L'heure est à la transformation pour les banques

Qu'elles soient banques de détail ou spécialisées dans le corporate banking, ces institutions n'ont pas d'autres choix, face à la disruption technologique, que de s'adapter. BNP Paribas CIB et la Société Générale étaient les invitées du dernier Transformer Friday de l'année 2018 de 2Spark. Des témoignages instructifs et opérationnels pour la trentaine de Chief Transformation Officers et autres spécialistes présents à l'Appart Lafayette, le 14 décembre.
(Crédits : DR)

« En déclarant qu'il n'y aurait plus de banques de détail dans cinq ans, François Hollande a été le grand sponsor de la transformation », déclare, un brin ironique, Paul Jeorger, Directeur de la formation - banque de détail France, à la Société Générale. Face à cette mort annoncée, notamment due à la concurrence technologique des Fintech, qui offrent désormais des outils sur mobiles, les banques de détail comme la Société Générale, qui comptent encore des centaines d'agences en France, ont affuté leurs armes. Avec, pour la Société Générale, deux axes majeurs de transformation. D'abord, il s'est agi de « prendre le meilleur de l'humain et du digital, pour offrir à la fois la possibilité de réaliser des opérations simples et rapides sur mobile ou par téléphone, et, deuxième axe, réserver les agences, dont le nombre a effectivement quelque peu diminué, pour des opérations plus techniques, ou plus émotionnelles, tels que l'obtention d'un crédit immobilier ou le choix d'un placement financier », précise Paul Jeorger. Autant dire que l'expérience client est au cœur de la stratégie.

Même chose pour BNP Paribas CIB. Certes, note Cédric Dervy, Global Head of Structured Credits IT and Operations à la banque, les problématiques sont différentes dans le corporate banking, puisque son rôle est de financer de grandes entreprises ou des travaux d'envergure, mais « les entreprises ont également besoin d'une gestion de leurs flux financiers au jour le jour, et en cela, les enjeux se rapprochent de ceux de la banque de détail », dit-il. Autrement dit, ce qui risquait d'arriver à la Société Générale pouvait, à un horizon peut-être plus lointain, impacter également une institution comme BNP Paribas... Partant de ce constat, la nécessité de la transformation était tout aussi évidente. D'autant qu'il fallait gérer la collecte de données massives, « dont certaines sont encore sur papier... », avoue ce spécialiste, sans oublier la volonté d'offrir une meilleure visibilité aux clients, en particulier pour leurs transactions.

Outils de formation « friendly »

Dans les deux cas, une meilleure expérience client passe forcément par une formation des collaborateurs, puisqu'ils sont souvent en prise directe avec les clients. Mais avant de tenter d'embarquer les collaborateurs dans la transformation, encore faut-il que la vision et la stratégie soient bien définies, puis bien comprises. Si elles viennent de la direction, elles doivent ensuite « infuser », selon l'expression de Cédric Dervy, dans toute l'organisation. Pour ce faire, une seule solution : la formation du top management, d'abord, et le co-design des outils avec les collaborateurs, ensuite. « L'intelligence artificielle nous permet même d'étudier l'émotion que ressentent les collaborateurs lorsqu'ils utilisent certains outils », précise le représentant de BNP Paribas. Automatisation, robotique, reconnaissance visuelle, tous les atouts des nouvelles technologies sont mis à contribution pour faciliter la vie des collaborateurs, afin qu'ils se concentrent pleinement sur des tâches à valeur ajoutée. Il s'agit donc, comme le résume Lara Pawlicz, fondatrice et dirigeante de 2Spark, d'adopter des processus agiles dès aujourd'hui, et ce, « même si l'on ignore ce que sera le business de la banque dans cinq ans... ».

