Assurance emprunteur : les banquiers laisseront peu de place à la concurrence

Les acheteurs d'un bien immobilier peuvent désormais changer d'assurance emprunteur pendant un an après la souscription. Une ouverture à la concurrence que les les banquiers qui dominent le marché vont savoir contrer. par Elias Abou Mansour, Directeur Général, et Xavier Florit, Directeur du Développement de Genworth France, spécialiste de l'Assurance Emprunteur

La loi Hamon, entrée en vigueur le 26 juillet 2014, a profondément modifié le cadre de l'assurance des crédits immobiliers en permettant aux emprunteurs de changer de contrat d'assurance associée à un prêt jusqu'à 12 mois après sa signature. Les comparateurs fleurissent tous azimuts sur la toile et des offres extrêmement alléchantes - jusqu'à 40% d'économie par rapport à leur cotisation initiale ! - séduisent bon nombre de consommateurs. Il faut dire que les sommes en jeu sont loin d'être négligeables, avec un coût d'assurance qui s'élève, par exemple, à près de 15 000 euros pour un emprunt de 200 000 euros sur 20 ans.
De nouvelles mesures viennent petit à petit compléter cette avancée. Mais dans ce contexte d'ouverture forcée à la concurrence, les banques sont-elles prêtes à abandonner du terrain ?

Les bancassureurs dominent le marché

Aujourd'hui encore, le marché de l'assurance emprunteur - la couverture des accidents de la vie, proposée aux détenteurs de prêts immobiliers - est détenu pour près de 80% par les grands groupes Bancassureurs. Et pour conserver leur position privilégiée sur ce marché, les banquiers ne manquent pas d'arguments : « Restez chez nous, tout est plus simple... », « les conditions très favorables du prêt immobilier que nous pouvons vous proposer sont liées à la souscription de l'assurance... », ou bien « nous ne travaillons pas avec l'assureur que vous proposez !

Évidemment, la préoccupation majeure du bénéficiaire est d'obtenir son prêt pour finaliser son projet d'acquisition ; et tant pis si l'assurance proposée par la banque est plus onéreuse ou couvre moins bien que la concurrence.
Conséquence pour les assureurs non liés à l'acte de souscription du prêt immobilier : il demeure très difficile de pénétrer ce marché.

Une réaction à la loi Hamon

Néanmoins, les bancassureurs ont immédiatement réagi à la menace représentée par la loi Hamon : ils ont élaboré des offres individuelles, par définition hors « contrat collectif », sur la base d'un tarif plus compétitif. Et si ce nouvel argument ne suffit pas à remporter l'adhésion du bénéficiaire, la banque se réserve le droit de refuser purement et simplement la délégation d'assurance, au motif que les garanties et conditions générales proposées ne sont pas équivalentes à celles de l'ancienne couverture. Sans plus de précision.

C'est pourquoi de nouvelles mesures viennent désormais compléter la loi Hamon. La première, mise en place au 1er mai dernier, a instauré une « liste des critères de comparaison objectifs », soit 18 critères concernant les garanties obligatoires et 8 autres pour la couverture perte d'emploi (facultative), permettant d'établir un comparatif fiable et indiscutable. Les banques doivent désormais s'appuyer sur ces critères - en pouvant retenir jusqu'à 11 d'entre eux - pour justifier tout refus de délégation d'assurance.

Détailler les couvertures plancher

Les critères en question sont d'ordre factuel : par exemple, les délais de franchise en matière d'incapacité ou la couverture des activités sportives. In fine, on en attend logiquement une véritable objectivité d'appréciation au bénéfice de l'Assuré : celui-ci ne pourra plus essuyer un refus de délégation d'assurance de la part du Banquier sans réponse argumentée et fondée sur des éléments concrets et aisément vérifiables.

Prochaine étape, à compter du 1er octobre 2015 : la mise en place d'une « Fiche standardisée », qui présentera le détail des couvertures « plancher » exigées par le prêteur dans le cadre de la mise en place d'un prêt immobilier. Cette fiche mentionnera également les types de garanties que l'emprunteur souhaite retenir, ainsi qu'un estimatif du coût de l'offre choisie. Celle-ci devra aussi apparaitre clairement, par période, sur la durée totale du prêt. Enfin, le TAEA (Taux annuel effectif de l'Assurance) devra également être précisé.
Bien entendu, le document rappellera au bénéficiaire, si d'aventure il l'ignorait, qu'il est libre de choisir une offre équivalente et moins coûteuse.

Les banquiers laisseront peu de place à la concurrence

Cette série de mesures, sans pour autant être révolutionnaires, vont indéniablement dans le bon sens, car elles sont propices à faire jouer la concurrence. Doit-on pour autant s'attendre à un basculement du marché vers des acteurs autres que les grandes banques qui distribuent les prêts immobiliers ? On peut en douter.

En effet, les banquiers ne sont pas prêts à laisser du terrain à la concurrence. Ils ont déjà maintes fois prouvé leur capacité à très vite s'adapter. Très certainement, çà et là, leurs concurrents les plus dynamiques pourront tirer leur épingle du jeu. Mais il deviendra vite impératif de simplifier le processus de souscription, notamment en développant la digitalisation. La bonne nouvelle, c'est que les consommateurs en sortiront gagnants !

Elias Abou Mansour, Directeur Général, et Xavier Florit, Directeur du Développement de Genworth France, spécialiste de l'Assurance Emprunteur

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