Croissance : le dilemme des banquiers centraux

L'heure n'était pas à la sérénité le week-end dernier à Jackson Hole, un lieu de villégiature pourtant idyllique du Wyoming où la Fed de Kansas City réunit chaque année le gratin de la finance mondiale. Parmi les quarante-six banquiers centraux réunis dans les montagnes rocheuses, les deux principaux acteurs qui se sont exprimés publiquement - Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale américaine et son homologue de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet - n'ont pas caché leur désarroi. Après trois ans de crise, déclenchée à la fin du printemps 2007 par l'éclatement de la crise des subprimes et lourdement aggravée en septembre 2008 par la faillite de Lehman Brothers, les grands pays n'en sont encore qu'au stade d'une très précaire convalescence, malgré l'énormité des moyens mis en oeuvre par les banques centrales et les États pour conjurer le mal. Le retour au fonctionnement « normal » des marchés monétaires, littéralement asphyxiés pendant des mois, est encore loin d'être assuré, en dépit des injections massives de liquidités opérées par les banques centrales et de l'abaissement à des niveaux voisins de zéro de leurs taux d'intérêt. Or, voilà que la croissance, qui pointait le bout de son nez, joue à nouveau l'Arlésienne. Même si la zone euro peut s'enorgueillir d'une progression de 1 % de son PIB au deuxième trimestre, contre 0,2 % au premier, il est avant tout tiré par le fulgurant redémarrage de son poids lourd, l'Allemagne, qui a engrangé une croissance de 2,2 % entre avril et juin. En outre, la performance globale du deuxième trimestre n'incorpore pas les effets des plans de rigueur qui se sont progressivement mis en place depuis le printemps au sein des pays membres du club de l'euro et qui ne manqueront pas de rogner les résultats à venir. Quant aux États-Unis, ils ont révisé de 2,4 % à 1,6 % leur croissance du deuxième trimestre contre 3,7 % au premier, mais en rythme annualisé. De sorte que d'un trimestre sur l'autre, la progression du PIB américain entre avril et juin se limite à un lilliputien 0,4 %.Spirale déflationnisteC'est ce constat qui a conduit Ben Bernanke vendredi à admettre que l'économie américaine avait ralenti plus que prévu. Et même s'il table sur une légère accélération de la reprise en 2011, il a annoncé que la Fed était prête à prendre des mesures de soutien supplémentaires « si nécessaire » pour éviter que les États-Unis ne tombent dans une spirale déflationniste à la japonaise. En écho, Jean-Claude Trichet a ajouté qu'il fallait s'assurer que les défis économiques des dix prochaines années ne se transforment en une nouvelle décennie perdue. Quant à leur collègue japonais, Masaaki Shirakawa, il est rentré à Tokyo dans l'urgence : la Banque du Japon a annoncé lundi, après une réunion extraordinaire, le renforcement de son dispositif d'apports de liquidités aux banques.
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