Drahi parie-t-il (financièrement) sur un redressement de SFR ?

Par Pierre Manière  |   |  761  mots
Patrick Drahi, le patron d'Altice, maison-mère de Numericable-SFR.
A la tête d’Altice, maison-mère de l’opérateur au carré rouge, le magnat des télécoms et des médias prépare une OPE sur les 22,25% du capital de SFR qu’il ne détient pas encore. Si elle aboutit favorablement et si SFR retrouve des couleurs, l’opération pourrait constituer un gros coup financier.

Chez SFR, l'opération avait fait jaser. En octobre 2015, l'opérateur annonçait le versement d'un dividende de 2,5 milliards d'euros à ses actionnaires. Le premier bénéficiaire de l'opération n'était autre qu'Altice, maison-mère de l'opérateur au carré rouge et propriété de Patrick Drahi. Le groupe disposait alors d'un peu plus de 70% de SFR, et a donc encaissé près de 1,9 milliards d'euros. Si Altice avait possédé 100% de SFR, il aurait donc raflé près de 600 millions d'euros supplémentaires. D'après plusieurs analystes financiers sondés par La Tribune, c'est probablement sous ce prisme et celui de prochains possibles gros chèques qu'il faut percevoir le dernier « coup » financier d'Altice et de Patrick Drahi. Et pour cause : le groupe désormais dirigé par Michel Combes a annoncé qu'il souhaitait lancer une OPE sur les 22,25% du capital de SFR qu'il ne possède pas encore. Avec la perspective, si possible, de retirer ce dernier de la cote.

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Quant au timing de l'opération, il semble particulièrement opportun dans la mesure où « l'action SFR n'est pas chère aujourd'hui et pourrait monter dans le futur », dit un analyste. Il faut dire qu'en un an, le groupe a perdu près de la moitié de sa valeur, passant de 45 euros fin septembre 2015, à environ 23 euros aujourd'hui. Confortant l'hypothèse d'un pari financier si jamais SFR, aujourd'hui en difficulté, reprenait des couleurs, un autre confie : « Avant tout, on peut supposer que Drahi a confiance dans le plan de redressement de SFR et y voit donc une valeur largement supérieure au cours actuel. »

 « Création de valeur aux Etats-Unis »

Evidemment, lors d'une conférence de presse ce lundi, Michel Combes n'a pas présenté l'opération sous cet angle. Pour justifier l'opération, il a d'abord évoqué « la simplification de la structure capitalistique du groupe », après avoir bouclé les rachats des câblo-opérateurs américains Suddenlink et Cablevision ces derniers mois. La « deuxième raison », d'après lui, serait « le renforcement de la flexibilité opérationnelle du groupe ». Quant à la « troisième raison », elle n'est autre qu'une incitation aux actionnaires minoritaires à participer à l'opération. « On veut leur donner l'option de participer à la création de valeur du groupe et notamment au niveau d'Altice aux Etats-Unis », a insisté le grand patron. Lequel a rappelé qu'aujourd'hui, Altice et Cablevision représentent désormais « 40% de la génération de cash du groupe », un niveau identique à celui de SFR.

Pour renforcer son opération séduction, Michel Combes a mis en lumière le travail d'intégration entre les différentes entités d'Altice. Le groupe qui, au passage, n'est plus présenté comme une holding mais comme un « opérateur » à l'envergure « internationale ». « Nous sommes maintenant le seul vrai opérateur intégré à la fois présent en Europe et aux Etats-Unis », a martelé le bras droit et vieux camarade de Patrick Drahi.

Sortir SFR de l'impasse

Ce braquage des projecteurs sur le pays de l'Oncle Sam ne date pas d'hier. En juin dernier, Patrick Drahi avait souligné l'importance, à ses yeux, de ce marché par rapport à la France lors d'une audition par la commission des affaires économiques du Sénat. Il y voyait, très clairement, une terre de conquête :

« Pour vous donner des ordres de grandeurs, en France, on a en valeur à peu près 30% du marché des télécoms. Car c'est un marché de l'ordre de 40 milliards [d'euros, Ndlr], et on en fait 11 milliards. Et aux Etats-Unis, nous allons faire un peu plus de 9 milliards [de dollars], mais nous n'aurons que 2% du marché. »

Bref, même si le magnat des télécoms et des médias fait actuellement une pause dans ses acquisitions dans la foulée des très fortes baisses boursières d'Altice et de SFR depuis un an, il envisage bien, à terme, de grandir davantage aux Etats-Unis.

Grève ce mardi

Reste que pour envisager à nouveau, de grosses acquisitions, Patrick Drahi et Michel Combes devront déjà sortir SFR de l'impasse. Le mois dernier, Altice a annoncé une baisse de son chiffre d'affaires de 1,07% au premier semestre (à 11,72 milliards d'euros), sous l'effet, principalement, du recul des ventes de SFR (-84 millions d'euros). En outre, beaucoup craignent que ce dernier ne casse son outil industriel après le plan de 5.000 départs volontaires qu'il prépare. Pour protester contre ces suppressions d'effectifs, deux syndicats, la CGT et la CFE-CGC, ont lancé ce mardi un appel à la grève.