Prothèses PIP : doit-on tous payer pour les opérations de confort ?

L'affaire des prothèses mammaires se révèle hautement politique. Elle nous oblige à reposer la question des limites de la solidarité. Alors que le risque de cancer est moins élevé chez les porteuses d'implants PIP que chez la moyenne des femmes, la question de la prise en charge du retrait des prothèses pour celles qui ont eu recours à la chirurgie esthétique doit être posée. Comme la définition de la santé, trop large pour être socialement supportable.
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Après le scandale du médicament qui fait maigrir, et celui des prothèses mammaires qui éclatent, connaîtra-t-on le drame des lèvres outrageusement repulpées, celui des peelings ravageurs et des phlébites post-liposuccions ? L'affaire ferait rire, et se prêterait à une joyeuse comédie moliéresque, si elle n'était l'horrible miroir des transformations d'une société vieillissante qui transfère systématiquement ses angoisses et prises de risques sur la solidarité nationale. Lorsque le 20 décembre, le ministère de la Santé annonce, avant même de connaître les risques épidémiologiques réels de ces implants, que "toutes les femmes porteuses d'implants PIP seront remboursées de leurs frais médicaux et chirurgicaux liés à l'explantation (échographies, analyses, retrait de l'implant, examens de contrôle postopératoire)", une question surgit : dois-je aussi payer pour les femmes qui ont voulu des seins plus gros et plus ronds, et qui représentent 80% des 30.000 cas en question ?

La solidarité peut-elle encore être sans limites, et ignorer la responsabilité individuelle, comme les risques pris alors qu'ils ne s'imposaient pas ? "Si la question se pose aussi pour les accidentés du ski, les fumeurs et les alcooliques, reconnaît Anne Fagot-Largeault, médecin-philosophe et professeur au Collège de France, la mode du transhumanisme, qui consiste à vouloir transformer un corps sain et à prendre des risques infectieux pour cela, repose sous un jour nouveau la question des limites de la solidarité dans un monde de ressources limitées."

Alors, doit-on payer pour les gros seins en silicone, sachant qu'on en trouve plus dans les minis circulant entre Auteuil-Neuilly-Passy que derrière les caisses de Carrefour ? "La solidarité s'impose s'il est démontré que les femmes ont été mal informées des risques pris parce que l'État n'aurait pas bien évalué la qualité des implants PIP", estime Claude-Olivier Doron des "Cahiers du Centre Canguilhem". Pour l'instant, la chaîne des responsabilités a curieusement occulté celle des chirurgiens, intermédiaires privilégiés entre "patientes" et fournisseurs, et qui ont eu vent des premiers problèmes dès 2005. Pour se couvrir, ils se sont retournés contre l'organisme certificateur. Mais l'Afssaps a-t-elle fait son travail ? Alertée dès 2005 par des visiteurs médicaux de la société PIP, qui avaient démissionné après avoir en vain mis en garde leur direction sur les problèmes évoqués par les chirurgiens, l'Afssaps n'a incité les femmes à revoir leur médecin qu'en mars 2010. Il est vrai que l'Afssaps s'appuyait sur l'évaluation des prothèses par l'organisme certificateur privé allemand, TÜV Rheinland... "Mais cela justifiait-il sa réaction tardive ?" se demande M. Doron.

Certes, la question de la légitimité de la prise en charge n'est pas totalement occultée. Le ministère de la Santé fait bien la distinction entre réparation mammaire due à un cancer du sein et chirurgie esthétique, puisqu'il considère que, pour celles qui ont eu recours à cette dernière, l'implantation de nouvelles prothèses ne sera pas prise en charge.

Mais le seul retrait relève-t-il de l'"urgence sanitaire" qui justifierait le recours à la solidarité ? La porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse, avait assuré qu'elle n'aurait lieu que dans le cas où les implants présenteraient un risque avéré de cancer. Or, l'Afssaps affirmait fin décembre qu'ils ne présentaient pas de risque de cette nature, mais seulement d'éclatement avec "irritations et suintements". Ignorant les conclusions épidémiologiques, le ministère de la Santé continue pourtant d'affirmer que la prise en charge des retraits sera intégrale si les femmes décidaient de se les faire retirer. Alors que le scandale sur la composition des implants monte, il n'entend pas, si près des élections, prendre le risque politique d'avoir l'air de minimiser le risque sanitaire pour une population au coeur de son électorat.

