Que reste-t-il du grand rêve européen en 2015 ?

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, que reste-t-il du grand rêve européen en 2015 ?
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Que reste-t-il du projet européen en 2015 ? Il ne s'agit pas ici de se laisser émouvoir par les divers exits qui menacent aujourd'hui l'intégrité de l'UE. Mais plutôt de s'interroger sur la capacité des européens à faire émerger un projet commun, même à travers une stratégie des petits pas qui est la stratégie qui prévaut depuis le non français de 2005 au référendum sur le traité constitutionnel. Car ce n'est pas en soi la menace brandie par David Cameron, de sortir de l'UE qui constitue le cœur du problème.

 Certains y verraient même la solution. Délestée de son principal empêcheur d'intégrer en rond, l'Europe continentale pourrait donner un nouvel élan à son projet... Encore faudrait-il qu'une vision commune existe en Europe continentale.

C'est bien là que le bât blesse

La crise n'a fait que renforcer la divergence des intérêts. A tel point que l'idée même d'une Europe à 2 vitesses, relancée autour du binôme franco-allemand fait figure de chimère.

La récente contribution commune de Paris et Berlin sur l'Union économique et monétaire, récemment communiquée à la Commission, ne doit pas faire illusion. Présentée comme un contrefeu aux britanniques, elle a toutes les allures de ces coquilles formelles dont la bureaucratie européenne se repait mais qui masque mal la vacuité du projet. Sur le papier tout est là :

  • 1/ La volonté affichée de relancer des politiques communes, en faveur de la croissance, de la compétitivité de l'emploi et des finances publiques. Semblant ouvrir un chapitre de l'après-crise, tournant le dos à la rigueur.
  • 2/ Un renforcement de la convergence économique, fiscale et sociale, avec un approfondissement du marché intérieur (bancaire, capitaux, industrie, services, numérique, énergie...), mais aussi par une harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, une lutte contre l'évasion fiscale et le développement d'une base sociale commune (salaire minimum, réformes communes du marché du travail...).
  • 3/ Une extension du plan junker en faveur de l'investissement pour les pays de la zone euro.
  • 4/ Une ébauche de gouvernement économique à travers le renforcement des prérogatives de l'Eurogroupe et de son président ou à travers la mise en place de "structures dédiées à la zone euro au sein du Parlement européen" pour en renforcer la légitimité démocatrique.

Le petit jeu britannique

L'assemblage des mots nous dit que l'Europe est prête à repartir de l'avant, autour d'un noyau dur, avec un objectif de croissance et de convergence et plus de démocratie... voilà pour l'affichage.

A cela près que le jeu des britanniques est de révéler l'antagonisme des opinions et de semer la zizanie au sein même du noyau dur. Ce que veulent les britanniques : une libéralisation plus poussée dans les services, une réduction de la taille des budgets européens et nationaux, la primauté du droit national sur le droit européen, une limitation de la liberté de circulation et de l'accès aux droits sociaux des ressortissants européens, trouve un écho favorable côté allemand. La tentation sera grande pour Berlin d'instrumenter le  chantage britannique et de faire passer pour des concessions ce qui correspond à leur souhait profond.

Quant à la volonté franco-allemande d'aplanir les écarts de fiscalité, elle pourrait bien buter sur le peu d'intérêt des pays du sud ou de l'est à abandonner l'arme du dumping fiscal pour remonter la pente sur le plan industriel. Et surtout, lorsque l'Allemagne veut renforcer l'Euro-groupe, est-ce une instance d'impulsion en faveur de la croissance et de l'emploi comme l'entendent les français ou l'instance de pression sur les mauvais élèves et d'intrusion dans les choix nationaux qu'elle est devenue depuis la crise grecque qu'elle a en tête ? La vitrine des mots risque alors de rapidement exploser face à la divergence des intérêts et des idéologies qui n'a jamais été aussi forte en Europe.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 17
à écrit le 10/06/2015 à 21:25
Signaler
Franchement, il ne me semble pas que le rêve Européen était celui des Français au référendum de 2005. On peut seulement dire que cela s'est fait dans le dos du peuple.

