L'Allemagne bride l'Europe

CHRONIQUE. Plus grave erreur économique de l'Allemagne de ces 20 dernières années. Célébré à l'époque comme la victoire de la rigueur fiscale et budgétaire rompant avec l'insouciance reprochée à l'immense majorité des membres de l'Union vivement exhortés de lui emboîter le pas. Inscrit dans le marbre de la Constitution. Aujourd'hui, les politiques allemands ne savent plus comment s'en débarrasser. Par Michel Santi, économiste (*)
Olaf Scholz, Chancelier fédéral d'Allemagne
Olaf Scholz, Chancelier fédéral d'Allemagne (Crédits : LIESA JOHANNSSEN)

Le frein à l'endettement est devenu cette équation impossible à résoudre, contraignant les dirigeants du pays à trouver toutes sortes d'artifices comptables ou de parades afin de le contourner. Bref, cet encadrement strict et non négociable des déficits publics est une très mauvaise nouvelle pour Olaf Scholz et pour son gouvernement. Et pour cause, comment diable pouvoir gérer dans la conjoncture actuelle un pays contraint de limiter son déficit structurel à 0,35% du PIB fédéral, et imposant de surcroît l'équilibre budgétaire à ses 16 États ? Non content de cette orthodoxie intransigeante, Wolfgang Schäuble, ministre des Finances de Merkel, décédé il y a peu, qui prenait un malin plaisir à martyriser celles que l'on qualifiait à l'époque de «nations européennes périphériques» comme l'Italie ou l'Espagne, imposa même le fameux «Schwarze Null» prohibant tout nouvel endettement public.

Au final, l'Allemagne risque de déstabiliser les finances de l'Union européennes, et les siennes propres, pour avoir traversé tout récemment une crise budgétaire à la longueur inédite. Ses responsables politiques sont d'ores et déjà démonétisés pour avoir vertement été remis sur le droit chemin de la rigueur par la plus haute cour constitutionnelle de la nation qui a révélé une créativité déplacée du gouvernement allemand dans ses montages spéciaux afin de colmater les trous. Cette ingéniosité de l'exécutif dans la création de fonds ou de véhicules spéciaux, ou pour tenter de déclarer des urgences qui n'en sont pas, dans l'objectif de contourner ce frein à l'endettement constitutionnel achève de décrédibiliser un chancelier vacillant, érode considérablement le peu de confiance lui étant encore accordé ainsi qu'à son gouvernement par un peuple allemand en pleins questionnements et doutes.

L'entêtement allemand

Dans cette Allemagne de début 2024, les multiples grèves toutes récentes et celles immanquablement à venir sont loin d'être anodines. Le coup de grâce des augmentations d'impôts pourrait bien être assené au peuple allemand par ses dirigeants acculés par ce frein à l'endettement, lequel paralyse et lequel fige tout sur son passage : soutien à l'Ukraine, aides sociales, remise en état des infrastructures... Bref la crise de confiance envers les élites allemandes se révèle désormais d'une acuité sans précédent, tant et si bien que l'ancien ministre des Finances à la longue carrière politique, Peer Steinbrück, qui en fut un des ardents défenseurs a reconnu que le frein à l'endettement n'est plus dans l'air du temps.

Cette limite à l'endettement en Allemagne fait fi de la dimension globale, affaiblit considérablement et sa propre économie et la puissance de projection européenne. Comment l'Allemagne serait-elle en mesure de révolutionner son modèle mercantiliste à l'exportation si ses pouvoirs publics ne sont même pas capables de subventionner ses entreprises actuelles et futures actives dans les dernières technologies, comme n'hésitent évidemment pas à le faire très généreusement les États-Unis et la Chine. Une nouvelle fois, l'entêtement et le cavalier seul de l'Allemagne sapent les ambitions européennes.

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».
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Commentaires 8
à écrit le 22/01/2024 à 15:42
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"Allemagne, puissance sans désir" Dossier du monde diplomatique de 2015.

à écrit le 22/01/2024 à 14:57
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Article typiquement franchouillard!!! La France avec ses 3000 milliards € de dette n'est pas non un exemple ä suivre!!! Un pays qui s'appauvrait en important plus de 60% de ses produits consommés de l'étranger et enrichir les pays etrangers tout en ...

à écrit le 22/01/2024 à 13:46
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Frexit ? A, bon, et plus d’euro, de libertés intra européennes, de coordination, de PAC…. Etc…. Vous plaisantez où vous voulez nous faire perdre 40% de pouvoir d’achat immédiatement, sans compter un État en faillite ??

à écrit le 22/01/2024 à 13:36
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Frexit ? A, bon, et plus d’euro, de libertés intra européennes, de coordination, de PAC…. Etc…. Vous plaisantez où vous voulez nous faire perdre 40% de pouvoir d’achat immédiatement, sans compter un État en faillite ??

à écrit le 22/01/2024 à 12:30
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Et choisi le nazisme 2X en moins de 100 ans !

à écrit le 22/01/2024 à 11:01
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The Telegraph (journal anglais de droite) a fait un article le 08 octobre 2014 intitulé "Le modèle allemand ruine l'Allemagne et est mortel pour l'Europe". il était question du fétichisme fiscal du voisin d'outre-Rhin qui bride sérieusement l'investi...

à écrit le 22/01/2024 à 9:52
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Merci pour cet article éclairé et avisé, enfin une critique de l'Allemagne ! L'UERSS va sombrer et la France avec si elle ne sort pas du contrôle allemand/US Frexit obligatoire pour recouvrer souveraineté 1) du droit FR 2) de l'industrie FR

à écrit le 22/01/2024 à 9:05
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Problème qui remonte à la création du St Empire Allemand, qui n'est du qu'à des contes chimériques et des histoires à dormir debout. Nietzsche soulignait que le mot "faute" et "dette" avaient la même signification en allemand faisant que les allemand...

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