Seulement, quand se développe à côté de la médecine curative une médecine du remodelage du vivant, la question de la prise en charge doit être posée. Car un grand marché peu régulé s'est développé avec des moyens, et partant des risques pris beaucoup plus importants. Un vrai marché en somme, où les profits des chirurgiens sont privatisés et les risques pris... assumés par la solidarité. Ce qui nous oblige à poser collectivement la question de ses limites, et à revenir à une définition de la santé qui soit socialement supportable. Peut-on encore la définir comme "un état de complet bien-être physique, mental et social, (qui) ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité", comme le veut l'OMS dans sa Constitution ? Rédigée en 1946, à une époque où l'âge était vécu comme une chance, cette définition doit être urgemment repensée. Ou le contrat social explosera... comme les implants de mauvaise qualité.

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Commentaires 26
à écrit le 18/04/2013 à 11:53
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LES PROTHESES AUDITIVES NE SONT PRATIQUEMENT PAS REMBOURSEES ALORS QU'ELLES SONT INDISPENSABLES AUX MALENTENDANTS. PAR CONTRE ON VA REMBOURSER DE GROS SEINS EN SILLICONE QUI N'ONT RIEN D'UNE URGENCE MEDICALE SAUF BIEN ENTENDU DANS LE CAS DE CANCER...

à écrit le 07/01/2012 à 9:04
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"Maman Sécu" paye à guichets ouverts, c'est la grande régalade!!! Contrôleurs laxistes, fabricants mafieux, médecins sous informés, patients débiles se tiennent par la barbichette sous l'oeil bienveillant de la Justice.

à écrit le 07/01/2012 à 8:45
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Le problème c'est que l'afsapps n'est plus crédible. Quant aux risques de cancérisation, ce n'est pas parce qu'il n'est pas prouvé qu'il n'existe pas. Faut-il attendre qu'il soit prouvé ? de plus si c'est le cas et encore pour des questions de fric e...

à écrit le 06/01/2012 à 17:26
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la securité sociale ne doit pas rembourser les implants mammaires faits dans un but esthétique alors qu'elle rembourse de moins en moins les médicaments pour les personnes qui souffrent de maladie. Je trouve cette décision scandaleuse car elle montre...

le 13/01/2012 à 20:44
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Ce que je trouve scandaleux moi, c'est la naïveté des gens qui croient encore que la chirurgie esthétique n'est que confort et seulement réservée à une élite!!!! Réveillez-vous, beaucoup de personnes (la majorité d'ailleurs) ont recours à la chirurgi...

à écrit le 06/01/2012 à 15:34
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La sécu n'est pas là pour financer les pare chocs des Bimbos. Pour la chirurgie réparatrice, il faut payer évidemment. C'est normal.

à écrit le 06/01/2012 à 11:19
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De qui se moque t-on?, la sécurité sociale ne rembourse plus les frais dentaires, ophtalmologiques et auditifs aux plus démunis et qui ont vraiment besoin de se faire soigner, mais rembourse les opérations de chirurgie esthétique!, on marche vraiment...

à écrit le 06/01/2012 à 10:25
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Très bon article, il est vrai que cette affaire à de quoi faire bondir. Je fais parti du grand nombre de femmes qui n'ont pas franchement été gâtées par la nature sur le plan mammaire. Néanmoins, l'argent que je gagne chaque jour en travaillant plus ...

à écrit le 06/01/2012 à 9:43
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Il y a quelque chose de surréaliste à faire jouer la solidarité nationale pour admirer les "beboms" à forte poitrine siliconée qui se pavanent sur nos plages. C'est le lot il faut payer pour voir.

à écrit le 06/01/2012 à 9:30
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Le Fabricant doit assumer. Il doit être assuré. POur les prothèses il faut distinguer deux catégories. S'il s'agit d'une personne victime du cancer. Que la sécurité sociale avance ces frais mais qu'elle se retourne contre le fabricant. Pour celles qu...

