En 2020, la voiture électrique a décollé, en 2021, elle vole

CHRONIQUE. L'année de la pandémie aura été marquée par un évènement industriel mondial : l'envolée des ventes de voitures électriques. Grâce aux avancées techniques en matière de batteries, et si le développement de l'énergie nucléaire est au rendez-vous, la tendance devrait s'amplifier dans les prochaines années. Par Didier Julienne, spécialiste des marchés des matières premières (*).
(Crédits : Shutterstock)

En Europe, la part de marché de l'électrique a doublé en 2019, puis a une nouvelle fois été multipliée par deux en 2020. Par pays, elle était en fin d'année de 50 % en Norvège, 20 % en Allemagne, 16 % en Angleterre, 15 % en France. Avec près de 1,4 million de voitures électriques vendues en 2020, soit 8 % des ventes, le marché européen est leader mondial, et il doublera pour atteindre 15 % en 2021. En deuxième position, les 400 constructeurs automobiles chinois écoulaient sur leur marché national environ 1,3 million de véhicules électriques. Les États-Unis sont loin derrière avec 350.000 unités vendues, et le Japon culmine lui à 40.000 ventes. Au total, les ventes mondiales avoisinent les 3 millions de véhicules, soit 4 % du marché mondial, mais elles sont attendues à 30 % en 2025 puis 70 % avant 2040 dès que les États-Unis accéléreront grâce au "green deal" démocrate.

Ce tournant en faveur de l'électrique est l'évènement industriel mondial de 2020. Il est de première importance tant le secteur des transports élabore des ramifications structurantes dans les marchés des métaux et des énergies pour plusieurs années dans l'ensemble des industries mondiales.

De nombreuses mutations techniques

Concernant les métaux, de nombreuses mutations techniques ont déjà affecté l'industrie des batteries lithium Ion qui équipent les voitures électriques. Les plus anciennes, celles fonctionnant avec des cathodes Nickel-Manganèse-Cobalt (NMC) pour les routières, se sont modernisées pour diminuer la part de cobalt au profit du nickel dans un premier temps puis à l'avenir du manganèse. Mais elles sont peu à peu remplacées par des cathodes au phosphate de fer lithié (LFP) pour les citadines à autonomie plus réduite, dont la norme sera 400 km.

Le marché des batteries s'équilibrera à hauteur de 50 % en faveur des NMC et 50 % pour les LFP. Cette dernière technologie équipe déjà la Tesla 3S fabriquée à Shanghai et exportée en Europe en 2020 ainsi que le modèle Han du chinois BYD proposée en Europe en 2021. Toutefois la beauté des avancées techniques fait que l'autonomie des LFP ne cesse de s'agrandir à tel point que l'intérêt de cette formule pourrait surpasser celle des NMC dans les routières. En outre le coquetèle LFP est plus sécurisé, c'est-à-dire non inflammable, et environ 30 % moins onéreux que le NMC, de sorte que le coût de production de la voiture électrique sera à parité de la voiture thermique d'ici 12 mois. Côté anode, les progrès élargissent également l'autonomie des batteries par le remplacement du graphite synthétique par du silicium renforçant encore la solution la moins onéreuse. Rappelons par ailleurs, une nouvelle fois, que les batteries ne contiennent pas de « terres rares ».

Ces statistiques et ces faits démentent donc sans appel la fake news franco-française des « métaux rares » qui s'oppose aux énergies vertes, qui soutient avec le financement d'un lobby pétrolier nord-américain que la voiture électrique ne connaîtrait jamais de succès, et qui aura fait perdre nombre d'emplois à la France. Elle est réfutée par ces vérités sur les véhicules électriques et les batteries.

Renouveau du nucléaire

Concernant l'énergie, quel que soit l'origine de l'électricité utilisée, la voiture électrique émet moins de CO² que le moteur thermique. Mais puisque l'électricité appelée renouvelable ne sera jamais suffisante au moment T, et 24 h/24 h pour fournir l'ensemble de nos besoins et la nouvelle consommation de la mobilité électrique, les jeunes ingénieurs sont de plus en plus nombreux à soutenir un renouveau du nucléaire.

