Relance économique et financement des petites entreprises  : la méthode marocaine

OPINION. La nouvelle approche pour stimuler la petite et moyenne entreprise au royaume chérifien sous la forme d'un dispositif incluant tous les acteurs est riche de perspectives économiques pour le pays. Par Najib Benamour, Économiste, Secrétaire général exécutif de l'Institut Marocain d'Intelligence Stratégique (* ).
Najib Benamour.
Najib Benamour. (Crédits : DR)

Pour les observateurs, le discours de Mohammed VI le 11 octobre 2019 lors de l'ouverture de la session parlementaire a clairement donné le signal d'un changement d'approche dans la stimulation de la petite et moyenne entreprise en ciblant particulièrement les jeunes et les entrepreneurs. Quatre mois plus tard, un dispositif intégré incluant les principaux protagonistes privés et public voit le jour, ouvrant la porte à une séquence économique inédite et attendue par la communauté nationale. Comment en maximiser la portée ? Quelques éléments de réponse.

Au Maroc, force est de constater qu'une dynamique est en marche depuis ce discours dans lequel le Monarque avait interpellé la Nation dans toutes ses composantes : classe politique, élus, gouvernement, autorité monétaire, système bancaire, secteur privé sur la nécessité de conjuguer leurs efforts pour jeter les bases d'une nouvelle approche de développement économique et sociale à travers une série de supports et d'initiatives déclinés explicitement. L'objectif ? Introduire plus de fluidité dans les circuits de financement et mieux accompagner les jeunes dans leurs parcours d'entrepreneurs. Pour cela, un certain nombre de préalables étaient indispensables.

Ainsi un nouveau Gouvernement plus resserré et plus homogène a vu le jour dans la foulée, une loi de finances pour 2020 - éminemment sociale et répondant aux attentes du secteur privé - a été votée. Très attendue, la loi-cadre sur l'enseignement a été également adoptée. Au niveau stratégique, le Président et les membres de la Commission Spéciale en charge de l'élaboration du nouveau modèle de développement (CSMD) ont été installés et la plateforme a entamé ses travaux, disposant de 6 mois pour rendre sa copie. Enfin, le dernier volet en date a été mis en place la semaine dernière, et porte sur l'accès au financement des très petites et moyennes entreprises (TPME), l'accompagnement des entrepreneurs et l'aide aux jeunes diplômés, avec la mise en place de mesures pragmatiques et concrètes.

Un « Pack » intégré pour un stimulus économique

Selon notre analyse, ce dispositif, issu d'un travail commun entre les autorités financières et monétaire et le Groupement Professionnel des Banques Marocaines (GPBM), devrait lever certains obstacles à l'investissement et donner un nouvel élan aux TPME - qui constituent 90% de l'ensemble du tissu productif national - pour peu que soient mises en place des mesures d'accompagnement complémentaires à mêmes d'assurer le maximum de chances pour la réussite de ce programme.

Dans ce cadre, ce programme comporte plusieurs mesures destinées à contenir et à dépasser les difficultés qui entravent l'accès au financement des jeunes porteurs de projets et des TPME par la création d'un compte d'affectation spécial doté d'une enveloppe de 6 milliards de DH (Près de 550 millions d'euros) répartie sur une durée de 3 ans, financée à part égale par l'État et le secteur bancaire.

Ce fonds bénéficiera également aux entreprises actives dans le domaine de l'export notamment vers l'Afrique et favorisera une intégration économique et professionnelle des travailleurs du secteur informel. C'est donc un cadre incitatif, innovant et intégré, basé sur des dispositifs de garantie, de financement, de capital investissement et d'assistance technique aux TPME, aux entreprises innovantes et aux autoentrepreneurs, qui vient d'être mis en place.

Simplification des procédures et monde rural au cœur de la plateforme

Un effort important est également prévu en termes de simplification des procédures, de facilitation des conditions de garanties en éliminant les garanties personnelles et en rehaussant à 80% la garantie de la Caisse Centrale de Garantie dont l'exécution est désormais déléguée aux Banques. En parallèle, un effort similaire est consenti en matière de réduction des coûts des crédits, de l'adoption par BAM d'un mécanisme de refinancement illimité de tous les crédits bancaires d'investissement et de fonctionnement accordés aux catégories cibles y compris dans l'agriculture et le monde rural.

Dans le même ordre d'idée, le dispositif est allé plus loin en préconisant la réduction des exigences en fonds propres et l'application d'un taux d'intérêt préférentiel de 1,25 % dans le cadre d'un mécanisme de refinancement des banques des catégories cibles, soit 100 points de moins que le taux directeur actuel de la banque centrale.

Ce niveau de taux concernera également le monde rural et l'agriculture, le but étant d'y créer une classe moyenne à l'instar du monde urbain et périurbain.

De ce fait les banques sont tenues de plafonner les taux d'intérêt à 2% pour les catégories cibles en milieu urbain et à seulement 1,75% pour le monde rural.

En outre, 2 milliards de DH supplémentaires du Fonds Hassan II ont été octroyés au fonds d'appui pour financer le taux réduit pour les projets dans le monde rural.

Comment maximiser l'impact du dispositif ?

De manière générale, le dispositif mis en place est intégré et complet. Toutefois, il est nécessaire que les populations qui en seront bénéficiaires soient segmentées pour que les incitations aillent vers les secteurs les plus créateurs d'emplois ou les secteurs qui impliquent le plus d'inclusion financière afin d'encourager les jeunes à devenir entrepreneurs et développer leurs entreprises.

A mon sens, la question cruciale du développement du capital risque à travers un cadre adapté a été insuffisamment adressée et gagnerait à être étoffée. De même, le dispositif ne prévoit pas non plus de mécanismes d'exclusion spécifique - en dehors de la promotion immobilière - des grands groupes qui viendraient se positionner dans les petits et moyens projets pour bénéficier d'un effet d'aubaine. Enfin, si les mesures déclinées s'avèrent sans aucun doute primordiales et certainement bénéfiques pour stimuler le tissu économique par le bas, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour faire la pédagogie de l'entreprenariat au Maroc et inculquer la prise de risque aux jeunes. C'est donc également une révolution des mentalités - en pénalisant moins les échecs - qui doit être à l'œuvre pour que ces mesures puissent donner leurs pleins effets.

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(*) Site de l'Institut Marocain d'Intelligence Stratégique.

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Commentaires 3
à écrit le 08/02/2020 à 12:56
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Salut Je suis un algérien je veut investir fans un petit projet au maroc .idée svp merci

à écrit le 04/02/2020 à 12:59
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"des grands groupes qui viendraient se positionner dans les petits et moyens projets pour bénéficier d'un effet d'aubaine", comme les 80 milliards de francs en 1979 avec Giscard dont seulement 10% ont servi aux PME/PMI.

à écrit le 03/02/2020 à 16:48
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Miser sur les petits et moyens sera toujours une solution créatrice de richesse et épanouissante non seulement économiquement mais également socialement et donc économiquement et en plus mettre en perspective le milieu rural relève du miracle, bravo ...

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