Remaniement : et pourquoi pas un Secrétaire d'État en charge de la cybersécurité

OPINION. Tout l'écosystème l'attendait, et depuis le remaniement ministériel Borne I, le numérique a enfin son ministère. En effet, Bruno Le Maire voit son portefeuille élargi et devient ainsi le Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Par Éric Houdet, vice-président Sales et Marketing chez Quarkslab
(Crédits : Kacper Pempel)

Avec l'extension des missions du ministre, il y a une volonté politique de faire de ce sujet une priorité, surtout dans un contexte de cyberguerre. Aujourd'hui, le remaniement Borne 2, va plus loin et annonce la création du poste de Ministre délégué à la Transition numérique et aux Télécommunications, attribué à Jean-Noël Barrot. Peut-on espérer que le poste de Secrétaire d'État à la Cybersécurité verra le jour lors du prochain gouvernement ?

Le numérique est partout, indispensable dans le quotidien de chacun (par exemple pour faire sa déclaration d'impôts en ce moment) ; d'ailleurs presque tous les Français ont une adresse email, qu'elle soit professionnelle ou personnelle, cet outil est devenu indispensable. De cet usage, quasi généralisé du numérique, naissent des cybermenaces, de plus en plus nombreuses et sophistiquées. Même si la France est une puissance mondiale reconnue, elle a perdu de sa souveraineté en ce qui concerne le numérique. Dans un contexte où les produits et les services, dans ce domaine, sont majoritairement américains.

Pour retrouver sa souveraineté numérique, il est donc clé pour la France de valoriser tout l'écosystème mais aussi, et surtout, ses éditeurs de solutions logicielles. Et, à plus court terme, elle doit protéger l'émergence de solutions souveraines ou de confiance, ceci est une priorité. En effet, les données qu'elles traitent (la data) sont maintenant la véritable valeur des entreprises et des citoyens.

 Aller encore plus loin

La création du Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et le nouveau poste de Jean-Noël Barrot sont un 1er pas, mais il faut aller encore plus loin. Le rôle de Secrétaire d'État à la cybersécurité est devenu une nécessité et semble être le prochain rôle à créer au sein du Gouvernement. En effet, en France, il existe un devoir régalien pour l'État d'assurer la sécurité extérieure et intérieure du pays et notamment celle de ses citoyens. Veiller à la sécurité numérique des entreprises et des Français fait partie de ce devoir, et est un sujet stratégique, qui doit avoir un représentant. Mais les dirigeants politiques semblent ne pas en avoir encore complètement conscience.

Ces dernières années ont connu un engouement pour le numérique et la « Start-up Nation », il est aujourd'hui grand temps de s'occuper de la sécurité de cet écosystème. En février 2021, le Président annonçait une stratégie Nationale de Cybersécurité financée à hauteur d'un milliard d'euros avec une priorité : équiper les hôpitaux, les collectivités locales... avec des solutions de cybersécurité permettant de lutter contre les cyberattaques qui menacent leur fonctionnement. Un an plus tard, début 2022, la France prenait la tête de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE) dont l'enjeu était de faire progresser les projets européens, mais aussi de parler des priorités numériques à engager en Europe étant donné le contexte actuel.

Le sujet cyber est devenu, certes, stratégique mais surtout diplomatique et géostratégique. En effet, il faut être en capacité d'éviter l'ingérence de cybercriminels dans les temps forts de la démocratie. On se souvient de l'affaire du leak des emails d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle de 2017 ; ce type d'attaque prouve que la sécurité numérique peut avoir un impact sur notre vie de citoyen, car dans ce cas précis, le résultat du scrutin aurait pu être différent. Plus récemment, il a fallu savoir anticiper ou contrer des actes de guerre car les affrontements en Ukraine ne sont malheureusement pas que terrestres. Le monde entier est le témoin d'une guerre dans l'espace numérique dont il est impossible de connaître les contours et limites et dont les conséquences peuvent avoir un impact mondial car parfois même certaines armes (numériques) changent de camps. Il est tout à fait légitime de se poser cette question : Quelle tournure va prendre le conflit si, pour des besoins opérationnels offensifs, l'État Russe vient à livrer aux organisations criminelles des armes numériques (notamment des failles de type 0-Day) pour les appuyer. Celles-ci pourraient s'en servir à d'autres fins, et potentiellement nous toucher par rebond.

Sans parler des campagnes de fake news qui doivent être régulées car elles sont elles-mêmes des armes de manipulation des consciences. Elles sont parfois utilisées à des fins de propagande et se développent de manière exponentielle. Même si c'est certainement à des fins de négociation, Elon Musk est en droit de se demander combien de pourcentage de faux comptes ou « bot » sont représentés sur Twitter. D'ailleurs, selon le site d'analyse d'audience Spark Toro, il y aurait 19,42 % de faux comptes sur Twitter. Soit quatre fois plus que l'estimation faite par le réseau social. Cette statistique est énorme et peut même faire peur quand nous savons que de très nombreux jeunes internautes suivent les actualités sur les médias sociaux.

La création du poste de Secrétaire d'État à la Cybersécurité va aussi favoriser l'écosystème et créer un véritable cercle vertueux voire une consolidation du secteur. Cette nouvelle fonction peut encourager les commandes et signatures de contrats avec des éditeurs français, inciter à une consommation locale du numérique et ainsi booster l'économie. Une PME ou un hôpital qui choisit une solution cyber française profite à tous car la société éditrice de cette solution va payer ses impôts en France, va payer les salaires de ses collaborateurs, qui eux-mêmes vont consommer majoritairement local ... Cependant, le marché des solutions françaises n'est que résiduel. Nous sommes trop prudents et perfectionnistes et vraiment trop frileux dans les notions de marketing et ou de packaging comparé aux Américains. Nous n'avons clairement pas à rougir devant les produits étrangers mais juste à oser. Aussi, il est temps de mettre fin à l'exode de nos ingénieurs et commerciaux. Si l'enseignement est de très bon niveau nous allons cruellement manquer de main d'œuvre dans les années à venir. Il est l'heure d'attirer et de fidéliser.

L'élargissement de la fonction de Bruno Lemaire va dans le bon sens. C'est très positif d'autant que la souveraineté numérique va de pair avec celle industrielle. L'un des objectifs est de redévelopper le tissu industriel français, qui est un levier formidable de croissance. Encore faut-il le faire de façon pérenne.

En effet, dernièrement la France s'est vue complètement dépendante de la Russie en ce qui concerne les matières premières énergétiques (gaz et pétrole). Le schéma n'est pas à reproduire sur d'autres secteurs et des leçons sont à tirer.

La France et l'Europe doivent être plus que jamais autonomes et rester à tout prix souveraines.

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