Le champagne

La Champagne vit une des plus graves crises de son histoire. Après des années de croissance des ventes, de hausses de prix vertigineuses et d'orientation des maisons vers l'export, plus lucratif que le marché français, tout s'est très vite retourné. Depuis le début de l'année, les ventes baissent de 23 %, les cuvées prestiges d'environ 40 % et les exportations de 30 % coulées par l'effondrement de la demande en Grande-Bretagne et aux États-Unis.Résultat, les stocks s'accumulent dans les caves voûtées ? ils s'élèvent à quatre ans et demi, alors qu'un brut non millésimé n'a besoin que de trois ans et demi de vieillissement ? mettant en péril quelques grandes maisons. Vranken et Boizel, qui ont grossi par croissance externe, se retrouvent en difficulté. Face à de lourdes dettes (respectivement 520 et 526 millions d'euros) et à un stock qui se déprécie, elles sont de moins en moins soutenues par leurs banques. Laurent Perrier, dont le résultat opérationnel chute de 34 % sur le dernier exercice, et Bollinger souffrent aussi. Une situation qui alimente les rumeurs de rachat de ces maisons familiales. « Nous sommes contactés par des banques à la recherche de bonnes affaires, mais nos ratios financiers sont parmi les meilleurs du marché et la vente n'est pas à l'ordre du jour », réfute Ghislain de Montgolfier, président du conseil de surveillance de Bollinger et coprésident du comité interprofessionnel (CIVC). Même les grands groupes comme LVMH (Moët, Veuve Clicquot?) et Pernod-Ricard (Mumm Perrier-Jouët) seront moins bien disposés envers leurs marques de champagne si celles-ci cessent d'offrir un retour sur investissement suffisant pour leurs actionnaires. vendanges limitéesEn attendant, ces groupes ont pesé dans les discussions de l'interprofession, qui a décidé, début septembre, de limiter cette année les vendanges à 9.700 kilos/hectare, soit environ 270 millions de bouteilles, contre 380 millions l'an dernier. L'objectif étant de limiter l'accumulation des stocks.Autre conséquence de la crise, une véritable guerre des prix fait rage en distribution, en France comme à l'étranger. Des maisons comme Vranken, Lanson ou Pernod-Ricard n'ont pas hésité à ressortir leurs marques de seconde catégorie aux noms souvent pompeux pour écouler des bouteilles à moins de 10 euros. « C'est simple, mes ventes sous marque de distributeur pour Auchan, Tesco ou Asda sont passées de 1,5 million à 200.000 bouteilles en un an car j'ai refusé de baisser mes prix », déplore le patron de Nicolas Feuillatte. Cette bataille des étiquettes devrait encore se renforcer dans les mois qui viennent en raison d'un report vers la France des groupes jusqu'ici tournés essentiellement vers l'international, comme Bollinger ou LVMH. « Nous avons très peur de la grande braderie de Noël », explique un expert. Pourtant, la plupart des maisons, à l'instar de Nicolas Feuillatte (voir ci-contre), se déclarent en résistance. Mais pour combien de temps encore, avant de prendre des décisions difficiles ? Les consommateurs, qui trouvent aujourd'hui des bouteilles convenables à 10 euros, auront bien du mal à débourser de nouveau 25 euros demain.
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