Faut-il créer une compagnie nationale des gaz de schiste ?

Dans le domaine des hydrocarbures, les compagnies nationales sont plus la règle que l'exception. Sur la trentaine de compagnies pétrolières ou gazières produisant plus d'un million de barils équivalents pétrole, seules sept sont privées. Il est donc légitime d'imaginer une compagnie nationale pour exploiter les gaz de schiste... mais est ce vraiment utile ?Un monopole public des gaz de schiste, une bonne idée économique ?Si la géologie et l'environnement sont favorables, l'équation économique des gaz de schiste est relativement simple et tient en 3 vertus: expérience, flexibilité opérationnelle et capacités de financement. En l'état actuel de ses finances, est-il raisonnable pour l'Etat français d'investir, peut-être à pertes, plusieurs centaines de millions d'Euros dans l'exploration ? Une société étatique réussira-t-elle à adopter la mentalité « start-up » qui a permis aux petits acteurs américains de réinventer leur organisation et d'abaisser drastiquement les coûts de production des gaz de schiste ? Est-il raisonnable d'imaginer qu'une « compagnie nationale des gaz de schiste » nouvellement créée soit compétitive face à des acteurs qui ont plus de 10 ans d'expérience et des milliards de dollars investis en projets ?Ce n'est pas un hasard si des pétroliers nationaux géants comme les Sinopech ou Petrochina, qu'on ne peut pas accuser de libéraux dogmatiques, multiplient les acquisitions couteuses et ouvrent leurs permis de gaz de schiste à des compagnies étrangères comme Total, Shell ou ConocoPhillips. On ne s'improvise pas producteur de gaz de schiste et il semble plus efficace d'utiliser la fiscalité pour capter au mieux l'éventuelle rente gazière.Un monopole public des gaz de schiste, au détriment de nos acteurs et de nos principes ?Total et GDF SUEZ font partie des leaders mondiaux dans l'industrie des hydrocarbures et notamment dans l'exploitation et le transport du gaz, y compris de schiste. Ces compagnies sont respectivement les premières et cinquièmes sociétés françaises en terme de chiffres d'affaires et emploient conjointement plus de 140 000 employés en France. Elles sécurisent nos approvisionnements énergétiques, tirent les filières d'excellence en ingénierie et sont des têtes de pont économiques entre la France et l'étranger - Total est présent dans plus de 130 pays, GDF SUEZ dans 70 pays.En écartant arbitrairement ces acteurs des gisements de gaz de schiste français, quel message envoyons-nous au reste du monde ? Que nous considérons nos champions comme incapables de développer nos gaz de schiste proprement?Une compagnie nationale des gaz de schistes,  gage pour l'environnement ?L'Etat actionnaire plaçant théoriquement l'intérêt commun au dessus de tout (et notamment de la rentabilité), il est tentant d'imaginer qu'une compagnie nationale soit plus a même d'exploiter les gaz de schiste, dans le respect de l'environnement.N'ayons pas d'illusions ! Dans le domaine énergétique, l'histoire nous enseigne que les accidents environnementaux n'épargnent pas les acteurs publics. « Tchernobyl », « IXTOC 1 », « Malpasset » ou « Mingbulak » n'étaient-ils pas sous la responsabilité de compagnies nationales ! Qu'ils soient dus à des conditions exceptionnelles ou des erreurs « quelconques », les accidents et les pollutions qu'ils engendrent sont essentiellement le résultat d'une succession de causes : conditions dangereuses latentes, erreur humaine, disfonctionnement dans la chaine de management, etc.La solution des instances de contrôle compétentes et indépendantes ? En matière pétrolière, les « majors » n'ont rien à envier en terme de gestion des risques. Elles se distinguent favorablement de la plupart des compagnies nationales et des petits acteurs privés sur les critères essentiels que sont l'expérience, la maitrise des techniques, les procédures de contrôle, les systèmes d'informations, la sélection des candidats ou les dépenses de maintenance et d'investissements ! Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les compagnies internationales sont surreprésentées dans les projets les plus complexes et les plus risqués tout en affichant des ratios accident/ million d'heures travaillées exemplaires. Si les projets de gaz de schiste sont infiniment plus simples à développer (et moins risqués) qu'un projet arctique, deep offshore ou LNG, ils ont tout avantage à être développés par des acteurs expérimentés en terme de gestion des risques.Nul besoin d'opérer pour contrôler ! La France dispose de nombreuses compétences sur lesquelles s'appuyer pour développer une filière de gaz de schiste propres : compagnies pétrolières et sociétés de services leaders, Instituts publiques compétents (BRGM, IFPEN, INERIS), écoles et filières de formation reconnues mondialement (IFP School & Training, Ecole des Mines, Ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts, etc.). La législation peut garantir une filière de gaz de schiste propre en s'appuyant sur des instances de contrôle compétentes et indépendantes. La fiscalité permet de répartir l'éventuelle rente gazière entre consommateurs, industriels, communautés locales et Etat. 
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