochas, producteur fermier à Quincieux. Il est alors démoulé avant de rester 18 à 24 heures dans un séchoir à 16 °C. » Au total, 230 fermes, majoritairement en Isère, fournissent les 25 millions de litres de lait qui permettent de produire 3.500 tonnes par an.« Ce fromage s'accommode très bien avec les fruits rouges, notamment avec des mûres légèrement poivrées, mais aussi avec de la Chartreuse ou avec des noix », souligne Christophe Aribert, qui le cuisine à l'envi et en utilise une trentaine par semaine. Le chef propose ainsi dans son menu une recette de gelée de sureau et de pain de noix toasté au saint-marcellin, en remplacement d'un plateau de fromages classique. « Je le fais également réduire un peu avec un mélange équilibré de Chartreuses jaune et verte qui deviennent sirupeuses et développent tout leur côté floral, avec des arômes de miel, de curry et de réglisse. Un régal?!?» Il lui arrive enfin de le préparer en hiver avec de la truite du Vercors pochée au bleu dans un bouillon, en faisant fondre de petits copeaux de saint-marcellin sur une pomme de terre et en ajoutant un peu de noix torréfiée, de lait de noix et de la roquette. Car, si septembre est le mois idéal pour le consommer, celui-ci reste excellent de mars à décembre.Muriel Beaudoing, à Grenoble
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