Aux Etats-Unis, les autorités mettent les GAFA sur le gril

Jeff Bezos, Sundar Pichai, Tim Cook et Mark Zuckerberg seront interrogés  conjointement par les autorités antitrust américaines ce mercredi pour une audience historique. Que faut-il en attendre ?
Si les GAFA venaient à être convaincues de pratiques anticoncurrentielles, de simples amendes seront-elles mises en place, ou pourrait-on assister à des mesures plus sévères visant à limiter leur position dominante, comme un démantèlement partiel ?
Si les GAFA venaient à être convaincues de pratiques anticoncurrentielles, de simples amendes seront-elles mises en place, ou pourrait-on assister à des mesures plus sévères visant à limiter leur position dominante, comme un démantèlement partiel ? (Crédits : REUTERS FILE PHOTO)

Les GAFA peuvent souffler : leur audience commune devant les autorités antitrust américaines, qui devait avoir lieu ce lundi à midi (heure de New York), a été repoussée au dernier moment pour ne pas empiéter sur la cérémonie d'hommage à John Lewis, homme politique et figure du mouvement des droits civiques récemment décédé. Le répit sera toutefois de courte durée, puisque l'audience se tiendra finalement mercredi.

Elle est l'aboutissement d'une enquête démarrée il y a treize mois par le sous-comité antitrust de la commission judiciaire de la Chambre des représentants (chambre basse du Congrès américain). L'objectif : déterminer si les quatre géants technologiques américains, Google, Amazon, Apple et Facebook, sont engagés dans des pratiques anticoncurrentielles et doivent ou non être sanctionnés en conséquence.

Ces quatre entreprises sont ciblées du fait de leur taille et de la domination écrasante dont elles bénéficient respectivement sur l'accès à l'information, le commerce en ligne, l'écosystème technologique et les réseaux sociaux. L'audience s'annonce historique, dans la mesure où ce sera la première fois que les quatre directeurs généraux de ces entreprises seront interrogés en même temps par les autorités américaines. Coronavirus oblige, elle se tiendra toutefois à distance.

Si elles ont pour point commun d'être parvenues à rassembler des centaines de millions d'utilisateurs à travers le monde, d'être issues du boom des nouvelles technologies, de générer de juteux bénéfices et d'être aussi puissantes que certains Etats, ces quatre entreprises sont aussi très différentes les unes des autres, et l'angle d'attaque choisi par les quinze membres du sous-comité risque de varier considérablement de l'une à l'autre.

Google taxé de favoritisme

Google est sous le coup de plusieurs enquêtes qui l'accusent de bénéficier de son monopole sur l'accès à l'information en ligne d'une part, et de l'écosystème Android d'autre part, pour favoriser ses produits maison. La Californie a ainsi ouvert une enquête dans cette optique début juillet, tandis qu'une autre menée par le Département de la justice américain est également en cours.

Certains griefs visent la façon dont Google utiliserait son moteur de recherche à des fins personnelles. La pratique consistant à afficher en premier les liens payants dans les résultats d'une recherche Google est ainsi sujette à enquête. Citons également le soupçon, notamment appuyé par une récente enquête du Wall Street Journal, que l'entreprise donne la priorité aux vidéos YouTube (détenu par Google) au détriment de celles de plateformes rivales comme Facebook et Dailymotion, même quand celles-ci comptent davantage de vues.

Google est également accusé d'utiliser le système Android pour promouvoir ses propres produits, en faisant par exemple de Google le moteur de recherche par défaut sur son système d'exploitation. On reproche enfin à l'entreprise d'arroser ses concurrents pour assurer la domination de ses produits et services : au Royaume-Uni, une récente enquête a ainsi montré qu'elle payait plus d'un milliard de dollars par an à Apple pour faire de Google le moteur de recherche par défaut sur Safari.

