La “France en faillite” : décrochage et bavardage

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui: la “France en faillite”, décrochage et bavardage.

La France est au bord de la faillite. C'est la grosse ficelle dont abusent certains politiques pour endosser les habits d'homme providentiel. C'est le propos de comptoir des pessimistes et grincheux de toute espèce. Rien de bien étayé donc. Et qui ne devrait pas donner lieu à une vidéo « redressage d'idée fausse » tant elle est facilement infirmable.

Il suffit de regarder pour cela les taux d'intérêt auquel la France se finance et se refinance et notamment les spreads qu'exigent les créanciers pour couvrir leur risque. Il suffit aussi d'observer la trajectoire de la dette publique hexagonale, en voie de stabilisation, après l'ajustement a minima des années Hollande.

Mais ce qui est faux dans l'idée de faillite, ce n'est pas tant l'évocation du risque, tout peut arriver on le sait dans notre monde financier déboussolé, que les mécanismes qui le sous-tendent.

La faillite d'une nation recouvre deux principaux scénarios

1/ soit les déséquilibres globaux, que résume la balance des paiements,  sont tels, que les conditions de financement de l'ensemble des agents, privés ou publics en sont affectés. Les spreads augmentent faisant que l'improbable s'autoréalise. Les conditions de refinancement de la dette qui échoie sont telles que les agents privés puis publics font défaut en chaîne ;

2/ soit un agent, bancaire à portée systémique, fait faillite, entrainant dans sa chute l'État qui n'aurait pas la capacité de recapitaliser ou de prendre les pertes.

Ce deuxième scénario n'est en rien spécifique à la France. Nous ne le maitrisons pas totalement aujourd'hui et nul ne pourrait parier à 100% que les banques sont à l'abri de ce type de danger. Si l'on en croit les résultats affichés des banques françaises, qui ne s'érodent que pour les moins spécialisées, les stress tests de cet été, ou encore les perspectives d'embauche pour 2017, ces dernières ne seraient pas dans l'œil du cyclone. Il n'en reste pas moins que l'aplatissement de la courbe des taux, autrement dit le très faible écart entre taux courts et taux longs, fragilise le business modèle des banques du monde entier, puisque c'est de lui que dépend la marge d'intermédiation.

Bref, la France est plutôt bien positionnée en termes de risque bancaire, mais le risque d'un craquement demeure à probabilité non nulle.

Reste nos déséquilibres globaux somme des déficits cumulés de l'état, des ménages et des entreprises

Je peux certes me focaliser sur le déficit, et la dynamique de la dette de l'État comme beaucoup. Mais je ne trouverai alors rien de véritablement alarmant, notamment, si je m'en tiens à la définition des organisations internationales de l'insoutenabilité qui correspond à un risque d'insolvabilité qui ne serait pas à la hauteur d'un ajustement réaliste des finances publiques. Au cœur du déficit structurel français, il y a d'abord le fait que le pays lisse plus que d'autres l'ajustement qu'impose la montée de la dépendance. Mais dès qu'on y regarde de plus près, le système est déjà bel et bien paramétré pour absorber un choc globalement moins ample que dans des pays sans fertilité. Les déséquilibres français sont au final à la hauteur d'un ajustement réaliste qui ne dépasse pas 2 % du PIB.

C'est finalement lorsque je me penche sur le déséquilibre global de la nation, que le point faible français apparaît.  L'affaiblissement de la base productive française fait que le pays connait un déficit persistant de sa balance commerciale. Et c'est un élément structurel, qui résiste même à la baisse des prix du pétrole. Ce talon d'Achille peut légitimement inquiéter. Il ne conduit pas pour l'heure à une accumulation de dettes importantes, car nos multinationales dégagent une masse de revenus à l'étranger qui compensent largement les pertes commerciales. Si l'on regarde la position française en terme d'endettement net vis-à-vis du reste du monde rien de très inquiétant pour l'instant. Mais la dynamique et les modalités de rééquilibrage de ce déséquilibre le sont plus.

  • 1/ Rééquilibrer la balance commerciale par des flux dégagés à l'étranger, n'est pas neutre. Ce sont des flux non taxables qui de fait participent à l'attrition de notre base fiscale.
  • 2/ Le déficit commercial lui-même qui témoigne de notre éviction productive face à un noyau allemand qui se renforce sur un mode cumulatif est une chose ni facilement ni rapidement réversible.
  • 3/ La dynamique des positions nettes franco-allemandes mettent bien en évidence ce caractère cumulatif qui s'auto-renforce.

Le vrai risque d'insoutenabilité financière française réside là. Et l'aborder sous le prisme exclusif des finances publiques constitue malheureusement un facteur aggravant.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaire 1
à écrit le 04/11/2016 à 8:29
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Oui, il faut envisager autre chose que la finance. Il faut envisager la relation entre le cout du travail et le prix de l'énergie. Encore un effort de réflexion! Cela doit correspondre à basculer la fiscalité du travail, à la charge des entreprises, ...

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