à écrit le 06/01/2012 à 9:28
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T'achètes un lisseur de cheveux pour être toute belle. Le lisseur est défectueux met le feu à ta tignasse et te brûle le cuire chevelu au 2ème degré, t'obligeant à porter une perruque pour le reste de ta vie. On te dit que c'était du confort, que t'a...

à écrit le 06/01/2012 à 7:49
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La démonstration de Valérie SEGOND est très pertinente. Il est temps, effectivement de se pencher sur la question des limites de la solidarité nationale lorsqu'elle est mélangée à toutes les sauces. Ainsi récemment , victime d'un accident de la circu...

à écrit le 06/01/2012 à 5:09
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petite nuance : rassurez-vous, ce n'est pas nous qui allons payer ces opérations de changement de retrait de prothèse ou de changement. Avez vous vu que nous avions remboursé au 3e trimestre 3.5 milliards de notre énorme dette de 1688 milliards. un p...

à écrit le 06/01/2012 à 0:31
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la sécurité sociale a été inventée pour égaliser les chances d'être soigné de chaque français devant les maladies. on peut se poser la question ,à savoir si la solidarité populaire doit s'exercer lorsque le "malade" est réputé responsable de sa malad...

à écrit le 05/01/2012 à 17:35
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A tous ceux qui crient aux scandales du remboursement par la sécu, vous rendez vous compte qu'avec ce raisonnement on pourrait : - Ne pas rembourser, les soins pour cancer du poumon, gorge etc... chez les fumeurs. - Les soins suivant un accident de ...

le 06/01/2012 à 7:05
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+1 Cependant la SS a ses aussi ses niches sociales : expliquez moi pourquoi les prothèses auditives pour sourds profonds ne sont pas ou peu remboursées? Quand au bilan alcool/tabac n oubliez pas que l état est le plus grand dealeur : le bilan compte ...

à écrit le 05/01/2012 à 16:21
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Enfin, il était temps que quelqu'un réagisse!! On assiste a une vraie déferlante des victimes de PIP dans la domaine de l'esthétique, on nous assène qu'il FAUT que nous payons pour tout les retraits de prothèses et les NOUVELLES PROTHESES de toutes l...

à écrit le 05/01/2012 à 16:08
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la sécu n'a pas a payer pour réparer les dommages à ces victimes qui sont surtout les victimes de cette société d'apparence venue des USA. il me semble également que ces chers (très chers!) chirurgiens esthétiques se sont très vite dédouanés. ils av...

à écrit le 05/01/2012 à 15:36
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tout a fait d'accord la sécu c'est nous et nous n'avons à prendre en charge les phantasmes de certaines bonnes femmes. qu'elles prennent un peu de poids et les seins grossiront.

à écrit le 05/01/2012 à 15:02
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Non ; chacun est responsable de ses choix et doit les assumer. La sécu n'a à prendre en charge ni le retrait ni le remplacement de ces prothèses.

à écrit le 05/01/2012 à 14:53
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Voilà à quoi on en arrive à répandre l'idéologie anti-Etat dont les contrôles trop tatillons paralyseraient l'initiative individuelle : moins de contrôle = moins de protection du citoyen. Surtout quand, en aval, on refuse au consommateur la procédure...

à écrit le 05/01/2012 à 12:44
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voila un article qui pose la question, payer parce que l'on voulait avoir des décolletés afriolants bien sur cela pouvait attirer le chaland... mais a chaque fois on nous fait le coup le médiator détourné de son utilisation les prothèses "de confort"...

à écrit le 05/01/2012 à 12:09
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pour enlever la prothèse oui .pour une opération de confort ou d'esthétique non . la patiente doit prendre ses responsabilités. dans le monde nous avons des grands des petits ,des gros des maigres ... il faut assumer chacun à son charme.

le 05/01/2012 à 14:00
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moi aussi entièrement d'accord

à écrit le 05/01/2012 à 11:13
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Entièrement d'accord!

le 05/01/2012 à 17:28
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je suis d'accord avec tous, il est anormal que le fabricant ne prenne pas en charge ces interventions, pourquoi le gouvernement a t-il décidé que la sécu devait rembourser....bizarre ! ce n'est en tous cas pas à nous de payer.

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