Le Japon, une "startup nation" à part entière !

OPINION. Champion mondial de la R&D et de l'innovation, le Japon ne s'est pas encore imposé comme une référence dans le paysage mondial des startups... mais cela ne devrait plus tarder. Par Iéaki Takeda, Directeur Général de JETRO Paris (Japan External Trade Organization).
(Crédits : Reuters)

Troisième PIB mondial, le Japon est un marché prospère et dynamique, marqué par une longue tradition d'innovation. Toyota, Honda, Panasonic ou Sony, pour n'en citer que quelques-uns, ont su s'imposer à l'international et se renouveler sans cesse, grâce à d'importants efforts de R&D. Le Japon est ainsi le numéro 1 mondial en termes de dépôts de brevet par habitant, avec le pourcentage du PIB consacré à la R&D le plus élevé de tous les pays du G7.

Déjà 13 000 startups dans l'Archipel

Derrière ces géants mondiaux se cache désormais toute une forêt de startups prometteuses : on estime qu'il y a désormais plus de 13 000 startups dans l'Archipel, un chiffre en forte croissance chaque année, grâce à une politique volontariste des pouvoirs publics.

En effet, depuis plusieurs années déjà, le gouvernement japonais a fait du développement de l'écosystème des startups l'un de ses chantiers prioritaires. Il encourage tout particulièrement les collaborations et les initiatives de co-création entre grands groupes et startups. Il a aussi fortement accentué les efforts de promotion à l'international de l'écosystème technologique.

La French Tech, source d'inspiration pour le Japon

Sur ce sujet, la French Tech fait d'ailleurs figure de modèle : le J-Startup Program lancé en 2018, en est directement inspiré. Celui-ci a pour but de découvrir et de sélectionner des startups innovantes par leurs technologies et leurs modèles économiques, afin de les accompagner dans leur expansion internationale. Elles bénéficient d'un soutien intensif du gouvernement (mentoring, accompagnement par des experts, participation à des événements internationaux, etc.). Le Japon compte déjà une dizaine de licornes et le mouvement devrait s'accélérer.

En outre, le gouvernement japonais est particulièrement actif pour créer des ponts entre monde académique et entrepreneuriat, avec un programme de bourses destinées à financer des startups issues de la recherche universitaire. Depuis 2018 200 startups ont vu le jour dans ce cadre et Preferred Networks, SmartNews, SmartHR ou Spiber sont devenues des licornes de l'archipel et font partie des startups les plus prometteuses.

Un écosystème de plus en plus attractif pour les investisseurs

Signe du succès de cette politique, les investisseurs suivent le mouvement. En 2021, les fonds de capital-risque ont investi 10,2 milliards de dollars dans l'écosystème japonais, en croissance de 53% par rapport à 2020 ! Un nombre croissant de fonds internationaux s'intéressent au Japon, à l'image de Bain Capital qui a lancé un fonds dédié de 950 millions de dollars. Autre signe de l'attractivité du pays, le nombre d'acquisitions de startups japonaises est en pleine augmentation. Parmi les opérations notables, citons l'achat de Pring, fintech spécialisée dans le transfert d'argent, par Google pour 93,4 millions de dollars en juillet 2021, ou Paidy, acquise par Paypal pour 2,6 milliards de dollars en septembre 2021.

Les investisseurs sont notamment sensibles à la culture japonaise de l'innovation, qui permet d'envisager des solutions différentes (et efficaces !) à des problèmes mondiaux. Les technologies spatiales, le développement durable et la neutralité carbone figurent parmi les grands sujets sur lesquels se penchent actuellement les entrepreneurs et chercheurs japonais : le potentiel de leurs innovations en la matière est par nature mondial.

Une vision différente de l'innovation

Les entrepreneurs japonais s'attaquent à ces problématiques clés pour les décennies à venir avec un regard différent de leurs homologues occidentaux. L'une des caractéristiques de cette approche particulière est la "Genba Culture" : l'innovation doit certes être créative et disruptive, mais aussi et surtout répondre de façon pragmatique à des besoins concrets. Par ailleurs, le mode de raisonnement japonais est fortement marqué par l'induction, un moteur puissant pour innover. Cela signifie notamment que les Japonais ont tendance à concentrer leur attention sur les innovations qui fonctionnent dans la vie réelle et à essayer de trouver de nouvelles idées au plus près du terrain.

L'autre mot clé de l'innovation japonaise est "Kodawari" : si les Américains et les Européens sont particulièrement doués pour identifier des idées disruptives, les Japonais le sont tout autant pour l'exécution, avec la capacité à approfondir et améliorer sans cesse les produits pour tendre vers la perfection... Certes, cela peut s'avérer antinomique avec la culture du test permanent, de l'échec rapide et du pivot, qui est propre aux startups occidentales, mais c'est aussi redoutablement efficace !

Cette spécificité va de pair avec la culture de l'artisanat et de la performance industrielle. Le tissu manufacturier japonais est encore très robuste, offrant aux startups du "hardware" des compétences et des capacités de production inégalées, facilitant leur déploiement à grande échelle. Autant d'atouts qui se révèlent d'ores et déjà précieux.

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