à écrit le 10/06/2015 à 16:44
Signaler
Cette Europe la est voué à la disparition car entre les mains des banquiers et financiers et hauts fonctionnaires qui se goinfrent sur le dos des contribuables européens.

à écrit le 10/06/2015 à 16:27
Signaler
Analyse toujours aussi pertinente. Il manque peut etre la conclusion. Le reve europeen est devenu un cauchemard et gare a celui qui se reveillera le dernier!

à écrit le 10/06/2015 à 15:57
Signaler
Pour répondre à la question au vu des commentaires : RIEN

à écrit le 10/06/2015 à 15:21
Signaler
Comment voulez vous que l'Europe fonctionne avec des politiques qui dirigent (peut on le dire) au 21° siècle avec l'esprit du 19°siècle ? Le problème de nos politiques est, que ce sont des être falots; constatez la pauvreté du débat politique.

le 15/06/2015 à 7:25
Signaler
Effectivement, nous raisonnons comme du temps de Marx, travail et capital. Maintenant, il y a l'énergie: travail, capital, énergie. Les économistes oublient l'énergie.

à écrit le 10/06/2015 à 15:17
Signaler
Harmonisation fiscale avec l'Allemagne? Cela fait doucement rigoler: il faudrait que la France baisse drastiquement ses impôts ! Car l'Allemagne n'acceptera évidemment pas de les monter à notre niveau suicidaire ! Et vous imaginez ce gouvernement non...

à écrit le 10/06/2015 à 14:33
Signaler
M. PASSET, vous signez là un article d'une véracité confondante. La vitrine de paroles ne servira sans doute qu'à nous faire accepter un traité transatlantique d'ici le mois de septembre. Là sera le point de convergence économique. Quant à la partici...

à écrit le 10/06/2015 à 14:31
Signaler
Cela fait 15 ans que l'"Europe" promets la croissance. Les resultats sont la pour etre vu: un labyrinte de lobbys a Bruxelles, des comptes toujours non audités pour la commission, des fonds marins dévastés, des satellites qui ne tournent pas rond, un...

à écrit le 10/06/2015 à 14:09
Signaler
Depuis 2005 le projet européen est mort. Les néolibéraux l'ont tué, son cadavre se décompose lentement mais sûrement.

à écrit le 10/06/2015 à 12:10
Signaler
L'idée d'une très grande tromperie. A la fois dès le début (préambule imposé à De Gaulle) puis plus récemment par le déni de 2005. Au quotidien, depuis plus de trente ans et avant chaque vote, et quel que soit le parti au pouvoir, la ritournelle "on ...

le 10/06/2015 à 13:55
Signaler
@ DUCAT: + 100. La déception et l'amertume sont profondes.

le 10/06/2015 à 21:27
Signaler
En parfait accord avec vous deux. + 1000

à écrit le 10/06/2015 à 11:49
Signaler
On a surtout fais rêver les consommateurs qui n'ont plus les moyens ou l'envie de consommer!

à écrit le 10/06/2015 à 11:48
Signaler
L'esprit de l'Europe des 6 du départ est mort depuis longtemps. Comme le disait à l'époque le Grand Charles en faisant rentrer la GB dans l'union c'était le début de la fin! Maintenant l'Europ n'est plus qu'un magma sans âme qui ne repose que sur 1 v...

à écrit le 10/06/2015 à 11:20
Signaler
Il reste une grande, très grande, amertume.

à écrit le 10/06/2015 à 11:15
Signaler
Ne faudrait-il pas plus de franchise pour qualifier ce qui ne peut pas rester du rêve aussi longtemps ? Pourquoi ne pas admettre les différentes nations avec leurs antagonismes et rechercher des alliances plutôt que d'imposer une fusion improbable ? ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.