Monsieur Santorum, votre jupon dépasse

Pierre Lemieux est professeur associé à l'université du Québec en Outaouais, auteur de « Une crise peut en cacher une autre » (Les Belles Lettres, 2010).
Pierre Lemieux/DR

Il y a un paradoxe inquiétant chez Rick Santorum, qui a facilement remporté la Louisiane samedi et demeure le principal adversaire de Mitt Romney dans la course à l'investiture républicaine.

D'une part, M. Santorum exprime parfois des élans libéraux qu'aucun de ses adversaires, Ron Paul excepté, ne saurait imiter. Voulant démontrer que l'expérience de businessman de M. Romney n'est pas vraiment pertinente, il a soutenu, fort justement, que les Américains n'ont pas besoin d'un "manager" de l'économie, mais de quelqu'un qui va "extirper [l'État] par la racine". Il est vrai que la cohérence de son appui aux marchés libres laisse à désirer : il promet, par exemple, une fiscalité favorable à l'industrie de la fabrication, ce qui équivaut à une politique industrielle (assez rétrograde, du reste). Mais ses propos en faveur de la liberté économique sont souvent rafraîchissants.

D'autre part, il représente une droite religieuse qui n'est pas très éclairée. Il a attaqué le président Obama, qui "semble préférer les pornographes aux enfants et aux familles" en "refusant de faire appliquer les lois contre l'obscénité". Il ne semble pas comprendre l'importance de la laïcité si, justement, on ne veut pas que l'État devienne indéracinable. Le jupon autoritaire de M. Santorum dépasse et on regrette que Brassens ne soit plus là pour réagir.

Une caricature qui circule sur Facebook compense. Rappelons que Sartorum reproche à Obama de manquer de fermeté devant l'État iranien. La caricature montre Rick Sartorum portant une affiche qui dit : "L'Amérique est prisonnière des griffes de Satan." Tout près, le président iranien Ahmoud Ahmadinejad commente : "C'est drôle, c'était aussi le slogan de ma campagne à la présidence !"

La contribution de l'industrie de la pornographie au PIB américain est minuscule, probablement quelque chose comme un centième d'un pourcent. Mais ce genre d'estimation ne signifie pas grand-chose d'un point de vue économique. Il suffit de constater que les consommateurs de pornographie y attachent assez de valeur pour y dépenser quelques milliards de dollars par année. Cette souveraineté du consommateur est ultimement la seule chose qui compte dans l'économie.

Ce qui inquiète chez M. Santorum, c'est qu'il ne comprend rien de l'indivisibilité de la liberté économique et de la liberté tout court. Il croit que personne ne devrait consommer ce qu'il déteste lui-même. Et ses propres préférences sont conservatrices et non libérales au sens classique. Tout comme le président Obama, il veut imposer ses valeurs à tout le monde : seul diffère le contenu des valeurs des deux hommes.

La tendance conservatrice que représente M. Santorum occupe une place importante dans le Parti républicain et dans la course à l'investiture. Newt Gingrich s'y rattache. L'autre tendance, la tendance libérale ou "libertarienne", est représentée par Ron Paul. Mitt Romney, de son côté, essaie de jouer sur les deux plans, et il n'est pas certain qu'il comprenne bien les enjeux philosophiques en cause. Le résultat de la course dira si la tendance libertarienne a gagné du terrain à l'intérieur de ce parti.
 

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