Et si l'indépendant de demain était en portage salarial ?

Le monde du travail est confronté à des évolutions multiples. L’entrepreneuriat indépendant suscite de plus en plus d’intérêt parmi les actifs français. Néanmoins, l’esprit d’entreprise s’accompagne également d’une volonté forte de sécurité et de durabilité. Ce besoin d’accompagnement semble être un facteur puissant de développement des contrats en portage salarial. Découvrons ensemble les raisons structurelles expliquant la mutation des indépendants vers le portage salarial.
(Crédits : DR)

Quels sont les statuts possibles pour les indépendants ?

Un professionnel indépendant peut choisir entre plusieurs statuts juridiques d'entreprise. Ces possibilités se regroupent en 3 options principales :

  • Le choix du statut simplifié d'Entreprise Individuelle, connu également sous le terme de micro-entrepreneur.
  • La création d'une société, généralement une Entreprise Unipersonnelle ou une Société à Responsabilité Limitée (SARL).
  • La conclusion d'un contrat en portage salarial. Cette option ne nécessite pas la création d'une entreprise.

Cette compréhension des possibilités permet d'observer l'évolution des indépendants, car nous assistons à l'émergence de nouveaux profils d'indépendants.

Quel avenir pour les indépendants ?

Selon une étude statistique IPSOS d'août 2018, l'entrepreneuriat indépendant attire la moitié des Français actifs . Cette attirance doit être mise en parallèle avec les perspectives de développement professionnel. Ainsi, les activités indépendantes classiques (artisans, commerçants ...) ne sont pas celles qui profitent de cet engouement. Les secteurs du numérique, de l'environnement et de la santé sont, selon l'Institut IPSOS, les futurs moteurs de création d'emplois. En parallèle, ces secteurs semblent propices au développement d'activités indépendantes.

Ainsi et en toute logique, ce sont les formes d'activités indépendantes au sein de ces secteurs qui bénéficient d'un regain d'intérêt. L'entrepreneuriat indépendant devient, ici, un moyen d'atteindre un secteur visé. Si les activités indépendantes intéressent les actifs, le salariat classique perd également en attractivité.

Les évolutions du marché du travail

Il existe un paradoxe profond dans la mesure où le développement de l'entrepreneuriat participe à sa reconfiguration. Le fait d'entreprendre n'est plus perçu comme une passade ou un essai professionnel. Entreprendre ne correspond plus à une période limitée d'une carrière professionnelle. Ainsi, certains professionnels n'hésitent plus à chercher la durabilité dans l'entrepreneuriat.

Dans le même temps, le CDI n'est plus perçu comme l'objectif ultime. Il serait faux d'affirmer que les actifs français fuient ce contrat. Néanmoins, le CDI est de plus en plus vécu comme un contrat figé. Certains salariés constatent l'absence d'évolution professionnelle en CDI. La démission et la rupture conventionnelle sont largement utilisées pour mettre fin au CDI.

Nous assistons probablement à un « croisement » au sein duquel les périodes en CDI vont devenir moins longues que les temps d'entrepreneuriat. Le monde du travail subit donc la double transformation :

  • Le CDI n'est plus pensé comme un contrat engageant, ad vitam aeternam
  • L'entrepreneuriat n'est plus assimilé aux temps courts et à l'instabilité

Cet état de fait est confirmé par une étude Odoxa en date d'avril 2018 . 28 % des actifs sont globalement insatisfaits de leur relation avec leurs supérieurs. Ce chiffre monte à 36 % lorsqu'il s'agit de la direction de l'entreprise. Cette insatisfaction est expliquée par deux raisons principales : le manque de reconnaissance et le manque d'évolution. Les actifs français sont, respectivement, insatisfaits à 51 % et 59 %. Pour une grande partie des actifs français, l'entrepreneuriat apparaît alors comme une réponse à ces insatisfactions. Par ailleurs, 75 % des actifs français pensent détenir une expertise reconnue sur le marché de l'emploi.

Les principes du portage salarial

Le portage salarial est, comme son nom l'indique, le fait de « porter » un salarié (généralement un travailleur indépendant expert). Le portage salarial se situe à mi-chemin entre les protections assurées par le salariat et les libertés permises par l'entrepreneuriat. Cette organisation du travail se structure autour d'un salarié porté et d'une société de portage. Les sociétés, qu'elles soient civiles ou commerciales, ne peuvent pas recourir librement au portage salarial . Seules les entreprises dédiées exclusivement au portage salarial peuvent recruter sous ce contrat.

Les salariés en portage salarial démarchent directement la clientèle. En parallèle, ils délèguent les missions administratives, commerciales et comptables à la société de portage (cf Convention Collective du secteur en date du 22 mars 2017 ).

Les clients commandent leurs prestations auprès du salarié porté, mais règlent la facture à la société de portage. Cette dernière verse ensuite un salaire au salarié porté en prélevant des frais de gestion compris entre 5 et 10 %. Pour résumé, un salarié porté est un entrepreneur indépendant qui signe un contrat de travail. Les honoraires issus des prestations sont convertis en rémunérations salariales mensuelles.

L'émergence d'une catégorie d'experts

L'emploi a subi des transformations profondes depuis des décennies. En septembre 2010, l'INSEE a réalisé une analyse de l'emploi en France depuis les années 60 . Cette étude nous indique les trajectoires suivantes :

  • Parmi les actifs, la part des « cadres et professions intellectuelles supérieures » a été multipliée par 3 en 50 ans. Cette catégorie regroupe les cadres et ingénieurs d'entreprises privées ainsi que le personnel détenant une expertise technique. Ces professionnels correspondent au profil type du salarié en portage salarial.
  • En complément du chiffre précédent, le nombre de diplômés « supérieur » a également augmenté dans des proportions similaires.
  • Les emplois liés aux services (le tertiaire) se sont développés depuis le début des années 60. L'INSEE compte plus de 70 % des emplois liés à cette catégorie. Les indépendants comme les salariés en portage salarial appartiennent à ce secteur.

Ces études confirment l'émergence d'une catégorie d'experts, prête à opter pour une activité entrepreneuriale.

Entrepreneuriat : la voie ouverte au portage salarial

L'évolution du marché de l'emploi, l'insatisfaction du salariat, l'émergence d'experts font partie des facteurs expliquant l'attrait du statut d'indépendant. En contrepartie, l'envie de sécurité et de durabilité appelle un encadrement de cette forme d'entrepreneuriat.

Dans les prochaines décennies, la voie semble grande ouverte au portage salarial, et ce, pour plusieurs raisons structurelles :

  • Les actifs français croient en leur expertise et n'apprécient pas leurs relations hiérarchiques.
  • Les activités indépendantes attirent en même temps que certains secteurs porteurs.
  • Les actifs se projettent durablement dans l'entrepreneuriat.
  • La complexité des missions sociales, comptables et administratives appelle une aide et un accompagnement.

Ces raisons structurelles sont confirmées par de récentes études statistiques qui évalue les perspectives de développement du portage salarial. Le nombre de salariés portés pourrait augmenter de 500 000 emplois d'ici 2025. Dans le même temps, le chiffre d'affaires global des salariés portés devrait être multiplié par 10. Ces prévisions sont confortées par l'observation d'une évolution similaire durant les 10 dernières années. Le portage salarial semble répondre aux besoins de liberté et de sécurité d'actifs français tout en correspondant à un moment économique bénéfique aux services d'experts.

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