Mahasti Razavi, l'art d'avancer sans rupture

Elle vient d'être nommée à la tête du cabinet d'avocats August Debouzy en tant que managing partner. Mahasti Razavi est de celles qui avance en confiance, avec les autres, dans la continuité du chemin parcouru. L'aboutissement naturel d'une meneuse d'actions positives.
Valérie Abrial
Mahasti Razavi, managing partner d'August Debouzy
Mahasti Razavi, managing partner d'August Debouzy (Crédits : DR)

Entrée chez August Debouzy il y a une vingtaine d'années, Mahasti Razavi appartient à ce qu'elle nomme elle-même la légende A.D., ce singulier cabinet d'avocats parisien qui a toujours su marquer sa différence. Porteur de la diversité avant l'heure, tourné vers l'avenir et les autres, les fondateurs se sont toujours entourés de profils rares et parfois inhabituels, avec comme seuls mots d'ordre : le talent et l'envie. Mahasti Razavi fait partie de ces personnalités détonantes. Franco-iranienne, arrivée à l'âge de 10 ans en France, elle sait ce qu'est un bouleversement. « Ma mère avait 38 ans et mon père 45 lorsque nous avons quitté l'Iran en 1979. Il a fallu tout recommencer, démarrer une nouvelle vie. Je me souviens que nous sommes arrivés un jeudi à Paris. Le lundi suivant, j'étais déjà à l'école. Ce déracinement s'est réalisé dans la continuité de l'existence, sans qu'il y ait de rupture avec le cours de la vie. Ces événements-là m'ont donné beaucoup de force. Je pense pouvoir dire qu'il n'y a pas grand-chose qui me fasse peur aujourd'hui ; et puis j'ai une joie de vivre qui dépasse peut-être la norme, je ne sais pas si c'est bien ou pas, mais c'est comme ça ».

Cette joie de vivre et cet amour pour les autres — car elle est comme ça Mahasti, elle aime les gens et le revendique­­­ —, ont fait d'elle une personnalité à part.  Et quand on lui demande si être une femme a été un handicap dans son parcours, elle répond aussitôt que pour elle ce sujet a toujours été un non-sujet. Sans doute parce que les femmes de sa famille, son arrière-grand-mère, sa grand-mère et sa mère ont été et sont des personnages hors norme, qui ont su se réaliser et prendre leur place dans la société.« Je n'ai créé aucune rupture par rapport aux femmes de ma lignée ; qui étaient déjà des rôles modèles et qui le restent aujourd'hui. Le fait d'avoir un métier qui allait me permette de construire et d'avancer était inhérent à ma personnalité ; et je n'ai jamais eu l'impression de me dépasser d'une manière anormale. Comme j'ai toujours été entourée de femmes qui exerçaient le métier qu'elles avaient choisi, je n'ai jamais eu l'impression d'être un être à part au milieu des personnes qui m'entourent ».

August Debouzy, les précurseurs

C'est donc plutôt comme une chance que Mahasti vit son arrivée chez August Debouzy il y a 20 ans. Il faut dire que le cabinet, créé deux ans auparavant, était atypique pour l'époque. Alors que le métier se caractérisait par une grande dominance masculine, chez A.D., il y avait autant d'hommes que de femmes. « Les premiers associés du cabinet, à part les fondateurs, étaient deux femmes. J'ai eu une chance inouïe de tomber dans un univers dans lequel je n'ai pas eu à me battre en tant que femme mais à me battre en tant que professionnelle. J'ai conscience que tout le monde n'a pas bénéficié de cette chance. ». Chanceuse Mahasti ? Sans doute, mais également enthousiaste, positive et dotée d'une énergie à toute épreuve. Car le hasard des rencontres n'y suffit pas ; la volonté et l'art de vivre en accord avec soi sont des atouts indispensables. « Dans notre cabinet, en deux décennies, nous sommes passés de 7 personnes à 250. Il y a les contraintes et les difficultés de notre profession qui est un métier très exigeant, avec de vraies batailles. Mais nous sommes dans une sorte de bulle, dans laquelle depuis toujours, les gens viennent de tout horizon, avec des origines variées, des expériences parfois atypiques, des hommes et des femmes de tout âge, qui sont promus en fonction de leur talent et de leur engagement. C'est donc une sphère un peu particulière, mais j'ai aussi conscience que certains camarades de fac et de promo n'ont pas vécus dans des univers aussi sains ».

