Les marchés publics, enjeu clé du Traité Transatlantique

Il faut que cesse l'angélisme européen, s'agissant des marchés publics. Le traité transatlantique pourrait enfin ouvrir l'accès des marchés américains aux entreprises européennes. Par Jean-Michel Arnaud, président du groupe Domaines Publics

Tandis que l'Europe continue à se débattre avec la crise des réfugiés, les négociations autour du Traité Transatlantique (TTIP ou TAFTA) se poursuivent, avec une issue espérée à la fin de l'année 2016. Pendant la dernière semaine de février, s'est tenu un douzième cycle de négociations entre l'Union Européenne et les Etats-Unis, où a été notamment discuté l'accès des entreprises européennes aux marchés publics américains. L'enjeu est crucial, même s'il n'est pas aussi médiatisé que l'harmonisation des réglementations sanitaires où la création d'un mécanisme de règlement des différends par l'arbitrage.

Marchés publics: 15% du PIB de l'OCDE

Les marchés publics représentent aujourd'hui une manne financière très importante pour les acteurs économiques, puisque leur poids est estimé à près de 15 % du PIB des pays de l'OCDE. Seulement, ceux-ci ne sont encore que très partiellement ouverts à la concurrence internationale. Plus de la moitié de la commande publique mondiale reste inaccessible à des entreprises étrangères, et des économies puissantes comme le Canada, le Japon et les Etats-Unis, sans parler de la Chine, sont toujours fortement protectionnistes. L'Union Européenne, elle, fait figure d'ovni, avec plus de 85 % de ses marchés ouverts à la concurrence.

De vastes secteurs de l'économie américaine restent fermés

Dans le cadre du Traité Transatlantique, le déséquilibre est sensible. Seulement 32 % des marchés publics américains sont accessibles aux entreprises européennes. Deux dispositions sont particulièrement discriminatoires : le Buy American Act et le Small Business Act. Le premier impose l'achat de biens produits sur le territoire américain dans le cadre des achats directs effectués par le gouvernement fédéral ; le deuxième réserve une part importante de la commande publique américaine aux PME nationales. Ce sont de vastes secteurs comme la construction, le transport ou l'énergie qui demeurent ainsi fermés.

Il s'agit d'un point sensible, puisque c'est notamment l'intransigeance américaine à ce sujet qui avait conduit la France en septembre dernier à menacer de rompre les négociations. L'enjeu est de taille. Une ouverture des marchés publics américains pourrait rapporter des dizaines de milliards d'euros aux entreprises européennes avec autant de créations d'emploi à la clé, une perspective appréciable pour un continent toujours plongé dans la morosité économique. La France, forte de ses géants comme EDF, Engie, Bouygues ou Alstom, serait bien placée pour remporter de futurs contrats.

Une Europe angélique

Mais plus largement, c'est l'esprit de la construction européenne qui s'illustre dans cette affaire. Comme le dit Paul Lignières, auteur de « Le temps des juristes. Contribution juridique à la croissance européenne », « L'Europe, très puissante dans l'histoire, est restée sur cette idée un peu angélique d'un continent qui va montrer l'exemple au reste du monde, et donc exiger davantage des Européens, des entreprises européennes que ce qu'elle exige du reste du monde. [...] Le seul fait d'intégrer les principes de réciprocité dans le droit européen permettrait de dire : l'Europe aime les Européens, elle est là avant tout pour les servir. L'Europe doit descendre du piédestal de son rêve. »

L'Union Européenne, accusée de s'être ouverte aux quatre vents sans se soucier des dispositions de ses partenaires économiques, doit cesser d'être l'idiot utile du village global. La compétition pour les marchés publics est saine en ce qu'elle permet d'accroître la qualité de l'achat public et de diminuer son coût. Mais lorsque le déséquilibre est si flagrant, cet esprit d'ouverture se retourne contre l'Europe et pénalise ses entreprises. Il est grand temps de mettre en place un véritable principe de réciprocité qui inciterait les autres Etats à jouer le jeu de la concurrence et interdirait l'accès aux marchés européens à ceux qui s'y refusent.

Protéger les Européens

Ce travail a d'ailleurs déjà commencé, avec l'actuelle discussion au Parlement Européen d'un règlement permettant aux pays de l'UE d'empêcher des entreprises non-européennes de répondre aux offres de marchés publics à hauteur de cinq millions d'euros ou plus, si leur pays d'origine ne permet pas lui-même cette possibilité aux entreprises européennes. Par le Traité Transatlantique et au-delà, cette politique doit être poursuivie. Il n'en va pas seulement d'un principe de justice, mais bien de l'orientation de la construction européenne : un continent pionnier certes, mais qui protège les Européens, les défends et les aime.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 13
à écrit le 10/03/2016 à 10:06
Signaler
La vérité est que le peuple américain ne veux pas plus du ATFTA que les européens. Il sont vu les dégats de l'ALENA. C'est pour cela que Sanders et Trump ont de telles intentions de vote. La vérité est que la bureaucratie bruexelloise et la burea...

à écrit le 09/03/2016 à 22:09
Signaler
Comme dans les sociétés tribales où la coutume des « mariages arrangés » permet à des parents de disposer du destin de leurs enfants sans les en informer, le gouvernement américain et la Commission européenne sont convenus de bâtir un grand bloc comm...

à écrit le 09/03/2016 à 21:04
Signaler
Je suis anti Maastricht, opposé à toute intégration politique ou socialo fiscale par contre j'ai toujours été favorable au marché commun et aux traités de libre échange en général. Ici je souhaite seulement que ce soit la France qui se prononce mais...

le 09/03/2016 à 22:22
Signaler
Pour les américains !

à écrit le 09/03/2016 à 19:50
Signaler
Pourquoi signer un traité ultra libéral avec les États Unis, alors que des règles européen copiants celles des États Unis suffiraient. Encore un qui veux nous désire croire au père Noel.

le 10/03/2016 à 10:36
Signaler
Comme d' hab, rien avec les us, un jeu gagnant/perdant..

à écrit le 09/03/2016 à 18:57
Signaler
Mouais je préfère quand même nettement le l'article du monde diplomatique bien plus prudent sur le sujet car prenant bien plus de recul que le votre qui ne voit qu'un "gros gâteaux appétissant" sans comprendre que la plupart des parts sont déjà réser...

à écrit le 09/03/2016 à 18:34
Signaler
De quelle réciprocité parle-t-on ? Puisque l'Europe a déjà ouvert ses marchés publics à 85%, contre seulement 32% pour les états unis. Il n'y a donc pas lieu de concéder un particularisme supplémentaire au marché américain. Notamment en matière agroa...

à écrit le 09/03/2016 à 18:13
Signaler
Tant que l'Europe ne prendra pas en charge sa propre défense, elle restera inféodée aux USA.

le 09/03/2016 à 22:14
Signaler
Oui et seul l' Upr l' explique.. "Le journaliste Thomas Snégaroff, spécialiste des États-Unis et de la politique américaine, vient de diffuser une chronique qui démasque le vrai rôle des États-Unis dans la prétendue « construction européenne »." ...

à écrit le 09/03/2016 à 18:03
Signaler
NO TAFTA. US GO HOME.

à écrit le 09/03/2016 à 17:35
Signaler
ils vont nous la mettre...

à écrit le 09/03/2016 à 16:58
Signaler
Quand les "ricain" seront moins protectionniste que les européens, nous pourrons peut être discuter!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.