Campagne de Brousse : un brin de muguet, quelques feuilles blanches

CHRONIQUE. Ingénieur, éditeur, observateur attentif des sociétés, du monde et des gens, Jean Brousse, corrézien, bretteur de mots, a publié "Deux mois ferme", collection de ses chroniques quotidiennes du confinement. En cette année présidentielle, il tient dans La Tribune une revue de la crise politique et sanitaire, intitulée comme il se doit Campagne de... Brousse.
(Crédits : Jean Brousse LT)

Il regarde les grands arbres couverts de timides feuilles vert tendre au fond du parc de l'Elysée. Le ciel est une boussole, ou plutôt une girouette, quand il hésite entre un léger crachin et les rayons insolents d'un soleil timide. Devant le Président, sur son bureau, quelques feuilles blanches, des missions, celles-là même qu'il a promis aux Français d'accomplir dans la quinquade à venir, et des noms, beaucoup de noms, beaucoup trop de noms, reliés par des flèches aux misions. Elles s'entrecroisent beaucoup, quand elles ne s'emmêlent pas au hasard de l'hésitation. On craint quelques nœuds.

« Libérer et planifier », vaste programme. Pourquoi pas untel aux choux farcis ? Etrange bonneteau que la constitution du plan de table du Conseil des ministres ! Alliances, équilibres, habiletés. Sagesse ou témérité, quand la fidélité et la rigueur le disputent à l'ambition ou l'impatience, jeunes loups énergiques ou barons pour tenir la barre face à l'imprévu ? Tentons de ne pas installer l'archevêque trop près d'une marquise réputée bien frivole.

Qui pour s'asseoir face à moi autour de la grande table du salon Murat ? Il faut qu'il, ou elle - ou Iel ? Après tout, au point où nous en sommes !- s'y entende en matière environnementale, que sa fibre sociale reconnue résiste à l'épreuve, qu'il en impose aux majorités et oppositions à venir, qu'il sache naviguer par gros temps tout en gardant le cap, qu'il fasse autorité sans paraître autoritaire, qu'il tienne sa classe, son équipe, en cas de turbulence - et il y en aura -,  qu'il me supporte et que je le supporte, qu'il ne me fasse pas trop d'ombre. Que les médias fouineurs, malicieux ou justes le respectent. Que les enquêtes de satisfaction le repèrent et que sa cote de popularité ne dépasse pas trop la mienne. Et que ce soit une femme ! Quand les limites sont franchies, il n'y a plus de bornes.

Roulette russe

Comme sur le front de l'Est, où le Tsar, fébrile à l'approche du 9 mai, se réveille face aux initiatives visibles de l'Occident. On découvre les charniers de Marioupol. Les renforts de l'Ouest suffiront-ils à contenir la poussée russe sur le Donbass ? Coupons leur la route autour de Kiev, tout en rappelant utilement au bon souvenir d'Antonio Guterres et de l'ONU que nous sommes bien là. Vladimir Poutine intervient sur les écrans fumés de ses compatriotes. Il harangue les parlements. Le sinistre Serguei Lavrov l'avait annoncé au début du bal : nous flirtons dangereusement avec la guerre mondiale.

Etrange roulette russe, façon vingt et unième siècle : quelques petites ogives un peu nucléarisées seraient disséminées on ne sait où au-delà de l'Oural, dissimulées aux caméras indiscrètes des satellites espions de la CIA, prêtes à atteindre on ne sait quel objectif, par la grâce des mystérieux Kinjal, ces porteurs hypersoniques dont l'Empire se félicite. Elles sont reliées par des entrelacs de fibres et des interconnexions fluctuantes au « bouton rouge » à portée de main du Tsar et de ses sbires. Une seule de ces ogives est « active », telle la balle unique dans le barillet du colt ! On joue ?

Le Président, que le Conseil constitutionnel vient de proclamer réélu, relit le texte de son hommage à Michel Bouquet, qui inaugurait son deuxième mandat. Surgissent alors Le TNP, Jean Vilar, Avignon, Anouilh, Michel Fau, Blier, Verneuil, Chabrol Truffaut, Molière (et Molières !), Ionesco, Steinbeck ... Tant d'autres. C'est vrai que cette campagne aura totalement oublié de signaler l'importance des « choses » de la culture pour forger la conscience des hommes et les inciter à la paix. Qu'est-il allé faire dans cette galère ?

Au fond du parc, les marronniers frissonnent sous la caresse des alizés de l'Elysée. Premier mai. Oserons-nous offrir aux autres ce brin de muguet traditionnel, prometteur de bonheur ?

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Commentaire 1
à écrit le 02/05/2022 à 8:06
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Je repense à Rufin invité sur arte bien obéissante de l'union européenne, qui a rappelé à contre courant médiatique d'une part que la censure des États sur internet était de plus en plus féroce et posait question et que la guerre en Ukraine, du fait ...

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