Point de salut pour l'Europe hors la Méditerranée

Initié en 1995, le processus de Barcelone avait pour vocation de créer une dynamique euroméditerranéenne favorisant le codéveloppement. Depuis quelques mois, il se heurte à quelques difficultés. Aujourd'hui pourtant, il nous faut, plus que jamais, soutenir le projet euroméditerranéen sans fléchir. Et il y a urgence tant le rééquilibrage vers l'Orient que nous vivons ne favorise pas le rapprochement autour de Mare Nostrum. Au contraire, la tectonique actuelle des pays du Sud méditerranéen semble plutôt jouer en défaveur de l'Europe. Voyons par exemple la Turquie qui, lasse des réticences de l'UE, regarde désormais vers l'Est (Union turcophone en gestation, conquête progressive du marché irakien) pour créer une zone de libre-échange avec ses voisins arabes et vise un leadership régional en s'appuyant sur une diplomatie audacieuse qui courtise tous azimuts l'Iran et l'Azerbaïdjan, le Brésil et le monde arabe. Observons le Maghreb qui tâche de s'unir et convoite les marchés subsahariens. L'Afrique subsaharienne, enfin, s'est jetée à corps perdu dans les bras chinois. Et la Chine s'apprête à investir massivement en Europe du Sud via la porte d'entrée grecque.Dans un tel contexte, l'Union pour la Méditerranée (UPM) est une première réponse : d'une part, elle offre à l'Europe de jouer, enfin, un rôle de médiateur dans le conflit du Proche-Orient, noeud gordien de la géopolitique mondiale ; d'autre part, elle peut lui permettre de renforcer sa présence sur les marchés nord-africains face aux concurrents asiatiques et américains.Il est également crucial que l'Europe et la France au premier chef changent leur regard suranné sur l'Afrique, à l'heure où celle-ci s'éveille. « Comment pouvons-nous utiliser cette croissance économique qui est à nos portes et ne pas la laisser aux autres ? » s'interrogeait justement, il y a quelques mois, Jean-Michel Severino, ex-directeur général de l'Agence française de développement (AFD). Face aux difficultés structurelles du Vieux Continent, le Sud apparaît en effet comme une formidable opportunité de renouveau : nouveaux marchés, dynamisme des ressources locales, sources d'énergies renouvelables (notamment le soleil du Sahara), soutien diplomatique de choix, turc ou arabe, dans les initiatives de paix au Proche-Orient. Le gain est donc autant politique qu'économique.De leur côté, les pays du Sud ont eux aussi tout à gagner dans l'aventure du codéveloppement. L'Institut de recherche pour le développement (IRD) fait d'ailleurs l'analyse suivante : si les entreprises des pays en développement ont fait la preuve de leur capacité à développer des technologies nouvelles, il leur faudra toutefois mettre en place des partenariats avec celles des pays développés pour aller plus loin. Un seul exemple : en Algérie, la Sonatrach, considérée comme pionnière dans la technologie de séquestration de CO2, n'en collabore pas moins étroitement avec BP, Statoil, Total et GDF Suez pour la capture de carbone au sud-ouest du pays. Un intérêt à coopérer renforcé par la nécessité absolue pour l'Europe et le Maghreb de relever d'urgence, ensemble, le défi énergétique. Le Plan solaire méditerranéen (PSM), l'une des six initiatives prioritaires de l'UPM, a d'ailleurs séduit politiques et industriels des deux côtés de la Méditerranée, donnant un premier aperçu, très encourageant, de ce que pourrait être une coopération industrielle fructueuse entre l'Europe et le Sud méditerranéen.En somme, point de salut sans la Méditerranée. La coopération transméditerranéenne permettra sans nul doute à l'Europe de doper sa croissance et de retrouver un rôle politique à sa mesure sur la scène internationale. (*) Membre de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed), Senior VP d'EMC pour la région EMEA Sud, Afrique et Moyen-Orient. Par Frédéric Dussart (*)
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