Finances locales : le conflit entre le gouvernement et les élus locaux est loin d'être clos

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  718  mots
Avec la baisse des dotations, les dépenses d'équipement des grandes villes pourraient baisser de 15 % selon la Cour des comptes.
La grogne des élus locaux continue face à la baisse des dotations de l'Etat. Les départements attendent toujours des mesures d'urgence pour assurer le versement du RSA et les dépenses d'équipement des communes vont chuter.

Décidément, les rapports financiers entre l'Etat et les collectivités locales restent très chauds. La baisse des dotations de 19 % entre 2015 et 2017 (soit près de 11 milliards d'euros) ne passe pas, notamment auprès des communes qui vont réduire de façon drastique leurs dépenses d'investissement, comme le confirme un nouveau rapport de la Cour des comptes. Mais il n'y a pas que cela. La question du financement du RSA empoisonne aussi les relations entre le gouvernement et les départements en charge du versement du RSA.

Or, selon les données de l'Assemblée des départements de France (ADF), si l'Etat verse chaque année environ 6,4 milliards d'euros aux départements au titre du RSA, le « reste à charge » des départements ne cesse d'augmenter. Après 3,3 milliards d'euros en 2014, il devrait atteindre 4 milliards cette année. Aussi, Dominique Bussereau, président de l'ADF a récemment sonné le tocsin, prévenant que, bientôt, certains départements ne pourront plus faire face. Il a donc non seulement demandé des mesures d'urgence à l'Etat - avec, au minimum, la prise en charge par l'Etat de la différence du « reste à charge » entre 2014 et 2015, soit environ 750 millions d'euros - mais aussi que s'engage une réflexion sur une recentralisation du RSA, c'est-à-dire que son versement incomberait de nouveau à l'Etat. Une réunion entre Manuel Valls et une délégation de l'ADF s'est tenue sur ce sujet en fin de semaine dernière.

Pas de recentralisation immédiate du RSA

Pour les départements, la réponse du Premier ministre est mitigée. Certes, Manuel Valls a proposé « que soit analysé la nécessité de mesures d'urgence pour soutenir ceux des départements qui seraient dans la situation la plus difficile dès 2016 ». Solutions qui devraient être évoquées par la ministre de la décentralisation Marylise Lebranchu, lors de son intervention au 85è congrès de l'ADF qui se tient à Troyes (Aube) du 14 au 16 octobre.
Mais, s'agissant d'une éventuelle recentralisation totale ou partielle du RSA, le Premier ministre a renvoyé la décision à 2016 :


« Il convient en effet d'en appréhender l'ensemble des aspects, dans le cadre d'une réflexion plus vaste que le Gouvernement souhaite conduire sur la politique de solidarité et la gestion des minimas sociaux dans notre pays. Une mission sera prochainement confiée à un parlementaire sur le sujet.

Il sera nécessaire de déterminer en commun les conditions financières d'une éventuelle recentralisation du RSA. Il faudrait que l'Etat reprenne l'intégralité des ressources que les départements consacrent au financement du RSA au moment du transfert. Il s'agit d'un prérequis, l'Etat ne pouvant pas supporter, d'une part, le dynamisme à venir et, d'autre part, le reste à charge passé. »


Les départements vont donc devoir patienter. Et ils sont prévenus, si l'Etat reprend à sa charge le versement du RSA, il récupérera l'intégralité des ressources actuellement affectés dans ce but aux départements.

Une baisse de 15% des dépenses d'équipement des grandes villes

Mais du côté des communes, la grogne continue aussi. Et ce n'est pas le rapport de la Cour des comptes sur l'investissement local, à paraître officiellement mardi 13 octobre mais dont le contenu a déjà était en partie révélé par Les Echos, qui va calmer les esprits. Avec la baisse des dotations, les dépenses d'équipement vont chuter. La Cour prend l'exemple des villes de plus de 10.000 habitants: sur les 33 budgets étudiés, une vingtaine va réduire cette année leurs dépenses d'équipement de 15% en moyenne. Ce sera même pire pour des villes comme Le Havre, Paris, Dijon, Lyon, Marseille. La Cour estime aussi qu'il faudra que les collectivités tiennent d'une main de fer leurs dépenses de fonctionnement pour ne pas aggraver davantage leurs finances. Pour la Cour des comptes, il faudrait ainsi que les collectivités plafonnent à 0,7 % la croissance de leurs dépenses de fonctionnement, soit une progression... trois fois moindre qu'en 2014.

Est-ce réaliste ?

Ces questions financières risquent d'animer les débats à l'Assemblée Nationale qui commence à examiner demain mardi 13 octobre, le projet de budget 2016. D'autant plus que celui-ci prévoit une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui commence à donner des sueurs froides à certains maires.