[Publié le 06/06 et mis à jour le 07/06 à 10h16]
Nouveau rebondissement. Facebook a admis mardi avoir signé des accords de partage de données avec quatre entreprises chinoises - Huawei, Lenovo, Oppo et TCL. Ils figurent parmi la soixantaine d'accords similaires passés depuis 2007 avec des fabricants d'appareils, dont Apple, Amazon ou encore Microsoft, dévoilés samedi dernier. Alors que les applications étaient encore balbutiantes à cette époque, ces accords permettaient à Facebook d'adapter son interface pour être compatible avec les smartphones - et donc, se développer plus rapidement sur mobile.
Parmi les données accessibles figurent les statuts des relations (en couple, célibataire...), les opinions politiques, les croyances religieuses, ou encore, les événements auxquels les utilisateurs prévoient de se rendre. Depuis le début de la semaine, Facebook a lourdement insisté sur le fait que le consentement de l'utilisateur était nécessaire pour permettre le partage de données. En revanche, pour les "amis" de l'utilisateur, les données étaient accessibles sans consentement direct.
Le Congrès invoque des "inquiétudes légitimes"
La présence d'entreprises chinoises, notamment Huawei, a soulevé les inquiétudes du Congrès américain. En effet, Huawei est accusé d'être le bras armé technologique de Pékin depuis 2012, avec la publication d'un rapport du Comité permanent du renseignement de la Chambre des représentants. Le rapport mettait en avant les "liens proches" entre le fabricant et le parti communiste chinois.
"Que Facebook ait laissé des fabricants d'appareils comme Huawei et TCL accéder à ses interfaces soulève des inquiétudes légitimes. J'ai hâte de savoir comment Facebook s'est assuré que les informations sur ses usagers ne sont pas arrivées jusqu'à des serveurs chinois", a réagi mardi le sénateur démocrate Mark Warner, vice-président de la commission sénatoriale sur le renseignement.
Dans un communiqué de presse en date du 6 juin, le géant chinois a "contesté pleinement les allégations concernant d'éventuels partenariats de partages de données des utilisateurs entre Huawei et Facebook", précisant : "Comme tous les principaux fabricants de smartphones, Huawei travaille conjointement avec Facebook afin que les services proposés par ce dernier soient adaptés de façon optimale à nos utilisateurs. Huawei n'a jamais collecté ou stocké de données des utilisateurs de Facebook."
Cette nouvelle survient alors que Huawei rencontre des obstacles pour s'implanter aux Etats-Unis. En janvier, alors qu'il misait sur un partenariat avec le géant du mobile AT&T pour distribuer son dernier smartphone, le Mate 10 Pro, l'opérateur américain s'est finalement retiré des discussions.
Aucun abus, selon Facebook
En réponse, Facebook assure que le processus "était contrôlé depuis le départ". "Compte tenu de l'intérêt de la part du Congrès, nous voulions préciser clairement que toutes les informations" permettant de rendre Facebook compatible avec les téléphones Huawei "étaient stockées dans l'appareil et non les serveurs de Huawei", a déclaré dans un communiqué Francisco Varela, chargé des partenariats mobiles chez Facebook. Et de préciser :
"Huawei est le troisième plus grand fabricant d'appareils mobiles dans le monde et ses appareils sont utilisés partout dans le monde, notamment aux Etats-Unis. Facebook, comme d'autres entreprises technologiques américaines a travaillé avec lui, et d'autres fabricants chinois, pour rendre compatible (Facebook) dans leurs téléphones."
Dans l'enquête du New York Times publiée samedi, Facebook assurait que les contrats passés avec les 60 fabricants prévoyaient une limitation stricte de l'usage des données - interdisant notamment le stockage des données des utilisateurs Facebook sur des serveurs appartenant aux entreprises partenaires. Si le réseau social assure qu'aucun cas d'utilisation détournée n'a été constaté, l'entreprise américaine a reconnu que certains partenaires stockaient les données des utilisateurs - y compris les données des "amis" - sur leurs propres serveurs, toujours selon le New York Times.
La moitié des partenariats ont pris fin
Sur les 60 partenariats, la moitié ont déjà pris fin, assure une porte-parole de Facebook interrogée par le Wall Street Journal. Facebook a déclaré vouloir mettre fin à celui passé avec Huawei d'ici la fin de la semaine. Les trois autres accords passés avec Lenovo, Oppo et TCL, devraient suivre. Le comité du commerce du Sénat a adressé mardi une lettre à Facebook, exigeant, entre autres, la publication intégrale des partenaires.
Cette nouvelle polémique arrive moins de trois mois après le scandale Cambridge Analytica. Le réseau social est accusé de laxisme et d'opacité concernant la protection des données personnelles de ses 2,2 milliards d'utilisateurs dans le monde. En effet, le cabinet d'analyse Cambridge Analytica a réussi à mettre la main sur les informations de 87 millions d'utilisateurs Facebook, sans leur consentement. Ces données ont été utilisées à des fins politiques, notamment pour la campagne présidentielle américaine de Donald Trump, mais aussi au Royaume-Uni au profit du groupe eurosceptique « Leave.EU » ("Quitter l'Union européenne") lors de la campagne en faveur du Brexit, en 2016.