Les choix face aux risques des émergents

La hausse des prix des matières premières, la montée des taux d'intérêt mondiaux et le ralentissement de l'activité font peser de nouveaux risques sur les pays émergents. Dans ce contexte plus difficile pour les investisseurs, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne.
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Le désastre nucléaire japonais n'a eu pour l'instant qu'un impact très limité sur les marchés émergents. Pourtant, ses conséquences seront lourdes à long terme. L'économie nippone aura du mal à se remettre de cette catastrophe et tous les pays asiatiques seront affectés. De quoi amplifier la perte de confiance des investisseurs, déjà inquiets de la montée des risques sur les pays émergents, notamment en Asie. Car, bien avant le tsunami, les « émergents » étaient confrontés à trois menaces sérieuses : hausse des matières premières, ralentissement des exportations et hausse des taux.

La montée des prix des matières premières ne se limite pas au pétrole, mais elle concerne également les denrées alimentaires et les métaux, qui ont débuté leur ascension au milieu de l'année dernière. Les prix des denrées alimentaires dépassent maintenant de 12 % leur pic de 2008 et les métaux dépassent de 9 % le même pic. Cette augmentation récente n'est pas cyclique, ni liée à la spéculation ou aux politiques monétaires laxistes, mais elle est très largement structurelle. La demande des marchés émergents est sur une trajectoire de croissance rapide : la classe moyenne émergente exige des infrastructures, des logements de bonne qualité et elle consomme de plus en plus de protéines et de biens durables. Dans le même temps, l'offre de pétrole, de produits agricoles et de métaux ne peut augmenter au même rythme : on trouve encore du pétrole et des métaux, mais dans des lieux plus reculés et la productivité agricole est en déclin depuis dix ans. Et la démocratisation du Moyen-Orient est un processus de long terme qui pourrait entraîner un réalignement géopolitique bien moins favorable à la stabilité des cours du pétrole.

La hausse du prix des matières premières a aggravé des tendances inflationnistes déjà en place. Les risques d'inflation les plus forts semblent toucher la Chine, l'Inde, la Corée, la Russie et le Brésil, pays dans lesquels les gouvernements ont mis du temps à réagir par un resserrement de leur politique monétaire. Parallèlement, les factures d'importations de matières premières vont s'alourdir, ce qui affaiblira la balance des paiements. La Turquie, l'Inde, la Pologne et la Roumanie ont déjà des déficits extérieurs courants importants qui pourraient continuer de croître.

De plus, la croissance économique mondiale risque de se ralentir. Les prix élevés des matières premières transfèrent les revenus des importateurs aux exportateurs de matières premières. L'Asie et l'Europe de l'Est sont les plus exposées. À l'inverse, l'Amérique latine, dont la plupart des pays sont des exportateurs, devrait profiter de cette situation. Mais les pays exportateurs tendent à consommer et investir une plus faible partie de leurs revenus que les pays importateurs, ce qui va ralentir la demande mondiale. Et il ne faudra pas trop compter sur la timide reprise des pays développés pour prendre le relais.

Ce ralentissement pourrait être particulièrement difficile pour l'Asie, qui dépend le plus de la demande externe. L'Asie est également confrontée à une normalisation de la croissance des exportations chinoises. En 2008, leur croissance n'a atteint « que » 17 %, après un pic de 35 % en 2004. Et les dernières statistiques confirment une convergence du taux de croissance des exportations chinoises avec le taux de croissance mondial. La période des gains rapides de parts de marché des Chinois est terminée. L'Asie, qui est hautement intégrée avec la Chine à travers les chaînes d'approvisionnement mondiales, ne pourra plus désormais compter sur une croissance extrêmement rapide de ses exportations vers la Chine.

Enfin, les taux d'intérêt mondiaux vont sans doute continuer leur ascension. Ils sont en hausse depuis la fin 2010 avec l'explosion des émissions de dettes publiques. Cependant, à la mi-février, les événements au Moyen-Orient ont entraîné une fuite vers la qualité d'ampleur limitée, renforçant la demande en obligations d'État et faisant baisser les taux à long terme. Malgré cela, il semble que les taux vont continuer à grimper. Le mouvement sera enclenché dans la zone euro le mois prochain et la Banque d'Angleterre devrait en faire de même d'ici le milieu de l'année. Et, aux États-Unis, la fin programmée, en juin, du programme d'achat d'obligations d'État par la Réserve fédérale aura probablement un impact majeur sur les taux d'intérêt. Rappelons que la banque centrale américaine a acheté 70 % des émissions d'emprunts d'État des six derniers mois.

Dans le passé, l'augmentation des taux d'intérêt mondiaux avait entraîné une sortie des capitaux des marchés émergents. Depuis la fin du mois de janvier, il y a eu en effet une sortie, encore limitée, de flux de capitaux. Celle-ci reflète un rééquilibrage mondial des portefeuilles au profit des économies avancées car la reprise américaine a surpris. Mais, si les taux d'intérêt continuent de croître, les sorties de capitaux des pays émergents devraient s'accélérer et mettre sous pression les balances des paiements. Les plus exposés à ce risque sont ceux où les investissements financiers « liquides » étaient les plus importants en 2009-2010 : l'Afrique du Sud, le Chili, la Turquie, la République tchèque, le Mexique, le Brésil et l'Inde.

Les économies émergentes les plus performantes au second semestre devraient être celles des exportateurs de matières premières où le risque de sorties de capitaux est plus limité : la Russie, la Colombie, l'Indonésie et la Malaisie. Parmi les importateurs, les pays bénéficiant de balances des paiements solides et de risques inflationnistes limités pourraient bien être les plus résistants : la Thaïlande, le Mexique et Israël. C'est au moment où l'environnement mondial se dégrade que les avantages des politiques macroéconomiques équilibrées deviennent évidents.

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