4G : pourquoi Free a craqué

Par Delphine Cuny  |   |  767  mots
« 90% des Français n'en ont rien à faire de la 4G", avait déclaré Xavier Niel le mois dernier... (Crédits : <small>DR</small>)
Signe de fébrilité pour les uns, coup marketing gratuit pour les autres, voire manœuvre politique : en annonçant qu’il inclut désormais la 4G dans son offre mobile, Free a encore créé le buzz et forcé les concurrents à réagir.

« 90% des Français n'en ont rien à faire de la 4G. 8% des Français sont intéressés par la 4G » assurait Xavier Niel à l'émission Complément d'Enquête il y a quinze jours. Finalement, Free Mobile annonce ce mardi qu'il inclut la 4G sans surcoût dans son forfait phare à 19,99 euros. Un nouveau coup d'éclat qui a naturellement ulcéré la concurrence. « Il n'y a pas de quoi être impressionné. C'est toujours facile de donner quelque chose qu'on n'a pas : l'offre est très agressive en termes de prix mais il n'y a pas grand-chose derrière, avec 700 antennes pour 1.000 communes, il n'y a pas de couverture » tente de relativiser un concurrent. Bouygues couvre plus de 2.000 villes avec 5.392 antennes, Orange 866 villes avec 3.879 sites. Delphine Ernotte, la directrice exécutive d'Orange France, a fait savoir que l'opérateur relèverait tout de même ses prix en février. « Nous n'avons pas peur d'une offre sans réseau » a-t-elle déclaré à l'agence Reuters. L'annonce de Free révèle même « une certaine fébrilité. Il s'est senti obligé de communiquer avant Noël » relève un dirigeant d'opérateur. « Presque de la panique » veut croire un autre, qui s'interroge « où est la vista de Free ? »

Cadeau de Noël ou mouvement défensif

Si les clients de Free Mobile exultaient sur les réseaux sociaux, remerciant leur opérateur de ce cadeau de Noël avant l'heure, les analystes financiers n'étaient pas aussi euphoriques, même dans le camp des supporters invétérés du quatrième opérateur au parcours boursier impressionnant. « Il faut être honnête. C'est une très mauvaise nouvelle pour Orange, SFR et Bouygues. Mais ce n'est pas forcément une bonne nouvelle pour Free. Cette offre a un aspect défensif. Peut-être Free a-t-il senti et voulu stopper un mouvement vers les autres opérateurs, c'est plutôt une offre de rétention » analyse un expert un peu surpris du revirement de Free. « Cette annonce, juste en amont de Noël, indique que Free a jugé dangereux de ne pas être dans la course de la 4G dans cette période commerciale importante. C'est assez décrédibilisant pour le management » ajoute-t-il. « Xavier Niel prend le risque de décevoir ses clients, après avoir dit que ses concurrents prenaient les leurs pour des pigeons » prévient un expert londonien. « C'est le seul opérateur d'Europe qui ne précise pas quelle est sa couverture ni son objectif à six ou douze mois ! » s'étonne-t-il.

Un message politique au gouvernement 

« Comment être déçu, c'est gratuit ! » réagit un abonné Free ravi sur Twitter. « Les autres opérateurs ont eu tout faux en annonçant à l'avance qu'ils allaient augmenter les prix avec la 4G » se désole un associé d'un cabinet de conseil. Car Free a pu de nouveau jouer la carte du casseur de prix. « En réalité, Free n'avait plus d'élément différenciateur avec ses vrais concurrents qui sont Sosh, B&You ou Red, les marques low-cost des opérateurs : c'est désormais le cas avec la 4G » estime un bon connaisseur du secteur. Un coup marketing gratuit. Du coup, « Bouygues est contraint d'offrir la 4G chez B&You plus tôt que prévu, peut-être même avant Noël » parie-t-il.

« Free envoie à peu de frais un message à ses clients, en leur donnant des raisons de rester chez lui, dans sa logique d'enrichissement de l'offre » souligne un autre. « Free lance quand même un pavé dans la mare : en nombre d'antennes, il n'est pas si loin que ça de SFR, qui est à 1.013 sites » remarque un expert londonien qui conclut que « cette offre est peut-être aussi un message politique, en plein débat sur la mutualisation. Free montre qu'il investit, qu'il déploie, qu'il lance la 4G, qu'il est un vrai opérateur pouvant prétendre à partager son réseau avec d'autres. » Pas sûr que le message ait été bien reçu au vu de la réaction de Bercy : la ministre du Numérique Fleur Pellerin s'est fendue d'un communiqué en forme de rappel à l'ordre dans la journée avec son homologue à la Consommation Benoît Hamon, « invitant les consommateurs à consulter les cartes de couverture des opérateurs avant de faire leur choix », soulignant que « la couverture peut varier du simple au triple en fonction de l'opérateur. » La ministre a également déclaré « je ne crois pas au Père-Noël : une offre c'est non seulement un prix mais aussi une couverture et un débit. »