Quelle place pour les groupes multinationaux dans notre politique industrielle ?

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui : les groupes multinationaux et notre politique industrielle
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Même si son investissement direct à l'étranger est en panne depuis 2 ans, la France reste et demeure une puissance multinationale. Quelques données pour en prendre la mesure : Après les pays anglo-saxons, la France est le pays qui compte le plus de firmes multinationales dans le top-100 mondial par taille d'actif : 11 contre 23 pour les États-Unis, 16 pour le Royaume-Uni, devant l'Allemagne et le Japon, la Suisse, l'Espagne et l'Italie.
Autre indicateur pour prendre la mesure de notre internationalisation productive : le stock d'investissement que détient la France sur l'étranger : 1637 milliards de dollars en 2013, juste derrière l'Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis.  Les chiffres sont encore plus parlants lorsqu'on les rapporte au PIB pour corriger de l'effet de taille des économies. On constate alors que lorsque l'on élimine les petits paradis fiscaux, et les petites économies, la France est bien en proue en matière d'internationalisation de ses entreprises. Il faut la comparer alors à des économies de taille équivalente. Elle se place ainsi derrière le Royaume-Uni mais devant l'Allemagne.

 L'emploi dans des filiales étrangères: 68% de l'emploi national

Regardons maintenant par grands secteurs. Et là les données sont à nouveau édifiantes. L'emploi extra-muros dans l'énergie, le retraitement des eaux et les grands réseaux de distribution d'énergie est supérieur à l'emploi sur notre territoire. L'emploi industriel dans les filiales étrangères représente 68% de l'emploi national . Le ratio est de 58% dans le secteur de l'information et de la communication et il excède 40% dans l'hôtellerie et la restauration ou encore dans la  finance. On sait toutes les inquiétudes que cela suscite en termes d'intrusion étrangère dans le contrôle, de prédominance des logiques actionnariales,  d'instabilité des contours que génère le jeu des FUSAC, de fragilisation des territoires, de l'emploi ou d'évaporation de notre assiette fiscale.

Des flux de revenus entrants

On sait a contrario que ces groupes procurent  des flux de revenus entrants qui font plus que compenser notre déficit sur les biens et services,  qu'ils confèrent une puissance financière,  un pouvoir de marché à la France,  un pouvoir d'acquisition de brevet,  une capacité d'implantation dans les régions à fort potentiel de développement et à forte dynamique démographique qui nous branche sur une conjoncture monde moins anémiée que celle de l'Europe. Bref on peut sans fin balancer le pour et le contre. Mais force est de constater que cernés par trois grands pays en stagnation ou déclin démographique, l'Espagne, l'Italie et surtout l'Allemagne, les grands groupes ont de fortes raisons de penser leur stratégie hors de nos murs et de prendre le large.

 Les trois piliers de notre écosystème productif

Cette réalité forte doit nous conduire à penser notre écosystème productif à l'intérieur et au-delà des frontières en l'articulant autour de trois piliers. Le premier pilier, c'est celui de nos grands groupes qui constituent une véritable superstructure financière, et peuvent se transformer en atout et renforcer notre territoire à condition que deux autres piliers coexistent.  Celui de l'entrepreneuriat, autrement dit un gisement de start-up à haut potentiel, dont beaucoup se développeront ultérieurement dans le giron des groupes. Car ces derniers se régénèrent par ce type d'acquisition.

Troisième pilier enfin, celui des pôles de compétences, enracinés sur le territoire, qui incitent les grands groupes à maintenir leur ancrage national en y développant leurs fonctions stratégiques. C'est à partir de ce triptyque qu'il faut penser notre écosystème productif, en renforçant les complémentarités entre les trois dimensions clés qui le composent. Avec pour les groupes une fiscalité à repenser. Pour les start-up, un système de cofinancement public privé indispensable. Et pour nos pôles, une mise en réseau des acteurs de l'innovation. Et si l'on y regarde de près. C'est bien ce qui s'esquisse au fil des années et qui donne corps en France à ce qui ressemble de plus en plus à une politique industrielle.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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