Surveiller sa e-réputation, un sujet majeur pour le dirigeant, la société et ses actionnaires

L'ère du casier judiciaire vierge comme seul sésame exigé du dirigeant est dépassée. La forte augmentation de l'information disponible sur les sociétés et leurs dirigeants crée un risque d'atteinte à la réputation de ces derniers, dont il faut se soucier. (*) Par Ludovic Malgrain et Alexis Hojabr, avocats associés, et Grégoire Durand, collaborateur chez White & Case LLP, et partenaires du Club des juristes.
(Crédits : Dado Ruvic)

Les articles de presse et autres contenus, créés par le dirigeant (messages sur les réseaux sociaux, etc.) ou le mettant en cause, constituent une source de risques. En particulier, certains contenus négatifs accessibles facilement via les moteurs de recherche (affaires judiciaires passées, échecs industriels ou commerciaux, prises de position militantes...) peuvent susciter des interrogations. D'autres éléments peuvent résulter d'une volonté de nuire, par exemple d'un ancien salarié en litige avec l'entreprise, d'un concurrent déloyal, d'un prétendu « lanceur d'alerte », ou même d'un media à la recherche de sensationnel.
À l'exception de situations justifiant une réponse immédiate comme l'exercice d'un droit de réponse, une procédure du chef de dénonciation calomnieuse ou une action en diffamation, la priorité en cas d'accusation porte sur la défense au fond : les personnes mises en cause réservent leurs explications aux autorités judiciaires davantage qu'à la presse. Des obstacles de droit, comme le secret de l'enquête ou de l'instruction ou des engagements de confidentialité, empêchent en outre souvent toute prise de parole et conduisent à laisser s'accumuler des éléments à charge.
La plupart des événements importants de la vie des affaires impliquent d'auditer la réputation du dirigeant : recrutement, accès aux financements bancaires ou privés, partenariats commerciaux, accès aux marchés de capitaux, diligences d'acquéreurs potentiels de la société cherchant à évaluer l'éthique de l'instance dirigeante...   
Dans le cadre des opérations de fusions-acquisitions et de croissance externe, les investisseurs ne peuvent plus limiter leurs diligences aux seules fins de respecter les réglementations prévues en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, de lutte contre la corruption ou d'opérations sur les marchés financiers.
Au-delà des exigences de RSE, un audit devra être effectué pour surveiller les informations disponibles.
Il est donc dans l'intérêt d'une société et de ses actionnaires - et non uniquement du dirigeant concerné - de se préparer en recensant les contenus disponibles, pour le cas échéant s'en défendre et les expliquer aux différents interlocuteurs financiers ou commerciaux alertés.

Après cette démarche, il est utile de documenter dans la mesure du possible la mise hors de cause en obtenant les décisions rendues, ou en se procurant les preuves pour démentir les allégations (justificatifs, attestations...) avant d'engager des actions correctives.

Cette préparation achevée, le fait de solliciter directement auprès des publications le retrait ou la correction de ces contenus, en exposant des faits nouveaux survenus après la publication, est une première étape nécessaire mais celle-ci peut se révéler insuffisante.

Les personnes physiques peuvent aussi solliciter auprès des moteurs de recherche le déréférencement de contenus sur le fondement du « droit à l'oubli » issu de la jurisprudence dite Google Spain  de la Cour de Justice de l'Union Européenne.
En cas de refus du moteur de recherche, il est possible de saisir la CNIL, dont la décision est elle-même susceptible d'un recours devant le Conseil d'État.
Les juridictions européennes et françaises ont d'ailleurs précisé les critères justifiant déréférencement, dont notamment l'obsolescence ou caractère sensible des données, l'impact négatif sur la vie privée, l'absence de vérification du contenu...  Tout l'enjeu pour le conseil de l'entreprise ou du dirigeant est donc de démontrer que les arguments en faveur du retrait des liens litigieux prévalent.

Il est rarement possible d'obtenir le retrait de tous les contenus susceptibles d'alerter, mais le fait pour la société, ses dirigeants et l'actionnaire de prêter périodiquement attention la réputation en ligne, et d'être en mesure d'expliquer les éventuels éléments négatifs devient un réflexe essentiel dans le cours normal des affaires d'une entreprise, ou encore dans le cadre d'un investissement. À l'heure de la RSE reine, ce reflexe permet d'anticiper sereinement les vérifications relatives à la réputation qui sont amenées à prendre une place importante dans une vie des affaires en pleine dynamique de « moralisation ».




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Commentaires 2
à écrit le 11/05/2021 à 13:25
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La science permet de résoudre certains crimes mais la justice est a la traine . Tout le monde fait des erreurs de jeunesse , mais quelqu’un qui fait un crime grave , n’est ni fréquentable, ni inspire confiance . Si l’orgre des Ardennes avait été co...

à écrit le 11/05/2021 à 11:06
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En effet mais si pendant longtemps les personnages de notoriété publique ont été protégés par des médias de masse compromis il est logique je trouve qu'ils assument les conséquences de ces expositions du fait que c'est grace à elles, à cette image pu...

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