Dan Bloch : "la chasse aux talents, un frein à la croissance des ESN ? "

Depuis les années 70, la valeur recherchée par les clients d’une ESN est d’accéder à un réservoir de ressources compétentes avec une grande réactivité. Jusqu’à un passé proche, cette offre s’appuyait sur la capacité des ESN à recruter de bons profils très rapidement et à les onboarder chez le client final tout aussi rapidement. Mais cette offre de valeur semble se fissurer à mesure que le cœur du réacteur s’essouffle souligne Dan Bloch : l’acquisition de talents.
(Crédits : DR)

Les ESN, spécialistes de l'informatique et des nouvelles technologies

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il est important, selon Dan Bloch, de rappeler les caractéristiques des Entreprises de Services du Numérique - ESN (anciennement appelées SSI pour Société de Services en Ingénierie Informatique). Dans un contexte porté par l'essor du Cloud, de l'Intelligence Artificielle ou encore du Big Data, ces structures ont littéralement explosé. Leur objectif ? Répondre aux besoins des entreprises en matière de transition digitale en leur proposant des solutions informatiques et technologiques. Les ESN proposent pour cela une large offre de services, avec entres autres réjouissances :

  • la conception, la gestion et/ou la maintenance d'infrastructures d'information ;
  • l'audit sur les infrastructures d'information ;
  • le conseil en systèmes d'information, stratégies, organisation, management ;
  • les formations sur les outils numériques et les nouvelles technologies d'information.

La grande force de ces ESN réside ainsi avant tout dans les profils (et donc, les compétences) de ses consultants. Car ce sont eux qui se rendent en entreprise afin de réaliser la mission demandée par le client. Ils interviennent pour cela en TMA, en assistance technique ou encore au forfait. Le succès semble au rendez-vous : les ESN représentent aujourd'hui en France plus de 350 000 emplois.

On assiste à de nombreuses évolutions, dont une ubérisation du secteur avec notamment l'apparition d'Entreprises de Services du Numérique Innovante (ESNI), basées sur un modèle collaboratif. Ces dernières regroupent des consultants informatiques indépendants et permettent aux entreprises clientes de consulter gratuitement en ligne les profils. Elles ont ainsi la possibilité de faire leur choix en toute transparence et liberté. Toutefois, dans un secteur hautement concurrentiel mais aussi pénurique, précise Dan Bloch, les ESN doivent aujourd'hui faire preuve d'agilité et d'innovation pour se démarquer et renforcer leur attractivité.

La guerre des talents

Les besoins de compétences, dans le digital particulièrement, explosent et la pénurie de ressources qualifiées ne suit pas la demande. Cette carence est renforcée par deux phénomènes. Tout d'abord, les ESN jouissent parfois d'une réputation dégradée. Malgré un travail important réalisé sur la marque employeur, la réalité est parfois très éloignée de la promesse initiale. Ensuite, le plus faible attrait des millenials vers le salariat, comme en témoignent l'augmentation des freelances et l'aspiration à une flexibilité plus importante, au-delà du phénomène télétravail.

Les solutions ?

Selon Dan Bloch, si les moyens de recrutement favorisés dans le secteur sont les sites de recrutement classiques et les réseaux sociaux professionnels, les ESN ont de plus en plus recours aux cabinets de recrutement pour dénicher les profils recherchés et aux partenariats avec les écoles d'ingénieur pour se renforcer avec des jeunes diplômés. Les PME cherchent des solutions innovantes avec des solutions de recrutement participatif (Welcome to the jungle, etc...). Enfin la cooptation est perçue comme une source d'identification de profils très utile.

L'expertise et un positionnement unique susceptible d'être réellement différenciant dans la perception de l'ingénieur sont nécessaires. La spécialisation, voire l'hyperspécialisation, comme facteur d'attractivité de l'ingénieur est également indispensable dans la perception du client. Accessoirement, les honoraires facturés aux clients sont plus conséquents et les rémunérations plus attractives pour les consultants.

L'offshore : la crise Covid aura démontré que le travail en « remote » est possible. De ce fait, que le consultant soit à Paris, à Clermont-Ferrand, Casablanca ou Phnom Penh au Cambodge, quelle importance ? Cela ouvre donc des possibilités mondiales infinies pour la recherche des talents. Enfin, le permis de travail qui permet de faire travailler sur le territoire français des salariés qualifiés étrangers. Ces ingénieurs diplômés sont une source importante, depuis de nombreuses années, de recrutement des ESN. Plus que jamais, le recrutement est donc multicanale et nécessite une professionnalisation des services de Talent Acquisition.

Une nécessaire adaptation des ESN aux nouvelles attentes du marché

La force de frappe est donc devenue un maître-mot. Elle se traduit par le rapprochement des ESN - les build-up n'ont jamais été aussi nombreux - car la taille critique est indispensable pour développer le savoir-faire dans l'orchestration des projets complexes, multi-métiers et internationaux. Mais on retrouve aussi cette concentration pour les freelances via les plateformes qui séduisent de plus en plus de talents et gagnent du terrain du côté des grandes entreprises les plus consommatrices d'expertise.

Où l'importance de fidéliser ses collaborateurs

« Rien ne sert de recruter, encore faut-il fidéliser » insiste Dan Bloch. Partant de l'équilibre entre vie privée et professionnelle, le post-Covid multiplie les accords de télétravail dans les ESN et l'accent est mis sur les politiques de mobilité, de rémunérations attractives et des environnements de travail agréables. Dans le domaine de la stratégie de fidélisation, les ESN font preuve d'innovation en accentuant en matière de culture d'entreprise, en créant des communautés propres. L'approfondissement technique est mis à l'honneur : des formations qualifiantes, des conférences thématiques, des blogs techniques, des Labs se développent. Enfin, les événements festifs, les partenariats et sponsorings se multiplient. Le trigramme QVT (Qualité de Vie au Travail) n'est plus optionnel et plus de deux tiers des ESN l'ont déclinée en interne contre 30% en 2017.

Parmi les facteurs déterminants de la fidélisation des talents, nous comptons :

  • la mise en place du télétravail et/ou de flex-office ;
  • la politique de mobilité interne ;
  • la rémunération ;
  • la formation et la montée des compétences.

L'innovation, facteur de croissance des ESN

L'innovation, terme généralement consacré aux technologies, aux services ou aux offres, devient donc le facteur clef des ressources humaines. Les ESN, conscientes des enjeux, consacrent également une part croissante de leur budget à la R&D (en moyenne, 5 % voire même 9 % pour les TPE/PME). Si une révolution silencieuse est bien en cours, il semblerait que nous ne soyons qu'au début des mutations à venir sur le marché de la prestation intellectuelle, en particulier sur le secteur des compétences digitales.

La pluralité des nouveaux acteurs en présence laisse présager de nouveaux scénarii où les forces et faiblesses des différents modèles pourraient donner naissance à de nouveaux schémas complémentaires, qui bénéficieraient in fine aux entreprises en recherche de davantage d'expertises, de vitesse et de transparence.

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