C'est la seule et unique source d'énergie électrique décarbonée qui puisse subvenir à la consommation électrique mondiale grandissante en remplacement notamment du charbon et du gaz. En France, ces ingénieurs soutiennent cette énergie, car ils savent que les 1.640.000 m3 de déchets nucléaires entreposés sur notre sol sont pour une immense partie le carburant nucléaire de demain. Utiliser ces déchets dans une nouvelle économie circulaire du nucléaire incarnée par les réacteurs à neutrons rapides (RNR) signifie que nous nous affranchirons des mines d'uranium. Brûler ces déchets dans les RNR signifie qu'ils disparaîtront et que le stockage deviendra obsolète. Consommer ces déchets, c'est enfin disposer d'un stock d'énergie en France capable de subvenir à 100 % de nos besoins électrique pendant des siècles, voire des millénaires, grâce une électricité propre et décarbonée.

Le cumul des avantages de la voiture électrique propulsée par une électricité produite par l'économie circulaire du nucléaire avait donc toute les chances de se heurter aux intérêts des pro-pétrole, couplés à ceux des anti-nucléaire. Assez logiquement, la résultante de ces deux courants s'est cristallisée dans un premier temps sous la forme du mouvement des anti-voiture électrique, puis dans un second par la promotion de la voiture à hydrogène. Cette dernière solution à tous les attraits d'un miracle politique grâce aux énergies vertes, mais tous les défauts d'une erreur environnementale puisqu'elle fonctionnera dans la réalité grâce au gaz naturel, sans parler de son efficacité technique lorsque l'on observe avec attention son rendement énergétique.

Bonne année à la voiture électrique qui a décollé en 2020, et va voler très haut en 2021. Meilleurs vœux aux ingénieurs et aux techniciens, en espérant que leurs lumières et leurs progrès seront plus forts que les ombres qui les entourent.

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(*) Didier Julienne anime un blog sur les problématiques industrielles et géopolitiques liées aux marchés des métaux. Il est aussi auteur sur LaTribune.fr.

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Commentaires 12
à écrit le 14/03/2021 à 21:06
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Parmi les omissions / approximations : 1) La transformation de déchets en combustible est une belle carotte... hypothétique jusqu'à présent et peut-être pour toujours ! Aucune viabilité économique prouvée ! Sans compter qu'il y aura toujours des dé...

à écrit le 08/01/2021 à 15:13
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Clair, précis,parfaitement rédigé, voilà un nouvel article qui fait honneur à son auteur. Si je me réfère à notre utilisation de notre voiture, il faudrait arriver à une autonomie de 900 km environ pour être tranquilles et sûrs de trouver à temps un...

le 17/01/2021 à 16:44
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Presque aucune voiture, même thermique diesel n'a 900 km d'autonomie... Les français font en moyenne 31 km par jour avec leurs voiture. Les modèles 2020-2021 de voiture électrique (sauf modèle type Tesla modèle S et autres hors de prix) ont 300-400 k...

à écrit le 08/01/2021 à 10:08
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Quels jeunes ingénieurs prônent le nucléaire, des jeunes-vieux ? Nombre d'études scientifiques et d'ingénieurs plus compétents démontrent le contraire et un meilleur bilan et coût inférieur des renouvelables. Il y a une formation sur les renouvelable...

à écrit le 07/01/2021 à 20:17
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Une très belle prestation très orientée : les volumes donnés compilent les tout électrique avec des volumes encore très faibles avec les Hybrides qui sont des voitures classiques affublées d'un sac à dos électrique et dont les consommations sont larg...

à écrit le 07/01/2021 à 14:51
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En règle générale les déchets on les enterre et les batteries électriques ne feront pas exception quelque soit le pays de destination pour être soit disant "recycler"...

à écrit le 07/01/2021 à 14:44
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intéressant mais il y a quelques approximations j'apprécie le soin de l'auteur à éviter l'anglicisme "cocktail" en revanche je constate que l'auteur parle comme la plupart des concessionnaires auto d'une molécule inconnue le "CO²"; le problème est p...

à écrit le 07/01/2021 à 8:55
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"elle vole" A 25000 euros la Zoé c'est plus du vol c'est carrément une attaque à main armée hein... -_-

à écrit le 07/01/2021 à 7:53
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Tres bon article, auteur convaincu par le "courant" électrique en vogue. Mais les arguments sont imparables car en ville on souffre des rejets des moteurs thermiques. Aux ingenieurs maintenant de securiser la filière du nucleaire.

le 07/01/2021 à 14:23
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Bonne chance vu que les écolos ont tué superphénix. Il va falloir repartir de 0.

à écrit le 07/01/2021 à 6:35
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Voila un article qui fait du bien. Bravo au groupe Renault d'avoir lancé la voiture électrique des 2010 ! (cf, Voeux Renault 2010. ( Youtube..) )

à écrit le 07/01/2021 à 5:41
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Le projet RNR est encore sur le papier.

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