Lanceurs d'alerte : la protection prévue sera insuffisante

Le projet de loi Sapin prévoit l'ébauche d'un statut pour les lanceurs d'alerte. Mais les garanties envisagées par le texte ne vont pas assez loin. Par Antoine Chéron, avocat spécialiste des nouvelles technologies ( www.acbm-avocats.com )

Le Panama Papers, vaste scandale financier, offre un coup de projecteur opportun sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dit projet de loi « Sapin II »).

 Actuellement en examen à l'Assemblée Nationale, le texte reconnait un statut aux lanceurs d'alerte agissant en matière de prévention et d'aide à la détection de la corruption.

 Une agence pour prévenir la corruption

A cette fin, il prévoit la mise en place de l'Agence Nationale de prévention et de détection de la corruption qui remplacera le Service Centrale de la Prévention de la Répression (SCPC) dont le périmètre d'activités se trouve élargi. Elle sera ainsi l'interlocutrice et la protectrice des lanceurs d'alerte, selon les propos de Michel Sapin, Ministre des Finances et des comptes publics. A ce titre, elle aura pour mission de les informer sur la protection juridique dont ils peuvent bénéficier, de permettre l'anonymisation de leurs signalements et de prendre en charge leurs frais de procédure, le cas échéant.

 Les informateurs sont en effet susceptibles de s'exposer à des poursuites judiciaires sur le fondement de : l'atteinte à la clause de confidentialité présente au sein de leur contrat de travail, l'abus de confiance, l'introduction dans un système automatisé de traitement des données, le vol de données, la dénonciation calomnieuse.

 Une protection juridique pour les lanceurs d'alerte

Afin de remplir son objectif, le texte met en place un système de financement de la protection des lanceurs d'alerte. Ainsi l'article 6 du projet de loi prévoit que ladite Agence peut verser à l'Etat des contributions destinées à la mise en œuvre « de la protection juridique des personnes ayant relaté ou témoigné de faits susceptibles de constituer les infractions de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics ou de favoritisme » (article 6 du projet de loi).

 De plus, l'Autorité des Marchés Financiers et l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de résolution mettront en place des procédures de signalement des manquements professionnels aux autorités de contrôle compétentes. L'article 7 du texte précise que les personnes ayant signalés de tels manquements « ne peuvent faire l'objet pour ce motif d'un licenciement, d'une sanction, d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération ou d'évolution professionnelle, ou toute autre mesure défavorable ».

 Des garanties encore insuffisantes

Ces mesures apportent des garanties insuffisantes aux lanceurs d'alerte qui connaissent de nombreuses difficultés dans leur vie personnelle et professionnelle suite à de telles révélations. Ils sont la plupart du temps en grande difficulté financière puisqu'ils se trouvent dans l'incapacité de retrouver un emploi. A cet égard, les informateurs devraient être en mesure de toucher une part des bénéfices issus de la révélation de ces infractions, dont tire profit l'Etat.

 Le projet de loi vise de cette manière à inciter les lanceurs d'alerte à se tourner vers les autorités publiques, plutôt que vers les journalistes. Il n'est cependant pas démontré qu'un tel dispositif séduise les informateurs qui ont pour objectif d'informer le public. C'est pourquoi, ils contactent le plus souvent des journalistes qui agissent au nom du droit à l'information. Dès lors, ces derniers sont plus à même de diffuser largement les informations. De plus, ils sont couverts par le principe de la confidentialité de leurs sources qui apporte des garanties. Cela n'est pas sans écarter l'instrumentalisation qui peut être faite des journalistes.

 Sapin favorable à une rémunération des informateurs

Suite aux révélations du scandale du Panama Papers, Michel Sapin dit vouloir aller plus loin. Il a affirmé être favorable à la rémunération des informateurs. Toutefois, les lanceurs d'alerte agissent le plus souvent gracieusement.

 Par ailleurs, le projet de loi Sapin II s'inscrit dans la continuité du texte défendu par Axelle Lemaire, Secrétaire d'Etat au Numérique, qui exempte les lanceurs d'alerte de failles de sécurité au sein des systèmes informatiques.

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