La garantie contre les loyers impayés : universelle et solidaire ?

La ministre propose trois pistes de réflexion pour mettre en place une garantie universelle et solidaire contre les loyers impayés. L\'une consisterait à rendre obligatoire l\'assurance \"impayés de loyer\", l\'autre à instaurer une taxe qui alimenterait un fonds de garantie, la troisième, enfin, à infliger une pénalité aux propriétaires qui ne souscriraient pas une telle garantie. Bonnet blanc et blanc bonnet en quelque sorte.La remise sur le marché des logements vacants : une fausse motivationDepuis une bonne trentaine d\'années, on nous indique qu\'un stock presque inépuisable de logements, immédiatement mobilisables, serait à notre portée et, à eux seuls, pourraient presque régler la crise du logement en France. Il s\'agit des fameux logements vacants. Nos ministres successifs brandissent alors deux leviers pour, enfin, libérer ces ressources inexploitées : l\'incitation ou la sanction. Ainsi, la taxe sur les logements vacants a vu le jour en 1999, et la Ministre nous explique que, bon an, mal an, elle produit des effets bénéfiques. Il suffirait donc de l\'augmenter pour améliorer son efficacité. Pourtant, l\'accès au logement locatif reste toujours aussi difficile. Alors vient le temps de l\'incitation : la mise en place d\'une garantie universelle contre les impayés de loyer devrait décider les propriétaires à enfin louer leur logement.Mais ces remèdes partent d\'un principe qu\'il conviendrait peut-être de remettre en cause : ce serait volontairement que les propriétaires laisseraient leur logement vacant, préférant supporter charges et impôts, plutôt que de rendre leur investissement productif en le louant. Diable, que le bailleur est malveillant! En regardant bien, on se rend compte que le taux de logement vacant reste stable, aux alentours de 6%, même s\'il a un peu augmenté entre 2001 et 2011, pour passer de 6 à 7%. Ces chiffres nous sont donnés par l\'INSEE qui définit précisément ce qu\'est un logement vacant.Des logements volontairement retenus par leurs propriétaires ? Un logement vacant est un logement inoccupé se trouvant dans l\'un des cas suivants :- proposé à la vente, à la location- déjà attribué à un acheteur ou un locataire et en attente d\'occupation- en attente de règlement de succession - conservé par un employeur pour un usage futur au profit d\'un de ses employés - gardé vacant et sans affectation précise par le propriétaire (exemple un logement très vétuste...).Rien dans cette description précise ne nous laisse penser que les logements en question, ceux que recense l\'INSEE, seraient disponibles ou volontairement retenus par leur propriétaire. Il y a visiblement une confusion, volontaire ou involontaire, entre logement vacant et logement disponible. Notons en outre que la vacance est un état provisoire, le logement, en attente de vente, de location, de succession ou de travaux, n\'ayant pas vocation à le rester indéfiniment. D\'ailleurs, ne soyons pas dupes, en 1999, l\'année où la taxe sur les logements vacants a été instaurée, l\'IAURIF, l\'Institut d\'Aménagement et d\'Urbanisme de la région Ile-de-France, concluait une étude sur le sujet en disant que \"l\'immense majorité des logements vacants participaient au fonctionnement normal du marché et ne constituaient pas un réservoir supplémentaire qui pourrait s\'ajouter au parc des logements occupés\". Nous pouvons donc légitimement douter que la mise en place d\'une garantie universelle contre les impayés de loyers incite les propriétaires à remettre ces logements sur le marché.Loyer supérieur à un tiers des revenus : les risques d\'impayés augmententLa Ministre nous indique qu\'une deuxième motivation présiderait à la mise en place de cette garantie universelle : il s\'agit de faciliter l\'accès au logement des plus modestes. Tout d\'abord, on ne voit pas très bien comment une assurance contre les loyers impayés pourrait permettre à un locataire de supporter une charge de logement supérieure à un tiers de ses revenus. Il suffit de transposer la formule au crédit pour en déceler le côté inefficient : imaginez que votre banque soit assurée en cas d\'impayés de votre part. Certes, vous pourrez peut-être emprunter plus facilement, mais vous ne pourrez pas rembourser. Cette garantie n\'améliorera donc pas la solvabilité du locataire.On se pose alors la question de savoir comment vont s\'équilibrer les choses. Nous parlons là de rapport entre les revenus et le loyer, d\'assurance, donc de mutualisation du risque. Quelle que soit la piste envisagée, les pouvoirs publics tablent sur un taux global d\'impayés de 2%.La règle appliquée par les bailleurs consiste à exiger des revenus qu\'ils représentent au moins trois