Xavier Niel, l'emmerdeur

Par Eric Walther, directeur de la rédaction  |   |  624  mots
La patron de Free continue avec ses annonces, même si elles peuvent apparaitre un rien "gonflées", à déstabiliser ses concurrents.

Xavier Niel continue de dire et de faire ce qu'il veut. Peu importe que ce soit vrai (les offres des opérateurs télécoms ont longtemps été opaques et trop chères) ou faux ("la France est un paradis fiscal"). Et il l'assume avec un aplomb qui force encore le respect dans un pays où la parole patronale est restée longtemps confite dans un conformisme mortifère, dans une doxa revendicatrice et corporatiste.

En bousculant avec ses deux annonces successives d'offres spectaculaires sur la 4G, il n'a pas failli à sa méthode. Taper au moment où ne l'on attend pas (il méprisait il y a encore quelques semaines les offensives de ses concurrents sur le marché du très haut débit), taper avec un culot tel qu'il masque un rien la réalité de ce qu'il propose.

Sa dernière offre à 2 euros pour la 4 G, limitée à 50 Mo, est de ce point de vue un coup magistral : soit elle ne sera que très peu souscrite car ses abonnés à faible moyen n'ont que faire d'une tel service, soit elle sera utilisée et ne lui coûtera pas bien cher ou même lui rapportera gros dès lors que chaque Mo supplémentaire consommé sera facturé.

 Il grossit le camp de ses adversaires mais n'en a cure

A tous les coups, Xavier Niel remporte donc la bataille de la communication par KO. L'idée que Free c'est moins cher, voire gratuit, continue d'être parfaitement entretenue. Bien sûr, les spécialistes, la communauté, nombreuse, des freenautes organisés, vigilants, va se répandre sur la faible couverture 4G de leur opérateur, ses dysfonctionnements inévitables. Bien sûr, Xavier Niel grossit le camp de ses adversaires qui s'inquiètent de ses excès.

Même Arnaud Montebourg, qui un temps louait l'impact formidable qu'il avait eu sur le pouvoir d'achat des Français, s'est senti obligé de rappeler ce mardi via un tweet que cela commençait à faire un peu beaucoup : "Toujours plus de destruction d'emplois dans les télécoms grâce au excès du low cost ".

Une capacité à attiser la bataille entre ses concurrents

Mais voilà. La parole de Xavier Niel continue de porter. Et ses concurrents le savent fort bien. C'est le cœur du sujet. Complètement dépassés lors de la première offensive de Free Mobile il y a maintenant près de deux ans, ils paniquent à l'idée de se retrouver à nouveau pris de vitesse. Et sont contraints, d'une façon ou d'une autre de suivre la surenchère à la baisse comme on l'a vu avec Bouygues Telecom qui espérait s'être donné une petite longueur d'avance dans la 4 G.

Le succès de Free aujourd'hui, c'est bien sûr l'espace qu'il a réussi a conquérir sur un marché que l'on croyait verrouillé ou en tout cas modifiable seulement à la marge, mais c'est aussi et surtout sa capacité à attiser la bataille entre ses concurrents dans un monde où désormais chaque nouvel abonné vaut de l'or, puisque les perspectives de croissance demeurent limitées. Des concurrents beaucoup moins agiles que lui, pour qui le moindre changement de cap est laborieux et peut être coûteux en emplois. SFR est bien placé pour le savoir.

Cette force-là, il la conserve quoiqu'on puisse en dire. Même si la 4 G n'est pas - encore - un enjeu majeur en termes de volume d'affaires, le simple fait de pouvoir encore faire croire que Free reste Free tout en semant le doute, la zizanie, chez les poids lourds qui dominent le marché, demeure un avantage compétitif cardinal. On ne voit pas aujourd'hui ce qui pourrait lui enlever.