Liberté, Égalité, Santé :  Quand Prévention rime avec Révolution

Alors que les études convergent pour alerter sur l'état de santé mentale des actifs en France, prévenir, protéger et se protéger pourrait être le nouveau paradigme d'une politique sociale du nouveau gouvernement d'Elisabeth Borne. Par Benjamin Saviard, Directeur Icas France, René Marchand, Directeur Icas International et directeur associé Icas France.
(Crédits : Gordon Johnson via Pixabay)

Alors que les études convergent pour alerter sur l'état de santé mentale des actifs en France, Prévenir, protéger et se protéger, pourrait être le nouveau paradigme d'une politique sociale du nouveau gouvernement

 Loin d'être anodine, la prise en compte par l'entreprise de la santé mentale des employés constitue un sujet légitime de gouvernance. A chaque fois qu'une situation difficile peut s'anticiper, une crise être évitée, des troubles traités, il faut se lancer. La prévention des risques psycho-sociaux (RPS) relève d'une nécessité entrepreneuriale autant que médicale, managériale, éthique et... morale. Une nécessité qu'il convient d'organiser efficacement, de façon choisie et non subie, en suscitant adhésion et implication de toutes les parties-prenantes.

Sortir du bureau

Or en France c'est là que réside le malentendu : les actions de prévention se focalisent trop exclusivement sur l'environnement professionnel du salarié. Vision simpliste, restrictive, et pour tout dire poussiéreuse, pour qui « les conditions de travail » se réduiraient à la responsabilité unilatérale et exclusive de l'employeur envers des « ressources », sur 100 mètres carrés entre le bureau (ou l'atelier) et la machine à café, de neuf heures à dix-huit heures !

La révolution en la matière consisterait à considérer le salarié comme un tout. Pour cela il faut sortir de cette dialectique trop nationale stress/troubles, axé sur la vie professionnelle comme unique source de risque à prendre en compte par l'employeur pour prendre en compte une prévention globale de la santé mentale qui ne saurait s'arrêter aux portes du monde professionnel. Des voies existent pour élargir la vision, en établissant des circuits de prise en charge pour les événements de la vie des employés hors de l'entreprise, sans intrusion, et dans le respect de la vie privée. Les études montrent cette urgence à réorienter l'action de prévention des risques sur la santé mentale : dans deux cas sur trois les causes de réduction de la performance au travail surgissent dans la vie privée de l'employé* !.

Santé mentale : l'individu indivisible

La santé physique est bien assistée par les réseaux médicaux, et généralement bien accompagnée au titre de la politique de prévention. Jusqu'à une période récente, les troubles de la santé mentale étaient assimilés à des pathologies honteuses, dans l'entreprise comme plus largement au sein de la société. Mais la réalité s'impose : les situations de détresse, voire les comportements à risques, observés chez les employés s'accroissent.

Aux sources d'angoisse « objectives » et collectives relevant de l'environnement général (Covid, guerre en Ukraine, inquiétudes profondes sur le pouvoir d'achat), s'ajoutent des phénomènes d'anxiété individuelle voire de crises mentales sur les incertitudes et menaces qui en résultent dans la vie privée. Or ces états d'esprit bouleversés et fragilisés ne s'accrochent pas à la porte de l'entreprise. Loin d'être cloisonnées, les dimensions vie professionnelle / vie privée de l'individu interagissent, parfois inconsciemment. Le traumatisme d'un divorce ou d'un deuil accompagne l'individu au travail, de même qu'un échec ou une situation de stress au travail influent généralement sur la qualité relationnelle générale de la personne, et sur sa disponibilité, y compris dans le cercle privé.

Liberté de prévention

Pour qu'un tel système de prévention fonctionne, il doit se baser sur le « volontariat ». Il doit être facilement accessible quelle que soit la technologie ; quel que soit l'endroit du monde, et à n'importe quel moment de la vie. La liberté se forme ainsi par une action déclenchée proactivement par les collaborateurs. Cela suppose naturellement qu'il y ait en face de sa demande ... du « répondant » si l'on ose dire, c'est-à-dire la possibilité d'accéder en temps réel à un échange ou à une rencontre avec un expert.

Égalité devant la santé : un homme (une femme) = une voix

Qui, devrait bénéficier d'un tel service de prévention globale prenant en charge le cas échéant tant la vie au travail que la vie privée ? La réponse est : tous les employés de l'entreprise quel que soit le niveau hiérarchique, la fonction. Car tous contribuent, influent sur la performance de l'organisation. De bas en haut de l'échelle chacun est concerné au premier chef par son propre équilibre.

Au bout du raisonnement, ce principe d'égalité devrait dépasser le cadre-même de l'entreprise : Or le collaborateur vit rarement isolé ou en vase clos : les entourages sont forcément impactés, voire parties prenantes de l'état de santé mentale des collaborateurs, comme le souligne le beau film de stéphane Brizé, un autre monde. Dès lors, la logique n'impose-t-elle pas d'envisager de faire bénéficier de ce type de services à toutes les personnes vivant au foyer ? Paradoxalement, la prévention des risques pour une préservation des performances passe aussi par la prise en compte de critères n'ayant rien à voir avec les critères classiques ou KPI de mesure desdites performances.

Révolution positive

Les retours d'expérience des organisations en France lancées dans cette démarche de prévention globale des RPS se révèlent très encourageants. Les taux d'adhésion, d'adoption et surtout d'utilisation de ce type de service au sein des entreprises s'avèrent bien plus importants que les chiffres relatifs aux services focalisés sur le seul cadre professionnel.

En France, la moyenne annuelle de cas pris en charge, toutes tailles et tous secteurs d'activité confondus, est de 3% de l'effectif total d'employés. Il grimpe entre 6 et 8% chez nos voisins allemands et suisses. Exemple concret des effets bénéfiques de ce type d'action volontariste et proactive de prévention « globale » des RPS : dans tous les cas sont observées des baisses notables de l'absentéisme.

De ces éléments positifs découlent des conséquences en termes de productivité, de performance, de turn over, mais aussi de culture de l'organisation. De l'aveu même des décideurs, le retour sur investissement se révèle systématiquement positif. Oui, il y a bien du nouveau, côté prévention des risques en matière de santé mentale : on peut même parler de révolution en marche.

*Selon ICAS France (chiffres 2020),

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Commentaires 2
à écrit le 21/05/2022 à 20:29
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Augmentez leur les salaires et baissez leur le temps de travail et ils iront bien mieux les français.

à écrit le 20/05/2022 à 11:11
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Les facteurs de comorbidités n'en sont que la suite et l'aggravation, les études sur les rats et la surpopulation des villes nous en donnent des exemples! Il est temps que nous redevenions des rats des champs! ;-)

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