100 jours pour réussir la décarbonation du bâtiment

OPINION. 100 jours, c'est le temps Madame la Première Ministre, dont vous disposez avec votre équipe pour enclencher les mécanismes qui permettront d'abaisser de 54% les émissions de carbone du bâtiment en 2030. Cette première étape est incontournable puisqu'elle conditionne l'atteinte de la neutralité carbone promise en 2050 dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Au-delà de ces cent premiers jours symboliques pour décider et agir, la France court le risque d'un effroyable échec collectif. Par Guillaume Loizeaud, Directeur de la Division Construction de RX France
(Crédits : DR)

Le secteur du bâtiment, à l'instar de la santé et de l'agroalimentaire opère sur le temps long. Cela lui vaut d'ailleurs d'être considéré à tort comme réfractaire au changement et peu agile. Mais quelle activité économique a autant d'impacts sur la société, l'urbanisme, les citoyens pour les 50 prochaines années ?

Le secteur du bâtiment et de la construction représente 145Mt(1) d'émissions de CO2e par an, avec une faible évolution ces dernières années. En réalité, il est le premier émetteur de CO2 ex-aequo avec les transports, si l'on prend en compte les émissions liées aux process industriels pour fabriquer les composants du bâtiment et pas seulement l'usage. Il est donc absolument prioritaire, clé et critique dans la réussite de la décarbonation du pays !

Face à l'urgence et les attentes des Français, le Chef de l'Etat avait donné un premier signal positif en optant pour une approche planifiée et transversale de la mise en œuvre de sa politique climat, pilotée au sommet de l'exécutif. Ce changement de méthode est encourageant pour le moment puisqu'il vise à briser partout le travail en silos, premier obstacle à l'action. Car c'est bien d'efficacité dont nous avons besoin pour soutenir la transformation de notre économie et du secteur du bâtiment en particulier.

Les réponses à apporter doivent donc intégrer cette complexité. Prenons l'exemple de la réhabilitation des logements, axe central de la SNBC. Malgré les initiatives lancées depuis 2007 et le Grenelle de l'environnement, les émissions sur le secteur résidentiel n'ont pratiquement pas baissé et celles du secteur tertiaire ont même augmenté entre 1990 et 2019 ! Deux raisons à cela : d'une part, les sources d'émissions sont toujours aussi majoritairement « carbonées » et, surtout, l'augmentation du nombre de logements (+13 millions entre 1982 et 2020) et des surfaces sont venues « annuler » la baisse des émissions liée aux travaux de rénovation énergétique des bâtiments existants. Pourtant, des solutions existent comme de passer d'un marché de travaux de rénovation par élément avec obligation de moyens à une rénovation dite globale avec obligation de résultat permettant un changement de 2 classes énergétiques minimum.

Comme la rénovation du parc des logements énergivores, d'autres domaines d'actions doivent connaitre des changements d'échelles et de pratiques : le réemploi des matériaux pour ne pas émettre une deuxième fois, la réhabilitation plutôt que la construction neuve, l'adoption des méthodes modernes de construction, la décarbonation des filières industrielles des matériaux, le stockage du carbone dans les ouvrages grâce aux matériaux biosourcés et, enfin, la formation, pierre angulaire de ces transformations.

Pour chacun de ces domaines, des propositions concrètes sont d'ores et déjà disponibles et des initiatives crédibles existent. Mais, pour être aux rendez-vous de 2030 et de 2050, c'est d'une approche systémique dont nous avons besoin dès maintenant, et d'une feuille de route pour passer collectivement d'une Stratégie Nationale Bas Carbone à un Plan National d'Exécution Bas Carbone du secteur du bâtiment fondé sur la recherche de l'efficacité.

Votre impulsion, permettra de créer les conditions de la réussite d'un tel plan, d'incarner une vision globale de l'exécutif et de garantir un juste équilibre de concertation et de gouvernance pour piloter, suivre l'exécution et mesurer l'efficacité.

Nous n'avons d'autre choix que de saisir toutes les opportunités avec l'intelligence collective et l'humilité qu'elles nécessitent, et d'arrêter les faux semblants. Chacun doit prendre une posture positive avec des engagements réciproques, inclure toutes les filières et éviter le dogmatisme. C'est d'audace, d'écoute et d'une dynamique nationale dont nous avons besoin.

Vous tenez là une formidable opportunité de rassembler le parlement et les citoyens, ne perdons plus de temps !

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(1) Le bâtiment, un secteur en première ligne des objectifs de neutralité carbone de la France en 2050, Carbone 4, 2019

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Commentaire 1
à écrit le 29/07/2022 à 13:27
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Un industriel travaille sur du ciment sans CO2, je crois (une histoire de clinker vs longue période de chauffage à haute température), d'autres au fer zéro CO2 (un haut fourneau ça en dégage du CO2 ! En chauffage et aussi réduction des oxydes de fer ...

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