Face à la crise, le Qatar doit devenir un partenaire énergétique majeur de la France, de l'Allemagne et de l'Europe

OPINION. La guerre qui gronde en Ukraine depuis plus d'un mois a montré la dépendance de l'Europe au gaz russe. Il est urgent de diversifier au plus vite nos sources d'approvisionnement, ce qui passe notamment par une coopération accrue avec le Qatar, premier producteur de GNL, comme le préconise un groupe de sept parlementaires (*).
(Crédits : Reuters)

L'Allemagne vient de s'entendre avec le Qatar pour développer une relation à long terme en matière d'importation de GNL afin de réduire sa dépendance à l'égard de la Russie. Une dépendance qui s'élevait à 55% de ses importations jusqu'à avant la crise. Cet accord a pu être signé entre le ministre allemand de l'Économie, Robert Habeck, venu spécialement en visite officielle à Doha pour l'occasion, et les autorités qataries.

Enjeux de sécurité vitaux

Face à la crise violente que traverse le Vieux continent depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie, nous sommes confrontés à de nouveaux défis politiques, économiques, et financiers majeurs. Des enjeux de sécurité vitaux pour l'Europe qui doivent pousser la France notamment à renforcer des partenariats solides qui la mettront à l'abri de pénuries comme vient de le faire l'Allemagne.

La crise ukrainienne nous a montré, s'il le fallait encore, que l'approvisionnement en gaz de l'Europe ne peut reposer uniquement sur un nombre réduit de fournisseurs, comme c'est le cas avec la Russie, qui à tout moment peuvent être bannis ou sous le coup de sanctions économiques qui nous impactent déjà directement.

 Jusque-là, l'Europe a opté pour une bardée de sanctions économiques contre Moscou mais semble bien incapable de décréter un blocus contre le gaz russe qui serait radical pour les finances de Moscou. C'est au plus vite que le vieux continent, à commencer par ses deux plus grands acteurs, la France et l'Allemagne, doit garantir sa sécurité énergétique en multipliant la coopération avec ses partenaires de confiance. Le Qatar doit être l'un d'entre eux et jouer un rôle majeur dans les années à venir dans notre approvisionnement en hydrocarbures. Ce que l'Allemagne a compris, la France doit le réaliser au plus vite.

20% du gaz français est russe

L'hiver prochain se prépare dès maintenant avec l'inquiétude sur la planète que la guerre en Ukraine ne soit terminée et ait abouti sur un accord de paix durable. Et les choses risquent bien de se compliquer pour nous si l'on ne renforce pas nos alliances en matière énergétique d'ici là. Une des solutions naturelles qui s'est profilé dès le début de la guerre et sur laquelle les négociateurs américains ont déjà largement planché, c'est bien la possibilité que le Qatar supplée à la défection de l'approvisionnement russe afin d'éviter les pénuries ou la hausse des prix qui fait son chemin depuis des semaines. Mais tout cela doit se préparer. La France doit s'y atteler au plus vite car 20% de son gaz est russe.

Or, on le sait, le Qatar est déjà un partenaire énergétique et sécuritaire essentiel pour nous: le riche émirat gazier joue depuis des années un rôle déterminant dans la production de gaz dans le monde, et notamment dans l'acheminement rapide de celui-ci grâce au GNL (gaz naturel Liquéfié). Aujourd'hui, il est le 4e producteur de gaz au monde. Pionnier dans le secteur sur la planète, il a annoncé l'année dernière la construction de la plus grande usine de production de GNL sur la planète. Il peut donc répondre à la demande croissante de l'Europe. Doit-on rappeler que Doha dispose déjà des Qatarmax, les plus grands méthaniers de la planète, fabriqués en Asie pour le compte de Qatargas, et qui permettent une exportation et un rendement maximaux et donc rapides ?

Il y a donc un potentiel énorme à l'heure actuelle pour l'Europe à renforcer son alliance avec un pays stable et prospère, riche en tout ce dont nous avons besoin pour garantir notre autonomie énergétique à l'égard de la Russie. Renforcer nos accords avec le Qatar, c'est assurément explorer une garantie à long terme de la sécurité de l'approvisionnement du GNL qatari pour les Européens avant tout. Aucun doute, dans sa politique en général très réactive, qu'il saura, si l'accord aboutit, fournir à l'Europe, ce que la Russie ne pourra plus faire. Mais Bruxelles, Paris et Berlin doivent garantir, pour en bénéficier, un accord à long terme avec le Qatar car l'acheminement, la régularité d'approvisionnement, et la sécurité énergétique ont un coût pour le fournisseur comme pour le client. L'Allemagne a ouvert la voie ces derniers jours.

S'appuyer sur des alliés fiables

Dans les moments difficiles que nous traversons, il faut pouvoir s'appuyer sur des alliés fiables.

La France sait qu'elle peut compter sur le Qatar pour son approvisionnement mais aussi pour sa sécurité. Chantre du multilatéralisme, Doha prend de plus en plus d'importance sur la scène internationale. Il est devenu un médiateur de crises régionales au Moyen-Orient, qui pourraient nous impacter directement, et joue le rôle de tampon; il a également soutenu l'accord sur le nucléaire iranien que l'on essaie de remettre en selle, et a joué un rôle majeur dans les négociations en Afghanistan mais aussi dans le rapatriement de milliers de ressortissants occidentaux et de leurs collaborateurs à Kaboul lors de la reprise du pays par les Talibans à l'été dernier. Les Etats membres européens, comme Washington, ont largement salué l'action de Doha pour le rapatriement de leurs ressortissants de Kaboul l'été dernier, dont la France, l'Allemagne et les Etats-Unis. Récemment enfin, Doha a apporté son soutien aux Européens et aux Ukrainiens dans la crise que traverse le continent. Tout cela illustre bien les propos il y a quelques mois d'Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies, qui qualifiait le Qatar de nouvelle plateforme de dialogue mondial. La récompense d'une longue stratégie entreprise depuis des années par Doha.

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(*) Signataires :

- Pascal Brindeau, député du Loir-et-Cher

- Naïma Moutchou, députée de l'Oise

- Jean-Luc Reitzer, député du Haut-Rhin

- Anissa Kheder, députée du Rhône

- Julien Borowczyk, député du La Loire

- Jérôme Lambert, député de la Charente

- Jean-Marie Janssens, sénateur du Loir-et-Cher

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Commentaires 2
à écrit le 04/04/2022 à 13:23
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A court terme sans doute, une solution envisageable. Toutefois pourquoi personne ne parle de la réserve en France de gaz contenue dans les anciennes mines à Charbon. Plusieurs années autosuffisance. Ca bloque je ne sais pour quelle raison. Mais n'y ...

à écrit le 02/04/2022 à 9:49
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Et le massacre de milliers de travailleurs esclaves sur les chantiers on oubli donc ? Merci de me prouver ce que je dis sans cesse sur votre obsession du dumping social, de ce fait difficile de savoir si c'est encore la cupidité ou plutôt de la perve...

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