Le luxe peut-il être agile ?

On entend souvent que « le luxe ne connaît pas la crise » : compétences, méthodes, métiers, c’est pourtant un univers qui n’a de cesse de se remettre en question. L’industrie du luxe a connu de profondes transformations ces dix dernières années et continue de s’inscrire dans un contexte changeant et exigeant : comment peut-elle répondre à la pression au plan opérationnel ? Éclairage. Par Frédéric Sandei, Directeur associé d’OPEO et Antoine Toupin, chef de projet OPEO.

Le luxe peut-il être agile ? Avant de répondre à la question du comment, évacuons celle du pourquoi. Avec un public toujours plus jeune et mondialisé, la filière du luxe est amenée à développer des services exclusifs, réinventer son expérience client et composer entre tendances et évolutions culturelles profondes. Mais la vitesse de renouvellement et l'atomisation des attentes clients placent l'industrie du luxe dans une situation délicate. Elle doit raccourcir le time-to-market pour espérer s'inscrire au cœur de ces aspirations. En conséquence, la tentation est grande d'être de plus en plus en réaction au marché (ex : retour des salons) et par conséquent de retarder les prises de décision structurantes, de multiplier les « scénarios design » exploratoires pour palier d'éventuels retours négatifs. Combinées à une offre pléthorique et au raccourcissement des cycles de vie des produits, ces nouvelles règles du jeu imposent une approche agile, qui certes, détonne avec l'imaginaire du temps long, voire de l'éternité, véhiculé par cette industrie.

Par une démarche systémique d'excellence opérationnelle, il est possible de préserver la qualité et l'exigence qui forgent la réputation des grandes maisons, tout en répondant aux impératifs de réactivité et de globalisation. Cela signifie engager au-delà de la production, le développement, mais aussi le marketing et la création, dans l'amélioration de leurs processus et modes de pilotage associés, pour permettre aux organisations de répondre d'une seule voix aux nouveaux défis du secteur.

L'expérience l'a montré : le manque de temps pour assurer la maturité du produit et des process tout au long du développement perturbe la production. Il dégrade la productivité, retarde la livraison des premiers produits de séries en magasin, engendre un stress important, renforçant ainsi le silo entre les mondes de la production et du développement. Si rien n'est fait, un scénario catastrophe se profile sur le plan opérationnel : celui du « re- ». Multiplication des réorientations entraînant du retravail, des repriorisations dans les projets et des retards inévitables, qui vont mettre l'organisation en tension.

Ce qui est moins connu est qu'un phénomène similaire existe entre d'un côté le marketing et la création et de l'autre le développement. Le phénomène est moins tangible qu'en production.

Faire face aux exigences renouvelées du monde du luxe

Cependant du côté des équipes, quelques symptômes ne trompent pas : des réunions longues et espacées qui apportent plus de questions que de solutions, des décisions vieilles de trois mois reconsidérées, l'implication de la direction générale dans un nombre croissant d'arbitrages, l'émergence de scénarios exploratoires en bout de chaine, des éléments de style figés en bloc plutôt que successivement. Tout ceci engendre une véritable frustration : devoir développer de plus en plus vite alors que les hypothèses de travail sont de moins en moins solides.

Ces symptômes doivent interpeller les dirigeants et les alerter sur les capacités opérationnelles à faire face aux exigences renouvelées du monde du luxe. Une démarche peut les conduire à identifier les leviers de progrès pour retrouver leur agilité : nous l'appréhendons comme une méthode de structuration en amont du projet.

Spontanément, l'idée de structurer un process marketing et création peut paraître contre-intuitive. Et pourtant ! Il s'agit de rythmer pour libérer, de normer plutôt que de normaliser, de baliser pour accompagner chaque équipe à retrouver ses priorités et à travailler ensemble de manière structurée. Quelques leviers clés peuvent être puissants : autoriser un figeage différencié des différentes composantes du style, jalonner la construction du brief marketing/création fourni au développement, standardiser les jalons amont comme on jalonne un processus de développement. Cette approche permet aussi de mettre en place des boucles agiles : des rituels courts et factuels pour faire avancer toutes les fonctions en cohérence, recréer les conditions d'un échange constructif entre les équipes et rationaliser la remontée des problèmes à la Direction.

Mieux définir le processus en amont, c'est également donner de la visibilité à tous les métiers et une vision à long terme, mais aussi rééquilibrer l'équation charge - capacités à tous les étages. Le ressenti pour les équipes impliquées ? Une réduction du temps d'exécution qui permet de libérer les agendas pour mieux les mutualiser favorise le dialogue et l'expression des idées dans chaque fonction, au fil de la conception.

En définitive, penser l'excellence opérationnelle pour le triptyque marketing, création et développement, dote les industries du luxe de process structurés et agiles, en phase avec les nouvelles règles du jeu.

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