Transmettre au quotidien

Aujourd'hui, la cabinet August Debouzy compte 60% de femmes. S'il y a 20 ans, il était précurseur, aujourd'hui il est le reflet de l'exercice de ce métier qui compte dans les rangs de ces écoles plus de jeunes femmes que de jeunes hommes. La relève dans la mixité globale ? Voilà un sujet qui passionne Mahasti Razavi pour qui la transmission et le sens qu'on lui donne occupent pleinement ses attentions. « Comment transmettre au mieux ce que l'on a appris et faire en sorte de ne pas transmettre ce que l'on n'a pas aimé. C'est un sujet précieux pour moi ». Précieuse aussi, l'harmonie individuelle. « Je pense qu'on ne fait bien ce que l'on fait qu'à partir du moment où l'on est en phase avec soi-même. Parfois, vous vous rendez-compte que ce que vous faites ne plait pas à tout le monde. C'est vrai, c'est possible, mais ce n'est pas grave. Rester en phase avec soi-même permet de rayonner et de transmettre les messages et les expériences en cohérence ». Mahasti ne tarit pas d'éloge sur les personnalités qu'elle a eu la chance de rencontrer, qui l'ont inspirée et qui ont été de véritables rôles modèles. Toutes ces personnes qu'elle considère comme des leaders naturels car empreint d'une densité et d'une énergie qui vous embarquent. Ce vers quoi elle tend d'ailleurs tout naturellement.

« A ma nomination, j'ai reçu beaucoup de messages bienveillants. Un certain nombre de jeunes gens m'expliquaient que je faisais partie d'une démarche rassurante pour eux, c'est-à-dire qu'ils et elles voyaient dans mon parcours la possibilité d'exercer un métier, de le faire bien, de garder une part de féminité, d'avoir une vie de famille et affective, d'avoir une curiosité pour le monde qui nous entoure, de continuer d'avancer et de de construire. J'ai trouvé incroyable que de jeunes praticiens m'envoient ce genre de message, c'est la preuve qu'il y a encore une forme de manque sur notre marché. Il existe encore des personnes qui pensent que l'on fait des sacrifices. Bien sûr que non. Je ne suis pas dans la douleur. Il existe beaucoup de femmes de talent, qui travaillent et le font avec plaisir ; elles ne sont pas dans une démarche sacrificielle. Elles avancent pour elles-mêmes et non pas contre d'autres. Ce qui est dommage, c'est que ces femmes formidables, on ne les voit pas ». Et c'est là sans doute tout le travail qu'il reste encore à faire : rendre visibles les femmes dont le parcours est inspirant ; celles qui donnent l'exemple et l'envie aux nouvelles générations d'oser entreprendre. Des parcours comme ceux de Mahasti Razavi, qui, en pleine conscience, a le souci de la transmission, celui de donner confiance à celles et ceux qui l'entourent, de révéler leur talent pour finalement assurer la relève.

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Bio

Mahasti Razavi a rejoint le cabinet August Debouzy en 1997. Elle a été nommée associée en 2006. Responsable du pôle Technologies Media Propriété Intellectuelle et du pôle Concurrence Consommation Distribution, Mahasti intervient essentiellement sur des questions liées aux technologies de l'information et à la mise en œuvre de partenariats stratégiques pour des entreprises. En charge du recrutement d'associés et collaborateurs depuis plusieurs années, Mahasti était aussi membre du Management Committee, du Partnership Committee et du comité marketing d'August Debouzy. Elue Managing Partner en décembre, elle a pris ses fonctions le 1er janvier 2018.

Valérie Abrial

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