Ce que la réforme de l’audit aura manqué …

La valeur ajoutée de l'audit pour les entreprises, c'est la capacité à renforcer la confiance dans les acteurs, donc dans l'économie. Avec un effet positif sur la croissance. La réforme prévue omet cet aspect essentiel. Par Jean Bouquot, Président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux comptes de Versailles

La réforme de l'audit engagée depuis 2010 trouve enfin son aboutissement. Elle entrera en application dans les entreprises et dans nos cabinets à compter du 16 juin prochain. Rappelons-nous les objectifs de départ : renforcer la valeur ajoutée de l'audit, déconcentrer le marché de l'audit, garantir la meilleure indépendance des auditeurs et la qualité de l'information financière aux utilisateurs des comptes. Force sera de constater que ces objectifs ne seront pas atteints. Ce n'est pas faute d'avoir alerté notamment sur les menaces de complexifications et d'absence de lisibilité de la réforme, sur les risques de concentration des cabinets que va faire peser la rotation accélérée des mandats ou des signataires. Et nous ne pouvons que regretter l'absence de réflexion pour faire progresser l'audit, son périmètre et sa valeur ajoutée au service des entreprises.

Une concentration excessive du marché de l'audit

Pourquoi ? Notre exercice professionnel et notre régulation se voient aujourd'hui alourdis, mais au-delà, nous redoutons les répercussions sur nos clients et plus globalement sur la chaîne de la sécurité financière. Nous craignons que la concentration excessive du marché de l'audit ne limite le choix pour les entreprises et ne déstabilise une profession française qui, rappelons-le n'a pas failli ou démérité dans son rôle.

Nous attirons aussi l'attention sur la création de nouvelles responsabilités pour les entreprises : leurs comités spécialisés, désormais chargés du pilotage de la procédure de sélection des auditeurs, donneurs d'ordre des services non audit, seront dans le même temps potentiellement contrôlés par le régulateur. En plus de son pouvoir élargi de contrôle et de sanction des professionnels commissaires aux comptes, le régulateur pourra également sanctionner les entreprises elles-mêmes. Difficile et délicat exercice de pédagogie dans ce nouveau cadre pour concilier la nécessaire relation de confiance entre l'auditeur et l'entreprise et les nouvelles responsabilités des comités d'audits.

Renforcer la confiance dans l'économie

Par ailleurs, il n'est dans cette réforme nullement question de la valeur ajoutée de l'audit pour les entreprises. N'était-ce pas pourtant le sujet qui aurait dû mobiliser les réflexions ? Car après tout, à quoi sert l'audit si ce n'est à renforcer la confiance dans l'économie, c'est-à-dire à activer l'un des leviers essentiel de la croissance ? La réforme européenne de l'audit ne sera pas une réforme pour l'économie car elle n'aura pas abordé l'audit de demain, un audit plus en phase avec les besoins des acteurs économiques qui souhaitent mieux anticiper les risques et se projeter.

Enfin, la recherche de l'harmonisation européenne à tout prix démontre ses limites. A travers la faculté laissée aux Etats membres de choisir entre différentes options, le paysage de l'audit européen demain ne sera que partiellement harmonisé, ce qui constituera pour les groupes internationaux une source de grandes difficultés pratiques. Il peut donc sembler paradoxal de mettre en avant cet objectif d'harmonisation européenne alors même que la réforme mise en œuvre fragilise l'harmonie d'une profession qui s'était adaptée avec succès au cadre de la Loi de Sécurité Financière de 2003...

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