Leadership en temps de crise et intelligence collective

TRIBUNE. L’expérience du leadership dans l’adversité nous donne des clefs pour affronter cette crise majeure. Les crises passées ont mis en évidence trois dispositions à mobiliser pour des objectifs ultimes : la résilience au service de l’humain, l’agilité au profit du bien commun et la confiance partagée en collectif. Par Wilfrid Petrie, directeur général adjoint d’Engie chargé d'Engie Solutions.
WIlfrid Petrie, Directeur général d'Engie Solutions.
WIlfrid Petrie, Directeur général d'Engie Solutions. (Crédits : Reuters)

En tant que dirigeants, nous avons tous vécu des crises, de petite ou grande intensité, directement ou indirectement. Par l'adversité qu'elles créent et le climat d'incertitude qu'elles installent, toutes ces crises nous éprouvent. Elles testent nos capacités, défient notre expérience et bousculent nos certitudes. Mais il faut surtout retenir qu'elles nous renseignent et nous permettent de tirer des enseignements qui éclairent le présent, pour affronter la crise majeure que nous traversons.

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La résilience au service de l'humain

Le 11 septembre 2001, le World Trade Center s'effondre. L'économie mondiale tremble et les cours de Bourse dévissent. En une journée, l'Indice Dow Jones connaît une chute record de 7,1%. En un week-end, les marchés d'actions perdent 1.400 milliards de US dollars en valeur. Encore plus inquiétant, des groupes internationaux, réputés solides voire indestructibles, sont au bord de la faillite. La psychose naît.

A la tête d'entreprises, comment impulser un nouveau souffle lorsque nos propres repères vacillent et que le doute s'installe ? La réussite est dans la résilience. Parce que faire preuve de leadership dans des temps incertains, c'est être en capacité de faire d'une expérience traumatique collective, le terreau fertile d'un projet de reconstruction commun.

Cette capacité de résilience, Howard Lutnick, Président de Cantor Fitzgerald en a fait la démonstration. Banque d'investissement spécialisée dans le courtage, Cantor Fitzgerald perd 658 employés sur les 860 qu'elle emploie à New York dans la catastrophe du 11 septembre. L'entreprise qui disposait de 75 milliards de US dollars de positions non dénouées sur les marchés, risquait la faillite imminente. Dévasté, Howard Lutnick qui venait de perdre son frère et plusieurs de ses proches collaborateurs dans l'attentat, décide de sauver l'entreprise et déclare le faire en premier lieu pour soutenir les familles des victimes. Un gage d'empathie qui génère une motivation pour les survivants en majorité restés dans l'entreprise. En moins d'une semaine l'entreprise dénoue les positions prises avant la catastrophe et les survivants partent avec lui à Londres afin de poursuivre l'activité dans leur filiale britannique. Cinq ans plus tard, en 2006, l'entreprise retrouve le niveau de revenus d'avant les attentats et les familles des salariés victimes des attentats sont prises en charge à hauteur de 200 millions de dollars. Cette entreprise reconstruite sur les bases du deuil de centaines de collaborateurs possède aujourd'hui une culture d'une force émotionnelle rare.

Ce que cet exemple nous enseigne, c'est que les crises sont avant tout des drames humains. Pour en être à la hauteur, nous, dirigeants, devons faire de la résilience notre mot d'ordre et pour ce faire, impulser une reconstruction qui prend appui sur des gages d'empathie, d'humilité et d'écoute des hommes et des femmes qui sont le cœur même de l'entreprise.

L'agilité au profit du bien commun

Le 15 janvier 2018, Carillion, géant du BTP au Royaume-Uni fait faillite. Cet effondrement fait suite à une succession de scandales dans le secteur : fausses factures dans les prisons de détenus, erreurs de gestion dans la construction d'hôpitaux, puis le terrible incendie de la tour Grenfell, qui entraîne la mort de 72 résidents. Dans l'opinion publique, une large vague de contestation se structure : les revendications se font de plus en plus virulentes à l'encontre du secteur « privé », dont la contribution au bien public est largement contestée, voire absolument niée. Dans le même temps, les discussions avec le gouvernement, qui entrait dans une période d'élections, se tendent.

Comment répondre au climat d'hostilité et de méfiance que font naître les contextes de crise ? En démontrant sa capacité à placer son agilité au service de l'intérêt général. Si les crises participent inévitablement à exacerber les tensions vis-à-vis des entreprises, souvent taxées de faire prévaloir leurs intérêts économiques privés sur l'intérêt général, elles sont dans le même temps autant d'occasions pour les entreprises de faire valoir leur loyauté en donnant des gages de leur contribution à la vie de la Nation.

La crise que nous traversons aujourd'hui l'illustre parfaitement : réaménagement complet des chaînes de production pour répondre aux besoins sanitaires (médicaments, gels, masques, blouses, ...), distribution de dons à des organisations luttant contre le virus (recherche médicale, soutien aux personnes exposées et vulnérables, ...), annonce de suppression des dividendes et baisse des plus hautes rémunérations,... les entreprises font la démonstration d'une formidable agilité au service du bien commun, preuve qu'elles ont tiré les leçons des crises antérieures.

La confiance partagée en collectif

Ces deux dispositions que le passé nous a enseignées - la résilience au service de l'humain et l'agilité au profit du bien commun -, peuvent nous permettre d'affronter cette crise sans précédent. Il ne fait pas de doute que la réussite est dans le "Nous", celui de l'accompagnement et du soutien des individus, mais surtout, celui de la coopération. Plus forte que la notion de collaboration qui implique d'agir côte à côté, la coopération sous-tend une volonté de faire œuvre commune pour atteindre un objectif partagé.

La confiance sera essentielle pour traverser cette crise. Elle se développe en gardant de vue notre objectif pour le « Monde de demain » et en œuvrant ensemble.

Cette crise remet en question beaucoup des 'accessoires' du monde d'hier, il nous faut mobiliser et construire ensemble des fondamentaux pour demain, plus résilients et protecteurs de notre environnement, et aussi créateurs d'opportunités.

L'un de nos enjeux essentiels sera de recréer un dialogue social de confiance partagée en collectif.

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Commentaires 4
à écrit le 07/05/2020 à 15:21
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Rien de plus simple que le "leadership" actuel car on a besoin de bosser pour payer le crédit de la maison et de la bagnole. Dans ces conditions se prendre encore pour un leader est grotesque.

à écrit le 06/05/2020 à 12:23
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Très bon article, de nombreuses entreprises ont vécu des crises aussi graves ( à leurs échelles) que vivent les États actuellement, certes les responsabilités ne sont pas les mêmes, ni l'ampleur des paramètres et et des dossiers, mais la stratégie es...

à écrit le 06/05/2020 à 9:34
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Vous avez 1000 fois raison, Leadership... mais les Francais ne connaissent pas la signification de ce mot. Il n'y a pas de traduction de ce mot, ce concept en Francais. Les Francais vous repondront que ce n'est pas un mot francais, qu'ils ne veulent ...

à écrit le 06/05/2020 à 9:18
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Comme d'habitude dans ce genre de sujet, on veut nous imposer une vision préformatée avec des réformes a la clef au lieu de permettre a chacun de s'adapter a une situation donné et non programmé!

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