Accusés de saborder leurs concurrents

Tout comme la domination de Google sur l'écosystème Android suscite la suspicion des autorités américaines, celle d'Apple sur l'Apple Store fait également débat. L'entreprise prélève notamment 30% des revenus générés par les abonnements sur une application lorsque celle-ci est téléchargée via l'Apple store. Cette « taxe Apple » a notamment conduit Spotify, rival d'Apple Music, à déposer une plainte anti-monopole auprès de l'Union européenne. Aux États-Unis, plusieurs développeurs américains ont également attaqué Apple, arguant que son monopole sur l'Apple Store nuisait fortement à la concurrence. Tim Cook doit donc s'attendre à être interrogé sur ce point.

Le réseau social de Mark Zuckerberg est de son côté montré du doigt pour ses rachats d'Instagram et de WhatsApp, en lesquels certains ont vu une volonté de mettre sous sa coupe de potentiels rivaux. Ils lui ont également assuré une position ultra-dominante sur les réseaux sociaux et le marché de la publicité en ligne (Facebook et Google attirent respectivement 20% et 36% des dépenses de publicité digitale aux États-Unis). La façon dont le réseau social devient la source privilégiée d'accès à l'information pour de nombreux internautes, et le pouvoir qu'il exerce ainsi sur les media, suscitent également l'inquiétude. En 2018, une enquête de l'Université d'Oxford montrait ainsi que certains titres de presse avaient vu leurs interactions chuter de 30 % sur le réseau social après une simple mise à jour de l'algorithme Facebook.

Jeff Bezos doit de son côté s'attendre à être longuement cuisiné sur de récentes révélations apportées par une enquête du Wall Street Journal. Cette dernière, s'appuyant sur les témoignages de nombreux investisseurs et entrepreneurs, affirme qu'Amazon utilise son fonds d'investissement pour approcher des start-ups, rassembler des informations confidentielles sur celles-ci et lancer ensuite ses propres produits concurrents, utilisant sa puissance pour les promouvoir et conduisant parfois les jeunes pousses à la faillite.

Des révélations suffisamment explosives pour justifier une enquête anti-monopole à elles seules, mais malheureusement pour Jeff Bezos, les critiques adressées à son entreprise ne s'arrêtent pas là. L'Union européenne s'apprête ainsi également à poursuivre l'entreprise, qu'elle accuse de collecter des données sur les produits vendus sur sa plateforme via des parties tierces pour doper les ventes de ses propres produits. Un point sur lequel Bezos risque également d'être interrogé.

Un démantèlement est-il envisageable ?

La question qui se trouve naturellement sur toutes les lèvres outre-Atlantique est celle des conséquences potentielles pour ces différentes entreprises, si elles venaient à être convaincues de pratiques anticoncurrentielles. De simples amendes seront-elles mises en place, ou pourrait-on assister à des mesures plus sévères visant à limiter leur position dominante, comme un démantèlement partiel ?

Jadis impensable, cette option est désormais régulièrement évoquée aux États-Unis. La candidate à l'investiture démocrate Elizabeth Warren en avait fait l'un de ses chevaux de bataille, et elle est devenue, après sa défaite, l'une des principales conseillères de Joe Biden, qui affrontera Donald Trump en novembre prochain. De nombreuses rumeurs affirment même qu'elle pourrait être sa colistière, élément sur lequel Biden doit se prononcer le 1er août prochain.

Le sous-comité antitrust de la commission judiciaire de la Chambre des représentants n'est en outre pas le seul à s'intéresser aux pratiques anti-monopole des GAFA. Deux enquêtes supplémentaires sont également en cours, de la part du Département de la Justice et de la Federal Trade Commission, agence fédérale chargée de l'application du droit de la consommation et le contrôle des pratiques commerciales anticoncurrentielles.

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Commentaire 1
à écrit le 28/07/2020 à 11:27
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Il faut voir surtout que cest une autorité américaine qui chapote ces géants internationaux d'internet américains également où contempler l'amérique regner.

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