Transition numérique et énergétique : du green pas si vert

Les green techs de la filière énergétique ont été, cette année à nouveau, à l’honneur notamment lors du dernier salon Vivatech. Les démonstrateurs y ont affirmé leur volonté de développer l’innovation au service de la transition énergétique avec l’électricité comme vecteur prédominant permettant de décarboner notre économie. Mais les contours de cette transition énergétique ne sont pas aussi lisses et droits qu’on le laisse entendre, et de nombreuses contradictions restent à dépasser pour mener un mode de vie énergétiquement soutenable et pérenne. Par Justine Lux, Consultante mc2i Groupe
(Crédits : Christian Charisius)

L'humanité a toujours su trouver des sources énergétiques pour développer des innovations afin de stimuler la croissance économique, telles que le charbon pour la machine à vapeur et le pétrole au siècle dernier pour alimenter le moteur thermique. Depuis le début de XXIe siècle, avec les préoccupations environnementales croissantes, des innovations basées sur des technologies plus vertes et efficientes ont été mises au point. Les green techs sont à l'honneur de cette 3e révolution industrielle enclenchée, mais sur quelles ressources s'appuient-elles ? Beaucoup pensent que les énergies renouvelables constituent la réponse fondamentale et celles-ci représentent d'ailleurs déjà 19% du mix énergétique mondial. Néanmoins pour produire de l'énergie renouvelable avec des panneaux photovoltaïques, pour rouler plus vert avec des voitures électriques, il faut creuser dans le sol profond pour extraire et exploiter les métaux rares nécessaires à la production de ces technologies.

Le coût réel des technologies vertes

Guillaume Pitron dans son livre « La guerre des métaux rares » dresse un bilan alarmant sur le coût énergétique réel de la transition énergétique menée avec les green techs. Si on y ajoute les technologies numériques qui, couplées aux green techs, permettent de décupler leurs effets, celles-ci alourdissent davantage le bilan énergétique avec les milliers de systèmes connectés, de données envoyées et de data centers alimentés en permanence.

Les métaux rares constituent la véritable source énergétique permettant d'alimenter notre transition énergétique basée sur la convergence des technologies numériques et des technologies vertes. Ces métaux, tels que le cobalt, le germanium ou encore le gallium sont utilisés en très faible quantité avec d'autres métaux et substances chimiques dans la fabrication de plusieurs produits industriels et leurs priorités exceptionnelles sont essentielles au développement d'industries high-tech.

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L'extraction et le raffinage de ces métaux s'effectue dans plusieurs régions du monde et les conditions et conséquences d'extraction sont souvent désastreuses : effluents toxiques déversés dans les fleuves, air toxique contaminant les populations locales, terres devenues infertiles...

La transition énergétique promet un monde meilleur et bénéfique pour tous dans lequel chacun pourrait autoproduire et consommer son énergie, mais dans les faits elle n'est actuellement que réservée à quelques-uns. De nombreuses populations payent un lourd tribut à la transition énergétique que nous menons et qui s'avère énergivore avec l'utilisation toujours plus importante des technologies sophistiquées et connectées.

L'alternative des low techs pour un avenir plus résilient et plus durable

Face aux nombreux paradoxes érigés par les technologies vertes, des alternatives sont à envisager afin de réussir à infléchir la trajectoire actuelle qui donne raison aux scénarios catastrophiques avec la pénurie de nombreuses ressources, la fonte des calottes polaires et la hausse de 4 à 5 degrés Celsius d'ici quelques décennies à peine. Pour Philippe Bihouix, ingénieur et spécialiste sur les questions environnementales, l'adoption des low techs permettraient à notre société de tendre vers un modèle énergétique et économique soutenable et surtout durable avec une utilisation raisonnée des ressources.

Les basses technologies dites « low techs » laissent penser à un retour dans le passé avec l'image du moulin à vent et de charrue à bœufs. Mais loin de s'opposer au progrès technologique, les low tech prônent au contraire l'innovation. Une innovation ouverte à tous et facilement appréhendable avec des techniques et objets qui s'articulent autour de trois piliers : l'utilité pour aller à l'essentiel sans superflu, la durabilité avec la recherche du caractère robuste, réparable, économe et valorisable, et enfin l'accessibilité pour une prise en main rapide et simple auprès de tous. Dans cette approche les high techs ne sont pas à bannir, au contraire les basses technologies peuvent s'appuyer sur les technologies de pointe mais toujours de manière réfléchie et dans un objectif de sobriété : plateforme digitale Wikifab pour diffuser les low techs ou encore imprimantes 3D open source pour produire des écrous et résistances chauffantes nécessaires à la construction d'outils facilement réparables.

Comment appliquer concrètement les low techs ?

Les low-techs peuvent se diffuser dans de nombreux pans de l'économie, en commençant par le secteur des transports : les voitures électriques sont toujours pensées comme une alternative viable aux voitures classiques utilisant les carburants fossiles, mais il faudrait développer des voitures électriques les plus légères possibles, en dessous des 500 kilos à l'image de la Microlino conçue par la marque suisse MicroMobility. Ne dépassant pas 50km/h, celle-ci peut très bien s'insérer dans le paysage urbain quand on sait que 40% des trajets quotidiens en agglomération s'effectuent sur moins de 3 kilomètres.

Côté bâtiment, la démarche low tech y trouve aussi sa place : le bâtiment du futur n'est pas forcément celui qui sera équipé en technologies de pointe pour atteindre de hautes performances si celui-ci n'est pas pensé dans son ensemble incluant les matières premières de construction. Des structures composées de bois, isolées par de la laine de chanvre pourraient constituer des alternatives au béton largement utilisé. Si ce type de bâtiment est couplé à un système d'optimisation énergétique pour assurer l'aspect basse consommation du bâtiment, cela constituerait un exemple concret d'imbrication low & high tech dans le domaine immobilier.


 La France deviendra peut-être un jour la low-tech nation qui sera reconnue pour ses technologies ingénieuses et économes en ressources, pour ses villes qu'on qualifiera de slow et pour sa nation de consom'acteurs. Cette approche n'est pas sans limites, mais elle permet de contraster la vision prônée par la transition énergétique menée actuellement qui n'est pas si propre et qui favorise l'efficience sans pour autant remettre en cause notre mode de consommation. N'oublions pas que la meilleure énergie reste celle que nous ne consommons pas.

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