Le monde bancaire en mal d'esprit critique ?

Un professeur d'histoire économique contemporaine dénonce le suivisme des banquiers dans les périodes chahutées.
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Absence de clairvoyance et panurgisme. Voilà ce que dénonce Hubert Bonin, professeur d'histoire économique contemporaine à l'IEP de Bordeaux dans son ouvrage sur « Les banquiers lucides dans le boom et la tempête »*. Ainsi, nombreux sont ceux qui, en continuant leur « business as usual » coûte que coûte dans un environnement chahuté, manquent de vigilance et de discernement, et finissent par payer les pots cassés. Les banquiers américains sont nombreux à agir ainsi. Chez Merril Lynch, l'auteur note par exemple que le clash entre le « lucide » Jeffrey Kronthal, cadre de la banque qui avait suggéré en 2006 un plafonnement des engagements en actifs subprimes à 3 milliards de dollars, et Stan O'Neal, son PDG fougueux, lui a fait perdre pied. À contrario, il salue l'art de l'anticipation de James Dimon, patron de JP Morgan, et son refus du mimétisme et de la course avec Goldman Sachs.

Ivresse et cupidité

Hubert Bonin écrit par ailleurs que, « si l'on scrute la grande banque », la banque d'affaires et la gestion d'actifs, il semble admis que l'ivresse et la cupidité ont emporté les digues de sagesse et de lucidité ». Des égarements qui sont en partie à mettre sur le compte de la dilatation des activités et de la course au modèle de banque universelle. « Les banques ne sont plus des groupes, mais des conglomérats bancaires et financiers, qui exercent une vingtaine de métiers. On peut être capable de tout faire, mais il faut alors mesurer les compétences et les ressources nécessaires. Parfois, une dispersion fébrile fait perdre de la lucidité, faute d'équipes suffisamment étoffées ou compétentes », affirme Hubert Bonin. Au final, l'impératif pour les banquiers est donc d'avoir conscience de leurs limites.

Mais le gendarme interne de la banque, le comité des risques, n'est justement pas toujours en capacité de poser ces limites. Si ce dernier identifie une menace, il n'a pas toujours l'oreille de sa direction générale, ou pire, peut être désavoué, soit parce qu'il n'a pas l'assise hiérarchique suffisante, soit parce que la pression sur les marges prime. L'auteur écrit ainsi que « le pouvoir suprême était devenu de plus en plus concentré dans les mains d'une poignée de dirigeants chez Merril Lynch, ABN Amro ou RBS, sans assez d'espace de critique ou de débat.»

*Éditions Textuel, septembre 2011, avec Equinox Consulting.

 

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