Taxons, sans mégoter, les héritages !

Quelle volée ! Jusqu'à présent, seul l'immobilier m'avait valu tant de colère de la part de ceux qui nous écoutent régulièrement. Mais la question des successions a fait exploser tous les records. On se demande souvent où sont les lignes de fracture politiques : en voilà une, magnifique, parfaitement résumée par le président du Cercle des fiscalistes, Philippe Bruneau : « Est-il normal que dans ce pays l'héritage soit trois fois moins taxé que le travail ? » (le même Philippe Bruneau, qui nous prévient que l'on va, inéluctablement, vers une hausse forte et durable de la fiscalité, qu'il faut s'y préparer dès maintenant).Cette phrase va déclencher un torrent de réactions : « Atteinte intolérable à notre liberté », répondent les auditeurs, « ce monde est devenu fou qui veut nous empêcher de protéger même nos enfants, cet argent dont vous dites qu'il n'est pas assez taxé, mais il l'a été, maintes et maintes fois, car il a été gagné, puis placé, à chaque fois les guichetiers de l'État sont venus se servir. »Tout cela, bien sûr, ne résiste pas à la pyramide des âges. Tout cela serait audible si le terme « enfants » ne concernait pas des gens de 70 ans. Si le capital qui se transmet ne passait pas de mains mourantes en mains retraitées, des retraités qui ne pensent eux-mêmes qu'à le transmettre parce qu'ils savent déjà que leurs projets de conquête sont derrière eux. Si encore ils nous jouaient tranquillement les veuves joyeuses ou les parents indignes, si encore on allait le claquer à coups de gigolos et de croisières sur le Nil... Mais non, nous irons (car c'est bien de nous qu'il s'agira un jour) gonfler les différentes bulles, immobilières, obligataires, parce que nous vivrons comme un devoir le fait de ne pas prendre de risque. Une absence de risque qui, de fait, deviendra le pire risque, parce que les bulles explosent, évidemment. Le paradoxe, c'est que nous savons tout cela. Et que pourtant nous allons reproduire les comportements irresponsables de nos aînés. Pourquoi ? Pour ne pas être taxés d'égoïsme, pour ne pas avoir à justifier chacune de nos dépenses devant le regard noir des enfants ingrats et avides.Alors, oui, taxons ! Et ne mégotons pas, taxons fort, brutal, sans pitié ; taxons pour remettre en vie l'argent de la peur ; taxons pour que nos retraites se transforment en une orgie permanente : ô félicité ! Liquidation définitive, tout doit disparaître sous peine de tomber dans les poches de l'État, enfin jouir sans autre entrave que celle de la ruine qui viendra comme la satisfaction du devoir accompli. J'enrage devant l'affaire Bettencourt : on lui fait un procès en irresponsabilité, mais on devrait la décorer, pour sa contribution à la croissance future, du nouvel ordre sacré des Parents indignes.Rien d'autre à faire que de vous les donner en rafales : quelques chiffres glanés à travers les actes d'un colloque à Hong Kong sur le poids de l'industrie informatique : elle emploie aujourd'hui encore 160.000 personnes aux États-Unis, mais en Chine, Foxconn à elle seule (sous-traitant d'Apple, notamment) emploie 900.000 salariés. Sur le seul site de Shenzhen travaillent 250.000 personnes.On se retrouve en fait avec des ensembles, « socialement systémiques » : quand des salariés de Foxconn commencent à se jeter des toits et obtiennent 30 % de hausse de salaire n'ont-ils pas, à eux seuls, la possibilité de modifier en profondeur des équilibres macroéconomiques ?Par Stéphane Soumier Animateur de « good morning business » sur BFM radio
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