Grand Prix - Anavaj Sakuntabhai : Un vaccin cellulaire contre les virus de la dengue et Zika

Grand Prix du concours i-Lab 2020, Anavaj Sakuntabhai, le porteur du projet D4Zin, a développé au sein de l'Institut Pasteur une approche cellulaire, utilisée contre certains cancers, pour lutter contre la dengue et Zika.
Anavaj Sakuntabhai, porteur du projet D4Zin.
Anavaj Sakuntabhai, porteur du projet D4Zin. (Crédits : William Beaucardet)

Si les vaccins, qui contiennent des fragments de microbes rendus inoffensifs, reposent sur la production d'anticorps dirigés contre un agent infectieux tel un virus, Anavaj Sakuntabhai, un chercheur thaïlandais, médecin à l'origine et qui a fait son doctorat à Oxford, au Royaume-Uni, a décidé d'opter pour une nouvelle approche face à deux virus bien connus, ceux de la dengue et de Zika, dans le cadre de ses recherches à l'Institut Pasteur, où il travaille depuis 2000.

« Dans le cas de la dengue, par exemple, les anticorps produits lors d'une première infection peuvent non seulement perdre leur capacité à neutraliser le virus, mais sont aussi susceptibles d'aider le virus à entrer dans les cellules lors d'une deuxième infection, une action contraire à celle attendue », explique-t-il. C'est le phénomène connu sous l'abréviation ADE pour Antibody-Dependent Enhancement. Difficile, dans ces conditions, d'appliquer sans risque la formule classique d'un vaccin... Dans son laboratoire, il opte donc pour une autre approche, celle des vaccins cellulaires.
« Elle n'est pas totalement nouvelle, dit-il, puisqu'elle a d'ores et déjà été envisagée pour le traitement de cancers », souligne-t-il. Au lieu d'induire une production d'anticorps, l'objectif consiste à stimuler l'immunité à cellules T. Les effets protecteurs sont les mêmes, mais sans les inconvénients.

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10 ans de recherches

Avec une bourse de l'Union Européenne, les équipes de l'Institut Pasteur travaillent depuis dix ans sur le sujet. A la clé, le projet D4Zin, un candidat vaccin à cellules T innovant, qui combine une immunisation de longue durée et simultanée contre les quatre sérotypes de virus de la dengue et contre Zika, tout en évitant le phénomène ADE. D'autant que si la Dengue n'est pas (ou pas encore...) présente en Europe de façon permanente et endémique, elle peut s'y propager par le biais de voyageurs, « qui, à leur tour, peuvent infecter des moustiques qui vont disséminer la maladie dans l'hémisphère nord », souligne le Pr. Sakuntabhai. La dengue infecte 390 millions de personnes par an dans le monde avec 3 millions de cas graves et 25 000 décès, principalement de jeunes enfants. Quant à Zika, responsable de troubles neurologiques et de malformations congénitales, le virus se propage également sur la planète. Associée au réchauffement climatique, qui favorise la propagation des moustiques, la menace doit être prise très au sérieux. Ainsi, de premiers cas autochtones de dengue et de Zika ont été rapportés, en France et sur le pourtour méditerranéen.

Apporter des solutions aux patients

D'où l'idée de porter un nouveau vaccin sur le marché. « La politique de l'Institut Pasteur est de soutenir les chercheurs qui souhaitent devenir entrepreneurs », se réjouit Anavaj Sakuntabhai. « J'apprends à l'être et j'en suis très heureux ! », ajoute celui qui, dès le début de ses études en Thaïlande, rêvait de faire de la recherche pour apporter des solutions aux patients à travers le monde. La société qu'il a en tête sera créée avant la fin de l'année. « Déjà, avec l'attribution d'un Grand Prix, le jury du concours i-Lab a reconnu et validé la valeur du projet d'entreprise et de la recherche », se félicite-t-il.

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L'appui technique et financier de l'Institut Pasteur et de l'Institut Carnot au projet d'entreprise permettra à Anavaj Sakuntabhai et à ses deux futurs associés - deux collègues de l'Institut Pasteur - de mettre sur pied la structure. Le financement accordé par le concours i-Lab à la future entreprise sera complété par « des levées de fonds supplémentaires auprès d'investisseurs privés, grâce au label i-Lab, de même qu'auprès de l'Union européenne investissant dans les domaines de la recherche et de l'innovation », espère-t-il.

« Nous avons déjà fait la preuve du concept et lancé les essais sur des modèles animaux, et nous prévoyons de débuter les essais cliniques en 2022 », poursuit-il. Des essais en trois étapes, qui devraient mener, dans sept à dix ans, à un vaccin contre la dengue et Zika. Les avancées françaises pourraient également servir à lutter contre un autre virus, le Covid-19, différent des deux autres... « Nous développons une plateforme de technologies qui permettra de mettre au point d'autres vaccins, précise le chercheur bientôt entrepreneur, en partenariat avec des laboratoires pharmaceutiques pour leur commercialisation à travers la planète ». Mais Anavaj Sakuntabhai a bien l'intention de rester basé à Paris. Parce qu'il s'y sent bien, mais aussi parce que l'Institut Pasteur, et la France en général, à travers son écosystème et des programmes comme i-Lab, l'ont, dit-il, aidé à grandir et à réaliser son rêve d'aider le plus grand nombre, par le biais de l'entrepreneuriat.

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