« Le G20, trop large, complique la coordination monétaire »

STRONG>Quels sont les scénarios pour réformer le système monétaire international ?Le premier consiste à l'améliorer à la marge en intégrant dans le régime de changes flottants les pays émergents qui n'y sont pas encore, tout en développant la surveillance multilatérale existante, le dollar restant la monnaie prédominante. C'est le scénario américain. Un deuxième scénario consisterait à reconstruire un ordre monétaire avec un pilotage plus centralisé et une monnaie mondiale. C'est un peu la nostalgie de l'étalon or et de l'ajustement automatique. Mais il est peu probable.Et le troisième ?C'est un scénario plus multipolaire, en adéquation avec le rééquilibrage des pouvoirs économiques qui va se poursuivre dans les dix ou vingt ans à venir. Le dollar, l'euro et, à terme, la monnaie chinoise, le renminbi, seraient en flottement entre eux, avec ici et là des préférences pour la stabilité des changes autour de pôles d'ancrage régionaux.La zone euro serait un de ces pôles régionaux ?L'euro est en fait déjà un pôle régional qui va bien au-delà de la géographie propre des 17 pays membres de la zone euro. Cela a d'ailleurs posé des problèmes au moment de la crise quand la question s'est posée de savoir si nous avions la responsabilité de fournir de la liquidité en dehors de la zone euro. Contrairement à la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne (BCE) n'a pas osé le faire, faute de mandat, sauf marginalement et par des moyens détournés. La ligne officielle des institutions européennes est : ni encourager ni décourager l'internationalisation de l'euro.N'y a-t-il pas une contradiction avec l'ambition de la présidence française du G20 ?Absolument. Dans un scénario de type multipolaire, il faut avoir une politique vis-à-vis des pays situés dans l'orbite de la zone euro. Si l'euro devient une monnaie régionale, cela implique une responsabilité extraterritoriale qu'il faudra définir.Quelles sont les principales réformes à entreprendre au niveau mondial ?Il faut d'abord se demander qui fournit de la liquidité et comment. On assiste depuis la fin des années 1990 à une accumulation extraordinaire de réserves de change par certains pays. Qu'elle vise à se protéger contre des sorties de capitaux ou qu'elle soit au service d'une politique mercantiliste, cette immobilisation d'épargne est très couteuse. Il faut la réduire grâce à des accords de fourniture de liquidité. Les facilités à faible conditionnalité du Fonds monétaire international (FMI) sont un progrès mais il faut aller plus loin par l'allocation de droits de tirage spéciaux (DTS), qui sont des quasi-réserves et par des accords régionaux, particulièrement en Asie où le FMI est perçu comme le diable à cause de la manière dont la crise de 1997 a été gérée. La Facilité européenne de stabilisation (FESF) pour prêter à un État membre de la zone euro les fonds qu'il ne serait plus en mesure d'emprunter sur les marchés ou à des conditions trop élevées, est un pas dans cette direction.Le contrôle des capitaux a-t-il sa place dans un tel système ? Il est de plus en plus admis que cela fait partie de l'attirail des mesures possibles même si ce n'est pas une panacée. Le FMI a assoupli sa position. Le but est d'arriver à une forme de consensus, de soft law, sur l'utilisation possible de ces instruments, et en même temps sur les limites de l'accumulation de réserves. Dispose-t-on de l'enceinte pour organiser un dialogue entre les grandes monnaies ?Un paradoxe du G20 est qu'il a compliqué la coordination monétaire parce que c'est une enceinte trop large. Dans un scenario multilatéral, si on élargissait la composition des DTS à la Chine en contrepartie de mesures d'ouverture et de flexibilisation du renminbi, nous aurions assez naturellement un cadre adapté incluant les États-Unis, la zone euro et la Chine, ainsi que le Japon et le Royaume-Uni.Qu'est-ce qui est réalisable à l'horizon de la présidence française du G20 ?Il faut aller plus loin sur la fourniture de liquidité, construire un consensus sur les mouvements de capitaux et les taux de change, et préparer l'entrée du renminbi dans les DTS. Propos recueillis par Florence Autret, à Bruxelle
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