Bienvenue aux riches

Putain, deux ans », rageait en son temps la marionnette de Jacques Chirac aux « Guignols de l'info ». Les hauts salaires britanniques peuvent désormais reprendre le slogan à leur compte. George Osborne, le chancelier de l'Échiquier, promet un cadeau discret mais réel à ceux qui gagnent plus de 150.000 livres sterling (170.000 euros)... mais il faudra pour cela attendre deux ou trois ans. En pleine crise financière, le gouvernement précédent avait introduit une tranche supérieure d'imposition de 50 %, contre 40 % auparavant, pour les salaires de plus de 150.000 livres. George Osborne, conservateur d'inspiration thatchérienne, n'a jamais approuvé cette mesure. Mais il est suffisamment astucieux pour savoir que l'annuler, alors même qu'il lance un gigantesque programme d'austérité, serait un désastre politique. Dans un premier temps, il a donc promis de le supprimer d'ici à la fin de ce mandat législatif en 2015. Mais il semble vouloir accélérer le calendrier. Il a insisté sur le caractère « temporaire » de cette tranche haute d'imposition, estimant qu'elle « provoque des dommages durables à notre économie ». Du coup, les gérants de fortune ont sorti leurs calculettes, pariant sur une suppression de la tranche en 2013. Avec cette question brûlante pour les hauts revenus : comment faire pour ne percevoir ses revenus qu'après cette date fatidique ? Les gérants conseillent d'investir dans des portefeuilles qui font grossir le capital, mais ne versent pas d'intérêts réguliers. Il faut éviter les dividendes, pour se concentrer sur des entreprises prometteuses à deux ou trois ans. Il sera alors temps de vendre et d'encaisser la plus-value... taxée à 40 %. Pour beaucoup de traders de la City cependant, il ne sera même pas nécessaire d'en passer par là. Pour eux, les nouvelles règles sur les bonus sont paradoxalement les bienvenues : le paiement d'au moins la moitié de la somme est désormais différé de trois ans au moins... ce qui devrait tomber juste après la suppression de la tranche haute d'imposition. Dans la même logique, de nombreux hauts salaires peuvent verser une partie de leur rémunération dans des trusts, gérés offshore, et rapatrier l'argent après la baisse fiscale. La promesse de l'abolition de la tranche haute de l'impôt sur le revenu symbolise le changement de ton des autorités de Londres. Jusqu'en 2007, celles-ci avaient été particulièrement laxistes vis-à-vis des grandes fortunes. Puis, crise oblige, le gouvernement de Gordon Brown avait changé son fusil d'épaule : le statut des « non-doms » (résidants en Grande-Bretagne mais fiscalement domiciliés à l'étranger) avait été écorné, les bonus des banquiers avaient été imposés à 50 %, et l'impôt sur le revenu augmenté.Le nouvel exécutif, au pouvoir depuis mai 2010, n'a pas encore changé ces règles, craignant un retour de bâton politique. Mais il a changé de ton. Il est très clair sur ses intentions : Londres doit être l'endroit où il fait bon vivre pour les banquiers, les traders et les riches en général. Cela prendra quelques années, mais le chemin est tracé.
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