S'appuyer sur l'humain

Comment faire concrètement ? La technologie ne saurait être seule en piste, l'humain doit avoir sa part. Au-delà d'un outil user-friendly et d'un accompagnement par le management, le collaborateur, qui sort de sa zone de confort avec la transformation, doit être convaincu qu'il gagne à monter en compétences. Il faut donc répondre impérativement à la question, exprimée chez 2Spark par : « what's in it for me? ». Car, comme le précise Paul Jeorger, à la Société Générale, « nous sommes passés de la promesse d'une carrière à vie dans la même banque à la notion d'employabilité à vie... ». Nouvelle perspective, donc, pour les collaborateurs. Et pour cela, rien de tel que de s'appuyer, pour la formation, sur la culture de l'entreprise. Dans les agences bancaires, comme celles de la Société Générale, les salariés se vivent en collectif, alors mieux vaut organiser des sessions de formation en groupe, par exemple. « Nous avons simplement remarqué que cela marchait mieux, précise le directeur de la formation de la banque, et nous ambitionnons, avec des outils comme « une heure pour moi dans la semaine », de faire en sorte que le développement des compétences soit banalisé, qu'on en parle de façon naturelle, à la machine à café ». Il s'agit donc, en s'appuyant sur le principe de la formation en situation de travail qui sous-tend la Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques - dite « loi Macron », adoptée à l'été 2015, d'intégrer la formation dans le quotidien des collaborateurs.

Chez BNP Paribas CIB , les choses ont été un peu plus compliquées. Non seulement parce que la banque est active dans une cinquantaine de pays, mais surtout parce que dans certaines branches, en Asie ou ailleurs, certains collaborateurs ont des rôles transversaux. Bref, « déployer la formation a été un véritable challenge », relève sobrement Cédric Dervy.

Réalité du terrain

Quelles sont les leçons apprises par nos deux témoins au cours de l'aventure de la transformation dans laquelle ils se sont embarqués ? « La capacité à apprendre à gérer l'incertitude, répond Paul Jeorger, sans oublier la capacité de renoncement. » Renoncer au papier, surtout si l'on épouse le digital, par exemple, déclare ainsi le représentant de la Société Générale. « Renoncer pour repartir dans une autre direction », confie de son côté Cedric Dervy, pour qui « le droit à l'erreur » doit faire partie de la culture des organisations.

Et les deux témoins invités à partager leur expérience à l'occasion du Transformer Friday de 2Spark, le 14 décembre dernier, l'avouent sans ambages : ils ne sont pas au bout de leurs peines. Avec un souci majeur : que la transformation ne soit pas qu'un discours, aussi séduisant soit-il, mais une réalité sur le terrain. Pour cela, « il faut par exemple demander aux clients - et là aussi des outils existent dans ce domaine - s'ils voient réellement la transformation. Et Paul Jeorger le fait régulièrement. Ensuite, aller dans les agences, ce que le directeur de la formation à la Société Générale fait également régulièrement, pour s'assurer de l'adhésion des équipes, même si, précise de son côté Cédric Dervy, « mesurer le mindset de salariés dont la situation géographique et la culture sont aussi atomisées que chez BNP Paribas CIB n'est pas chose aisée. » Autre obstacle pour BNP Paribas CIB, « une organisation encore en silo », qui implique des process lourds de validation de certaines initiatives venant des collaborateurs, « au point de les décourager », soupire-t-il. Autant dire que la transformation, en cours, n'est pas encore aboutie, et prendra sans doute encore de cinq à 10 ans. A la Société Générale, « après trois ans, nous sommes au milieu du gué », déclare à cet égard Paul Jeorger, tandis que chez BNP Paribas CIB, « le grand déploiement international est prévu pour l'an prochain et durera deux ans », indique Cédric Dervy. Et ce, malgré la fâcheuse tendance, dans ces grandes organisations, à fonctionner en « projets ». « Une fois déployés, les dispositifs de formation visant à la transformation sont souvent considérés comme terminés, alors qu'il faut des moyens pour continuer à faire vivre le produit », explique ainsi Cédric Dervy. De fait, conclut Lara Pawlicz, « la transformation n'est pas un simple projet, elle doit s'inscrire dans la durée pour réussir. »

Entre temps, les deux banques invitées, côte à côte, à livrer leur expérience au dernier Transformer Friday de l'année 2018 de 2Spark, auront mesuré le taux d'adoption des collaborateurs - « même si l'appropriation n'est que la moitié du chemin », prévient Lara Pawlicz - , tout en faisant d'eux, et c'est bien là le secret, des partenaires, conscients des enjeux pour l'institution qui les emploie mais aussi du sens de leur travail et de leur apport dans une économie transformée.

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