Cancún : de nouveaux enjeux pour la place de Paris

Un constat s'impose : la nouvelle forme d'action publique consistant, sous une contrainte quantitative (plafond d'émission de CO2), à créer ex nihilo un marché est un outil particulièrement pertinent. En effet, sur ce dernier, se forme le prix de la tonne de CO2 évitée permettant d'orienter les investissements vers les secteurs où ils sont les plus efficaces. Au niveau européen, le système d'échange de quotas a contribué à réduire de 100 à 150 millions de tonnes par an les émissions couvertes par le système dès sa phase d'apprentissage de 2005 à 2007. De même, les mécanismes de projets prévus au protocole de Kyoto auront déjà permis à l'horizon 2012 des réductions d'émissions de CO2 de l'ordre d'un milliard de tonnes et un investissement d'environ 100 milliards de dollars dans les pays en développement.On ne peut que se féliciter de la récente communication du Conseil européen du 14 octobre 2010. En préparation des négociations de Cancún, l'Europe s'oriente résolument en faveur de la prolongation du protocole de Kyoto et de ses mécanismes de mesure, notification et vérification (dits MRV en anglais), seuls à même d'assurer la cohérence des engagements et de garantir l'intégrité des réductions. Ses objectifs, déjà ambitieux, pourraient être renforcés en cas d'accord politique international. Cette position européenne audacieuse donne un supplément de visibilité aux investisseurs qui pouvaient craindre une déconnexion entre la politique européenne et le cadre onusien. Certains incidents, périphériques au marché du carbone, ont pu brouiller son image et ont fait la preuve qu'un cadre réglementaire rigoureux, lisible et prévisible sur le long terme est la condition de l'efficacité de « l'outil marché ». Des objectifs clairs, une régulation adaptée et la mise en place de procédés innovants sont les trois pistes qui doivent guider nos actions.Pour remplir pleinement sa mission, le marché du carbone, instrument de politique publique, doit agir dans un cadre de surveillance adapté. À cet égard, les travaux de la commission Prada font désormais référence en Europe. Elle a recommandé de mettre en place au niveau européen une architecture de surveillance harmonisée, donnant compétence aux régulateurs financiers sur l'ensemble des marchés du carbone, en articulation avec les régulateurs de l'énergie. Plate-forme exemplaire de la place de Paris, BlueNext est en mesure de contribuer à la mise en oeuvre de ce nouveau cadre et prépare activement sa candidature pour l'organisation des enchères au niveau européen. Une fois la régulation précisée, il convient de mettre en place des outils innovants pour permettre aux acteurs privés de prendre leur juste part à l'effort collectif. Deux idées nous semblent mériter une analyse plus approfondie tant à l'échelle de la négociation internationale que sur le plan local : tout d'abord, la conservation de la forêt et des activités forestières comme moyen de lutte contre le réchauffement climatique ; en second lieu, la promotion de mécanismes européens de projets réducteurs d'émissions. Les réductions des émissions liées à la déforestation et la dégradation de la forêt (REDD) sont présentées comme l'un des sujets faisant consensus. Les gisements de réduction et de séquestration sont importants : la capacité de séquestration se monte à environ 10 % des émissions mondiales. Les bénéfices sociaux, d'aménagement du territoire et de contribution à la biodiversité, sont également connus et reconnus. Pourtant, le REDD ne bénéficie pas encore d'un cadre réglementaire incitatif pour les acteurs privés. Il conviendrait donc de reconnaître le rôle du secteur privé comme bailleur de fonds potentiel et d'intégrer les crédits issus de ces activités comme actifs des systèmes plafonnés européen et international.La promotion de projets européens de réductions d'émissions - autrement appelés projets domestiques - participe de la même idée. Alors que les finances publiques ont besoin de trouver des relais de financement de la politique climatique, le dispositif énoncé à l'article 24bis de la directive européenne apporte une solution innovante. Les projets verts européens généreraient des crédits utilisables par le système européen de plafonnement des émissions. Prévu par le protocole de Kyoto et la législation européenne, ce schéma inciterait à des investissements étendus aux secteurs non couverts par le dispositif européen à moindre coût, en intégrant notamment les collectivités territoriales européennes à l'économie du carbone.(*) Amine Bel Hadj Soulami (BNP Paribas), Arnaud de Bresson (Paris Europlace), Pierre Ducruet (CDC Climat), François-Xavier Saint-Macary (BlueNext), Jérôme Malka (Orbeo) et Philippe Rosier (Rhodia Energy).Par La Commission carbone de Paris Europlace (*)
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