Communication de crise, quelques clés

Quelques conseils aux décideurs, à l'heure de l'émergence du "journalisme citoyen". Par Florian Silnicki, expert en stratégies de communication et fondateur de l'agence LaFrenchCom

Que vous soyez entrepreneur, haut fonctionnaire, patron d'une association, décideur public ou privé, vous serez, un jour, confrontés à une question : quels réflexes dois-je adopter pour faire face efficacement à une communication de crise sous contrainte judiciaire ?

A chaque fois que j'ai l'occasion de discuter avec un décideur public ou privé, de l'importance de la communication pour être bien préparé à affronter une crise ou une urgence, notre conversation tourne autour de quelques clés permettant de protéger tout à la fois un chiffre d'affaires, une carrière, une marque et une réputation. J'ai jugé utile de les partager avec le plus grand nombre.

 Discuter de l'importance de la communication de crise en quelques minutes, c'est aborder les points suivants :

-  Répondre dans l'heure suivant l'irruption d'une urgence ou d'une catastrophe peut permettre de protéger une organisation et d'éviter ou repousser le moment où une carrière se joue. Plus elle est gérée tôt, moins la crise est susceptible de dégénérer en bad buzz.

 -  Gérer la situation des victimes de manière immédiate, humaine et pleine de compassion peut diminuer le risque de publicité négative associé à une mauvaise gestion des victimes. Il convient d'être aussi empathique que possible. La jurisprudence Guillaume Pepy a ici une importance cruciale. Le PDG de la SNCF se rendant rapidement sur place et ne cachant pas son émotion devant le drame qui venait de se produire.

 -  Répondre par le silence nuira nécessairement à votre réputation. Retenez que le « no comment » creuse la tombe de votre organisation. C'est ce qu'a n'a pas compris l'avocat de la société Atlanco dans le dernier numéro du magasine Cash Investigation intitulé « Salariés à prix cassé : le grand scandale ». Chaque question de la journaliste s'est vu opposer la réponse « pas de commentaire ».

 -  Retenir une règle : l'opinion se souvient des crises parfaitement gérées, mais où la communication était mauvaise, comme des crises mal gérées à l'image des déplorables communications de Volkswagen, de la FIFA jusqu'à celle d'Air France en passant par celle du Diocèse de Lyon dans l'Affaire du cardinal Barbarin.

 Prendre la parole

-  Si vous ne prenez pas les choses en main dès le début, il se trouvera toujours quelqu'un pour le faire. Gardez en tête que plus vous prendrez la parole, plus vous éviterez que ce soit vos adversaires qui le fasse.

- La vitesse de votre réaction prime sur la finesse de votre propos et la complexité de votre raisonnement. Attendre pour mettre en œuvre la réponse parfaite vous coûtera votre réputation, et probablement votre poste, et de toute façon cela ne fonctionnera pas.

A cette image, la réaction de Mars organisant un gigantesque rappel fait écho en son temps à celle de Perrier. En effet au début des années 1990, l'annonce de la présence de benzène dans des bouteilles de Perrier aux États-Unis ouvre une crise grave pour la marque qui reste encore aujourd'hui considérée comme un exemple de communication de crise. Ne pas prendre la parole, c'est laisser à vos concurrents et à vos adversaires la liberté de le faire.

Les mauvaises nouvelles attirent la mauvaise presse

 - Les mauvaises nouvelles ne font jamais qu'empirer et les mauvaises nouvelles attirent la mauvaise presse. Evidemment, sous le stress, des erreurs seront commises. Gardez en tête que les médias n'hésiteront jamais à grossir le trait voire à inventer des choses. La communication de crise c'est aujourd'hui savoir consacrer 50 % de son énergie et 25 % de ses ressources à corriger les erreurs commises la veille - les vôtres ou bien celles des médias.

 -  Une bonne gestion de crise nécessite la mise en place de réponses simples, raisonnables, sincères, constructives, positives et respectueuses de l'éthique, et ce dès le début. Vous devez garder en tête que mentir sera toujours pire pour votre image et la réputation de votre organisation que d'assumer la vérité.

 - Enfin, vous aurez à surmonter l'attitude menaçante, intrusive et agressive des blogueurs dont certains sont devenus des donneurs de leçons professionnels. Vous aurez également à affronter des militants qui critiqueront pour savourer le principe même de vous critiquer. Vous devez d'ailleurs ici veiller à tenter de distinguer un internaute critique d'un « hater » ou d'un troll. Si la plupart des responsables et dirigeants se considèrent comme d'excellents communicants, de nombreuses crises auraient pu être évitées s'ils avaient été suffisamment préparés à les affronter.

 Les décideurs doivent aujourd'hui apprendre à gérer la visibilité non prévue occasionnée par une crise. Gérer une crise n'est pas naturel. Cela s'apprend. Quand vous faites et dites ce qu'il faut lors des précieuses premières heures d'une crise, les victimes vous en sont reconnaissantes et les médias vous laissent en paix.

 La communication de crise évolue avec le Web

 La communication de crise a beaucoup changé. La croissance fulgurante d'Internet depuis le début des années 90, les crises successives liées aux pneus meurtriers Brookstone Firestone aux États-Unis en 2001, l'affaire Enron et la fin du « Too Big to Fail », le drame AZF, celui du vol AF447 en passant par les attaques terroristes du 11 septembre, Fukushima ou l'ouragan Katrina, tous ont placé la communication et la gestion de crise sous le feu des projecteurs.

Ces crises sont souvent compliquées par la présence sur place de personnes se prenant pour des journalistes uniquement parce qu'elles détiennent un téléphone portable capable d'enregistrer et d'envoyer des photos et des vidéos à l'image de ce que l'on retrouve sur la plupart des sites d'informations en continu comme BFMTV sur TémoinsBFM.fr. Ces conseils concrets pour traiter les victimes avec intelligence et dignité, doivent vous permettre de diminuer la publicité négative, de raccourcir la durée d'exposition médiatique et de diminuer les risques de poursuites judiciaires.

 Journalisme citoyen

Les décideurs doivent aujourd'hui tous faire face à l'émergence croissante du « journalisme citoyen », ces personnes détenant un smartphone et pouvant rapporter ce qu'elles considèrent comme important, dès qu'un évènement survient, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Faute d'apprendre à travailler avec eux, les avocats peuvent empirer les choses en se concentrant uniquement sur les risques de poursuites au détriment du risque de réputation qui pèse sur votre organisation.

C'est pourtant bien ce risque qui amène le plus sûrement les entreprises à la faillite. C'est pourquoi les avocats sont de plus en plus formés et accompagnés pour organiser la défense médiatique de leurs clients. C'est là que la locution latine Vae Solis signifiant « Malheur à celui qui va seul » prend tout son sens.

 Une nouvelle approche

Dans un monde en crise perpétuelle, où l'info chasse l'autre, adopter une nouvelle approche de la communication de crise peut vous sauver. L'opinion publique est aujourd'hui surinformée et se montre à raison de moins en moins bienveillante. Alors adoptez une bonne communication pour face а une crise en étant empathique, réactif, transparent, bienveillant et mobilisé.

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Commentaires 2
à écrit le 30/03/2016 à 14:41
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Voici un article qui n'a de cesse d'enfoncer des portes ouvertes.

à écrit le 30/03/2016 à 14:35
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Excellente synthèse des réflexes à adopter en matière de communication de crise. Moi-même à la tête de la communication d'un groupe côté, je tente quotidiennement de sensibiliser ma direction à ces enjeux, ce n'est pas si facile en pratique...

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