Mutualisation : SFR menacerait de réclamer 1 milliard d’euros à Bouygues

Par Delphine Cuny  |   |  675  mots
La carte du futur réseau mutualisé de SFR et Bouygues Telecom dans les zones peu denses, dévoilée il y a deux mois.
Déçu, le groupe de BTP pourrait remettre en cause l'accord de partage de réseaux mobiles signé fin janvier avec SFR, qui a préféré se marier à Numericable. Les travaux sont au point mort depuis un mois.

Parfum de divorce dans les télécoms. Depuis que Vivendi a choisi définitivement de marier SFR à Numericable il y a une semaine, la rumeur court que Bouygues Telecom, éconduit, pourrait en représailles casser l'accord de mutualisation des réseaux mobiles qu'il avait signé avec SFR. Un accord scellé le 31 janvier dernier et qui devait générer 300 millions d'euros par an d'économies en investissements et en dépenses opérationnelles en créant un réseau commun en dehors des 32 plus grande villes françaises.

Altice, la maison-mère de Numericable, a assuré que l'accord continue car il n'y a pas de clause prévoyant de rupture en cas de changement d'actionnaire. Ce que confirme Bouygues. Cependant, « la confiance est rompue, on se sent trahis » confie une source proche du groupe de BTP, qui a commencé à regarder les autres options stratégiques. Des contacts informels ont eu lieu avec Orange pour étudier la possibilité d'un partage de réseaux, comme l'ont révélé Les Echos, « à un stade très préliminaire » nuance-t-on chez l'opérateur historique.

« Ce n'est pas un sujet très chaud, il faut nous laisser souffler » temporise une source chez Bouygues. « L'analyse qui a conduit à conclure cet accord, la nécessité de mutualiser pour une meilleure couverture et moins de coûts, reste valable. Après, dans le business, il y a un peu de rationalité et un peu d'affect » relève une autre.  

Un milliard d'indemnités ?

L'avenir de cet accord inquiète aussi certains salariés de SFR, qui ont posé la question à leur PDG, Jean-Yves Charlier, qui a rencontré toutes les équipes cette semaine. « Charlier nous a dit que SFR pourrait réclamer 1 milliard d'euros à Bouygues en cas de rupture de l'accord » confie un salarié qui a assisté au séminaire des salariés d'Ile-de-France mercredi aux Docks de Saint-Denis. « Charlier a dit que ça coûterait très cher à Bouygues de sortir de l'accord » confirme une autre salariée.

Le PDG « a répondu sur le ton de la plaisanterie que l'on pourrait demander 200-500 millions d'euros, voire un milliard » relativise un proche du dirigeant. Des montants à considérer avec réserve au regard des synergies attendues de l'accord, 200 millions d'euros par an pour SFR, 100 millions pour Bouygues. Des montants qualifiés de « fantaisistes » par une source proche du groupe de BTP.

S'il n'y aurait pas de clause prévoyant une sortie pure et simple pour « mésentente » ou autre changement d'humeur, « il existe des clauses de désengagement si les objectifs de déploiement ne sont pas atteints, il y a plusieurs jalons prévus » explique un proche des discussions. SFR pourrait donc être fondé à demander un dédommagement en cas de non-respect du calendrier, mais pas forcément dans les proportions évoquées. Un accord amiable pourrait aussi être négocié si Bouygues préférait s'associer à un autre acteur,  Orange ou Free.

Coup d'arrêt depuis un mois

« En 4G, Bouygues Telecom possède un plus grand réseau que nous, il peut y avoir des économies d'échelle intéressantes » observe une source chez Orange, « et entretenir un réseau, ça coûte cher avec les usages qui explosent. » La mise en œuvre de l'accord de mutualisation avec SFR, qui prévoit le démontage de 7.000 sites, nécessite des investissements importants, de « plusieurs centaines de millions d'euros » avait indiqué Jean-Yves Charlier : Bouygues a donc intérêt à réfléchir avant d'aller plus loin, avant les premières installations de sites communs programmées au quatrième trimestre. Et ce, même si l'accord est réversible : « on a prévu le tricotage et le détricotage » avait précisé Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom.

Or « depuis un mois, tout est gelé, repoussé, au ralenti du côté de SFR, du fait de la vente » selon des sources concordantes chez les deux parties. Mais des deux côtés on espère tout de même que « l'on n'a pas bossé six mois en pure perte ! »