fois le loyer. Si l\'application d\'une telle règle exclut du marché locatif les plus modestes, il faut réduire ce ratio, c\'est-à-dire accepter les revenus ne représentent que deux fois et demie le loyer, voire deux fois. Cela revient à augmenter le risque d\'impayés.Souvenons-nous qu\'une garantie des risques locatifs, ou GRL, avait été mise en place en 2006. Tous les candidats locataires dont les revenus représentent au moins deux fois le loyer peuvent en bénéficier. Mais cela a conduit à un phénomène d\'anti-sélection et, en pratique, seuls les locataires les plus fragiles ont recours à la GRL. In fine, on parle d\'un taux de sinistralité très important, de l\'ordre de 20%, et toutes les compagnies d\'assurance partenaires se retirent du dispositif. La GRL se meurt donc, aujourd\'hui, lentement mais sûrement.L\'idée de rendre obligatoire l\'assurance \"impayés de loyer\" règle ce problème d\'anti-sélection et garantit la mutualisation du risque d\'impayés entre tous les locataires. Pourquoi pas? Mais gageons que, quelle que soit la forme que prenne cette obligation, cotisation d\'assurance ou taxe, elle ne restera pas longtemps à 2%, mais augmentera. Les assureurs impliqués dans les assurances GLI (Garantie des Loyers impayés) évoquent un taux de sinistralité de 3%.Disparition de la caution solidaireAu passage, la Ministre a omis d\'alerter sur les conséquences du caractère obligatoire de l\'assurance impayé de loyer. En effet, l\'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 interdit au bailleur de cumuler les deux garanties, caution solidaire d\'un tiers et assurance \"impayés de loyer\", sauf si le locataire est étudiant ou apprenti. Le fait de rendre obligatoire l\'assurance \"impayés de loyer\" vaut donc interdiction de recourir à la pratique de la caution solidaire pour les locations vides. Pourtant la caution solidaire présentait, certes un inconvénient, mais aussi deux avantages. Pour pouvoir proposer une caution solidaire à son propriétaire, il faut avoir, dans son entourage, une personne solvable, prête à se porter garante. Tout le monde n\'a pas la possibilité d\'offrir cette garantie.Du côté positif, la caution solidaire a l\'indéniable avantage de ne rien coûter, ni au propriétaire, ni au locataire. De plus, elle responsabilise le locataire qui n\'a pas envie que la caution paye en ses lieux et place. Seulement, de fait, les propriétaires ne pourront plus avoir recours à ce dispositif puisqu\'ils se verront dans l\'obligation de contracter une assurance \"impayés de loyer\". Il leur restera toujours la possibilité de se tourner vers la location meublée puisque rien n\'interdit, sous ce régime, de cumuler les deux garanties.Qui assure quoi ?Peut-être est-ce un choix politique de la Ministre que de faire reposer l\'assurance sur le propriétaire. C\'est un peu comme si nous obligions le piéton que nous pourrions percuter à s\'assurer contre le risque que nous lui faisons courir, nous les automobilistes. Il serait infiniment plus logique de faire supporter le coût de l\'assurance à celui qui peut en être la cause, le locataire. Les juristes vont nous opposer que le contrat d\'assurance est obligatoirement soumis à un aléa. Si, en effet, le locataire peut déclencher l\'assurance en refusant simplement de payer, l\'aléa n\'existe plus. Il s\'agit là d\'un problème que l\'on sait régler éventuellement de deux manières. Il suffit d\'autoriser le bailleur à contracter l\'assurance en son nom et à récupérer le montant de l\'assurance \"impayés de loyer\" au même titre que les charges, ou encore d\'installer un fonds de garantie mutuelle comme il existe en matière de prêt immobilier.Malheureusement, la pénurie de logements ne peut se régler par la voie législative. La loi fiscale peut inciter à construire des logements locatifs, les lois sur le logement peuvent encadrer les abus, mais la seule façon de permettre l\'accès du logement aux plus modestes, c\'est de voir les loyers baisser par rapport aux revenus, ou l\'inverse. Seule une augmentation durable de l\'offre permettra d\'atteindre ce résultat. Et si, face à l\'urgence, il y a lieu de se pencher sur les garanties que demandent les propriétaires, peut-être peut-on, d\'abord, s\'interroger sur les raisons qui les mènent à exiger autant. Si la raison en était qu\'ils craignent, en cas d\'impayé, de se voir privés de leur loyer pendant un an ou deux ans, sans pouvoir récupérer leur logement, ne serait-il pas plus opportun de revoir les délais de procédures et les délais d\'expulsion, plutôt que de rendre obligatoire une assurance contre les impayés de loyer? Par Jean-Michel Guérin, directeur général de Particulier à Particulier (PAP).
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