Il y a désormais plus d'un an, Martin Bouygues déclarait la guerre à Free dans le fixe. L'offensive a commencé en mars avec une offre triple-play à prix cassé, à 19,99 euros qui lui a permis de conquérir 306.000 nouveaux abonnés en trois trimestres, portant son parc à 2,3 millions à fin septembre, sans pour autant ébranler les positions de la concurrence, loin devant (plus de 5,8 millions chez Free, 10 millions chez Orange). Ce prix d'appel est-il tenable ? Ses concurrents doutaient de l'équation financière d'une telle offre, sachant que l'opérateur doit payer plus de 9 euros par client par mois à Orange au titre du dégroupage. Bouygues a ensuite lancé en juin une offre très haut débit en fibre optique à 25,99 euros, mais sur une partie limitée du territoire.

La filiale du groupe de BTP revient aujourd'hui avec une nouvelle offre dans le fixe, moins agressive mais plus qualitative, avec son décodeur sous Android, la BBox Miami. C'est le fils même de Martin Bouygues, Edward, qui a piloté le développement de ce projet dans lequel le groupe croit beaucoup. Cette Box est commercialisée à compter de ce merdredi 28 janvier, dans un premier temps aux abonnés actuels de l'opérateur, au "prix de de 25,99 euros, sans engagement", précise Bouygues dans un communiqué.

Remonter les prix sans perdre en compétitivité

Est-ce une façon d'augmenter légèrement les prix sans en avoir l'air, en sortant par le haut de ce nouveau « standard » de 19,99 euros qu'il a lui-même essayé d'imposer, mais que la concurrence n'a pas suivi ? « Avec notre remise par foyer, en associant un forfait 3Go de B&You à 19,99 euros et notre BBox Miami, nous avons le quadruple-play le moins cher du marché, à 37,98 euros » fait valoir un dirigeant de l'opérateur, qui a arrêté en mars dernier sa gamme Ideo, les premières offres fixe-mobile du marché. Les offres quadruple-play concurrentes se situent au-delà de 40 euros. Remonter les prix sans perdre en compétitivité, c'est ce que Bouygues a tenté aussi de faire en refondant entièrement sa grille tarifaire dans le mobile.

Olivier Roussat, PDG de Bouygues Telecom avance d'autres raisons pour justifier ce choix d'un décodeur Android, critiqué par exemple par Free, qui considère que cela revient à céder le contrôle de la Box à Google.

« Il ne faut pas confondre interface et OS [le système d'exploitation], nos concurrents n'ont visiblement pas vu les démos ! Notre interface est propriétaire. Android dans la Box permet d'offrir le meilleur mélange de l'expérience fixe et mobile. C'est une vague de fond, on a intérêt à surfer dessus, plutôt qu'à construire des digues » a confié en aparté d'une présentation le 4 décembre Olivier Roussat.

Une Box plus moderne à moindre coût

Le numéro quatre français de l'ADSL espère se différencier avec ce nouveau décodeur TV qui constituera effectivement une vraie amélioration en termes de fluidité, d'ergonomie et de modernité par rapport à la Box Sensation actuelle, souvent critiquée pour son instabilité sur les forums.

« L'intérêt, c'est de bénéficier du puissant écosystème d'Android, des applications et des accessoires, et de tous ses développements. Cela nous permet d'externaliser une partie de la R&D, puisque l'OS a déjà été développé. On accède aussi au monde des composants pour mobiles et tablettes, produits en millions d'unités, et tout ceci conduit à contracter considérablement le coût de revient de la Box », a détaillé Olivier Roussat.

La précédente Box Sensation affichait un coût de revient de 250 euros. SFR avait aussi emprunté la voie du décodeur Android, sorti de façon assez confidentielle, notamment sous sa marque low-cost RED, et dont on ne connaît pas l'avenir depuis le rachat de l'opérateur par Numericable : le nouveau PDG, Eric Denoyer, considère qu'il y a « trop de boxes » dans le groupe. Le nouveau Numericable-SFR met le turbo à Noël en proposant en priorité la Box du câblo, sur son réseau très haut débit, à grand renfort de communication pour les fêtes.

Bouygues dispose toutefois d'une fenêtre d'opportunité avant la sortie de la prochaine Freebox annoncée pour fin 2015 par Xavier Niel. Mais il se dit qu'une box intermédiaire pourrait sortir avant, dans quelques mois, chez Free.

Coopération avec des startups

Bouygues Telecom avait choisi de dévoiler le 4 décembre la BBox Miami lors d'une séance de démonstrations et prise en main dans les locaux de The Family, l'accélérateur de startups et agitateur d'idées monté par Alice Zagury, Nicolas Colin et Oussama Ammar, à deux pas de la Bastille. Une façon de souligner que l'opérateur s'est entouré de startups françaises, IFeelSmart qui a conçu l'interface et Spideo - qui a travaillé aussi avec CanalPlay - pour la recherche et la recommandation de programmes.

Un « designer d'interaction » renommé, Dale Herigstad, qui a collaboré avec Steven Spielberg sur les interfaces gestuelles du film « Minority Report » et a été le consultant créatif d'IFeelSmart pour l'interface de la BBox Miami, a salué « la vision de Bouygues Telecom qui fait un pas vers le futur.» L'opérateur a d'ailleurs reçu le prix du « fournisseur de service le plus innovant » aux Broadband Infovision Awards, contre AT&T, TiVo, TTNET et Telekom Malaysia, pour cette Box, en octobre.

Un nouveau décodeur suffira-t-il à faire la différence dans ce marché mature où la croissance d'abonnés ne se fait quasiment qu'en grignotant la part de ses concurrents ? Réponse dans quelques mois car Bouygues ne sera pas au rendez-vous du « combat de Box » contre Numericable-SFR à Noël, période au cours de laquelle il a préféré concentrer ses efforts sur le mobile...