L'industrie française de la mode, un écosystème à préserver

La mode et l'habillement, c'est pas moins de 150 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France. Faut-il vraiment ponctionner l'organise qui fédère ce secteur? Par Lucien Deveaux, Président de DEFI (Comité de Développement et de Promotion de l'Habillement) et l'ensemble des présidents des fédérations de la mode et de l'habillement*

Lettre ouverte à Christian Eckert, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget

 Monsieur le Ministre,

 Il y a quelques jours encore, dans les cafés parisiens, les serveurs s'adressaient spontanément à vous en anglais. Paris était couverte de belles affiches d'une jeune femme sur fond de Tour Eiffel. Les grands magasins et les métros de la capitale ne désemplissaient pas d'étrangers aux looks avant-gardistes. C'était la Paris Fashion Week. Une semaine de défilés, de salons, de showrooms, un peu d'oxygène pour Paris, et l'expression tangible de son statut de capitale mondiale de la mode. Mais Paris Fashion Week, c'est aussi et surtout 10, 3 milliards d'euros de transactions commerciales comme l'a relevé la toute récente étude sur l'économie de la mode conduite par l'IFM et les Fédérations Françaises de la Couture et du Prêt-à-Porter. On l'oublie un peu vite, mais 300 défilés par an en France avec 50% de marques étrangères, 27 salons professionnels et plus de 14 000 exposants dont 75% de marques étrangères ne sont pas que du glamour mais une véritable activité économique qui génère un chiffre d'affaires considérable.

 150 milliards d'euros de chiffre d'affaires, quatre fois plus que l'aéronautique

Au-delà des fashions weeks, cette étude, financée par le DEFI, révèle que l'industrie de la mode et de l'habillement en France pèse 150 milliards d'euros de chiffre d'affaires direct soit 1,7% du PIB. C'est près de 4 fois le chiffre d'affaires généré par l'industrie aéronautique. Si on y ajoute les effets indirects hors de notre secteur, la mode génère au total 2,7% du PIB. Ces chiffres donnent le vertige et la mode ne peut plus, ne doit plus être considérée comme frivole. Il est grand temps que les pouvoirs publics mais aussi tout l'écosystème politique, économique et médiatique considèrent, à sa juste valeur, l'industrie de la mode comme une industrie d'excellence pour la France. Ce secteur repose, de plus, sur une large capacité exportatrice (80% des productions des grandes marques sont destinées à l'export) - non négligeable vu la balance commerciale déficitaire de la France - en s'appuyant notamment sur l'image de la mode française dans le monde entier. Précieux pour l'économie de notre pays.

De plus, nous sommes une industrie qui a su prendre ses responsabilités et qui s'autogère grâce au lieu unique de débats qu'est le DEFI. Depuis 30 ans, le DEFI, notre Comité Professionnel de Développement de l'Habillement[1], anime les échanges, les réflexions entre les différents maillons de la filière, contribue à faire émerger les jeunes pousses, croître avec succès les créateurs, soutient les PME qui participent à l'image de « Capitale Mondiale de la Mode » dont jouissent Paris et la France, appuie les entreprises de savoir-faire si spécifiques à notre pays. Sauf qu'aujourd'hui, à l'heure où le gouvernement se mobilise fortement pour soutenir d'autres industries, le DEFI et donc notre filière mode se voit, une fois encore, amputée de ressources indispensables pour financer des actions stratégiques et d'ampleur pour adapter et accélérer le développement de nos entreprises dans un contexte de compétition internationale féroce et de transformations profondes des modèles économiques sous l'impact, notamment, de la révolution numérique.

Une ponction de 10% des ressources du DEFI

 En effet, le Projet de Loi de Finances 2017 prévoit que près de 10% des ressources du DEFI soient reversées à l'Etat soit 850K€ (huit cent cinquante mille euros). Le DEFI est financée par une taxe affectée à notre seule industrie, voulue et demandée par les professionnels en 1984.

 Cette taxe ne pèse pas sur le budget de l'Etat mais est, en revanche, cruciale pour notre écosystème et son développement. Acquittée par 3 500 entreprises et pour un tiers payée par les importateurs, elle permet d'accompagner le développement de plus de 800 TPE et PME avec un retour sur investissement inégalé : chaque euro investi sur les salons internationaux en rapporte 30 fois plus. Le budget du DEFI est la clé de voûte d'une solidarité exemplaire entre grandes entreprises et nouveaux créateurs, entre marques installées et émergentes, entre donneurs d'ordre et façonniers.

 Monsieur le Ministre, nous ne quémandons pas de subventions, nous ne demandons aucune aide, nous demandons simplement que le budget du DEFI ne soit pas amputé injustement alors qu'il est intégralement financé par les entreprises de notre filière.

 Notre écosystème est vertueux, louable et exemplaire. Nous faisons beaucoup avec peu de ressources pour intensifier le rayonnement de la France, soutenir ses emplois, accroître les exportations et renforcer la cohérence d'un écosystème d'une grande complexité. Dès lors, réduire les capacités du DEFI à créer de la valeur et de la solidarité dans une industrie aussi essentielle et emblématique pour la France, est un message incompréhensible pour un gouvernement qui prône la croissance économique, la réduction du chômage et le rayonnement international. Les entreprises que nous représentons vous demandent de supprimer ce plafond illégitime et injustifiable.

*Lucien DEVEAUX, Président de DEFI (Comité de Développement et de Promotion de l'Habillement) et

L'ensemble des présidents des fédérations de la mode et de l'habillement :

Ralph TOLEDANO (Président de la Fédération française de la Couture, du Prêt à Porter des Couturiers et des Créateurs de.Mode) ;

Pascal MORAND (Président-Exécutif de la Fédération française de la Couture, du Prêt à Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode) ; Didier SIMON de BESSAC (Directeur Général Adjoint de l'Alliance du Commerce) ; Claude TETARD et Alain MOREAU (Co-Présidents de l'Union française des Industries de l'Habillement) ; Philippe BERTHAUX (Président de la Fédération de la Lingerie Française) ; Pierre-François LE LOUËT (Président de la Fédération française du Prêt à Porter Féminin) ; Claude MISEREY (Président de la Fédération française du Vêtement Masculin) ; Jacques MARTIN- LALANDE (Président du Groupement de la Fabrication française).

 [1] Le DEFI est un organisme de droit privé exerçant une mission de service public qui rassemble les secteurs du prêt-à-porter (femme, homme, enfant, lingerie), les enseignes, le luxe, les façonniers et les vêtements professionnels.

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