En 2024, l'art de découper la galette !

Par Philippe Mabille  |   |  705  mots
(Crédits : Elysee)
VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Emmanuel Macron prépare les esprits à un grand remaniement pour marquer l'an II de son deuxième quinquennat. Un acte d'autorité qui ouvrirait la voie au dévoilement de son énigmatique grand rendez-vous avec la Nation.

Alors, remaniement ou pas ? A en croire les gazettes, ce sera un vrai et un gros cette fois ! Pas un petit réaménagement comme en juillet après le choc des émeutes, lorsqu'Emmanuel Macron reconduisit Elisabeth Borne avec un aréopage de 41 ministres dont 20 hommes et 21 femmes et huit nouveaux entrants. Trop pour être lisible et efficace. Qui sort cette fois ? et qui entre ? Pour l'heure, ceux qui savent ne parlent pas et ceux qui parlent ne savent pas grand-chose.

S'il se confirme, janvier 2024 sera le signal de départ de l'an II du deuxième quinquennat, placé par Emmanuel Macron sous les auspices d'un mystérieux grand « rendez-vous avec la Nation ». Avec un nouveau Premier ministre et de nouveaux enjeux : après les sujets clivants de la réforme des retraites et de la très controversée loi immigration, le cap va être mis sur les « soft skills » de la France : l'éducation nationale, priorité des priorités pour dessiner un nouvel avenir à nos enfants après les désastreux résultats de l'enquête PISA, la culture et le sport, avec en ligne de mire les Jeux Olympiques.

Un nouveau gouvernement pourrait aussi aider à enjamber les élections européennes de juin, un test de mi-mandat qui ne se présente pas à l'avantage du pouvoir. Le chef de l'Etat, menacé par un vote sanction entre le RN dynamisé par sa « victoire idéologique » sur l'immigration et le parti socialiste prêt à recueillir les déçus de l'aile gauche du macronisme, semble prêt à céder à la tentation de la clarification de sa ligne idéologique épousant l'évolution de l'opinion. A droite toute donc ?

Quel que soit le choix d'Emmanuel Macron, ce remaniement ne pèsera guère dans les soubresauts d'un monde entré dans un cycle de montée des populismes, alors que la moitié de la planète est appelée à s'exprimer dans les urnes. De Taïwan la semaine prochaine, à l'Amérique en novembre, en passant par l'Inde et la Russie (sans grand suspense) et par le Royaume-Uni où le Premier ministre Rishi Sunak prévoit des législatives anticipées au second semestre, pour tous ces pays, 2024 s'annonce comme une période d'exacerbation des tensions politiques.

Avec en acmé la menace d'une victoire d'un Donald Trump revanchard et ultra-radicalisé dont le retour serait une secousse tellurique. Sans les Etats-Unis gendarme du monde, l'Europe se retrouverait plus isolée et obligée de d'assurer sa propre sécurité, face à une Russie confortée et un Proche-Orient en ébullition. On n'en est pas là mais la perspective permet de mieux mesurer les vrais enjeux de l'élection au Parlement européen. Plus que jamais, les mots de Jacques Delors résonnent : « L'Europe doit reposer sur la compétition qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit. »

Pour Emmanuel Macron, qui a montré vendredi à l'Elysée qu'il maîtrise toujours bien l'art de découper la galette des rois, ce climat international compliqué offre peut-être l'occasion d'un rebond. Pas seulement par l'espoir de ressouder la Nation autour de « ses » Jeux, les premiers depuis 100 ans. Mais aussi et surtout parce que le temps est à une présidence active et déterminée, comme il l'a affirmé lors de ses vœux.

La France entre dans cette année de transformation dans une situation qui n'est pas si mauvaise. A la différence de l'Allemagne, pas de récession en vue. On devrait plutôt passer l'année sur un plateau de croissance molle, à moins de 1% selon la Banque de France qui prévoit désormais 0,8% pour 2023 et 0,9% cette année, avant une accélération en 2025 et 2026 sur fond de désinflation et de baisse des taux d'intérêt. Pour l'instant, cela reste un pari, car la victoire contre l'inflation n'est pas assurée. Face à une nouvelle bosse des prix en décembre, aux Etats-Unis comme en Europe, les taux obligataires sont remontés en flèche vendredi, rendant plus incertain le calendrier du désarmement par les banques centrales. Pour les marchés, 2024 risque bien de ressembler à l'inverse de la très belle année 2023. En tout cas, préparons nous pour des montagnes... russes

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